Que ressent-on (ou devrait-on ressentir) lorsqu'on regarde à la télévision des images horribles d'un tremblement de terre ou de survivants d'un volcan pleurant la mort de leurs proches ou encore des squelettes vivantes d'individus victimes de famine ou de faim aiguë ? Beaucoup d'entre nous regardent de telles scènes en mangeant ou en discutant avec leur famille ou leurs amis. Les philosophes parmi nous se demandent pourquoi ces choses arrivent en premier lieu. Un religieux dirait probablement que c'est une punition divine.
En fait, beaucoup de gens s'attardent sur ces événements malheureux. et
commencent à méditer sur la vie. Une telle méditation pourrait amener à la
dévotion tout comme elle pourrait conduire à l'incrédulité. Mais quelles leçons
pourrait-on (ou devrait-on) tirer de telles calamités dans lesquelles des
milliers de personnes perdent la vie et des milliers d'autres se retrouvent
mutilées, orphelines, veuves ou sans abri ; où des villes et des villages
entiers sont rasés ; où des paysages paradisiaques se transforment en lieux
sinistrés ? Eh bien, cela a toujours été horrible. Des gens sains et saufs,
bien calés dans leurs fauteuils, pourraient moraliser autant et aussi longtemps
qu'ils le souhaiteraient - mais diraient-ils la même chose (avec les mêmes
mots, sur les mêmes tons, avec la même force de conviction) s'ils étaient au
milieu du désastre ?
Je me souviens avoir vu un programme mettant en vedette les forêts tropicales
australiennes. Les caméras de télévision se déplaçaient avec grâce parmi des
arbres à couper le souffle, de belles fleurs indigènes, des oiseaux et des
animaux exotiques. Je pensai qu'il ne pouvait y avoir d'endroit plus tentant
pour des vacances. Mais soudain, un incendie infernal s'est déclaré et a
détruit tous les arbres, les fleurs, les oiseaux et les animaux. J'ai soupiré
pendant que la voix commentant la scène m'expliquait que, en fait, de tels
incendies étaient en quelque sorte monnaie courante dans ces forêts, et que
c'était un phénomène très naturel. C'était bon que le programme ait donné cet
avertissement aux touristes amoureux de la nature et cette leçon à ceux qui
succombent facilement à la beauté. Malheureusement, les phénomènes naturels ne
peuvent pas tous être prédits. Tant de touristes (de partout dans le monde) ont
trouvé la mort dans le tsunami de décembre 2004. Personne - et encore moins la
population locale - n'aurait pu prédire une telle catastrophe. Les gens se sont
- alors et comme toujours - posé beaucoup de questions (existentielles).
Certains ont opéré une sorte de changement, d'autres ont continué à vivre leur
vie comme si de rien n'était. Personnellement, je me pose aussi des questions.
J'ai lu sur le Web une question que je m'étais posée avant même qu'Internet
n'entre dans notre pays. La Première et la Seconde Guerre mondiale
étaient-elles une punition divine ? C'était la question. Je me demandais
pourquoi une telle chose puisse arriver à des gens qui étaient à l'origine de
tous les incroyables développements technologiques dont nous bénéficions dans
notre vie de tous les jours. Ces gens ont fait de grandes inventions, travaillé
dans des mines de charbon, lutté pour les droits de l'homme, etc. Alors
pourquoi ont-ils été récompensés par deux guerres sanglantes ? Ce qui est
curieux, c'est qu'au cours de ces deux guerres (et de la guerre froide qui a
suivi), un développement technologique phénoménal a eu lieu - comme si nos
avions (civils) d'aujourd'hui n'auraient pu voler aussi loin et aussi vite
qu'ils le font aujourd'hui, comme si nos téléphones portables, nos connexions
Internet, nos télévisions, etc., auraient pu rester des sujets de livres de
science-fiction, s'il n'y avait eu deux guerres (mondiales) dévastatrices. L'ONU
- quoi qu’on en dise - n'est née qu'après ces guerres-là. La démocratie ne
s'est généralisée qu'après ces guerres, lesquelles ont coûté la vie aux enfants
et petits-enfants de grands inventeurs, ingénieurs, enseignants et travailleurs
patients qui ont enduré la vie dans les mines de charbon. Serait-il
superstitieux de lier cela à la soi-disant séparation de la religion et de
l'État (comme ce fut le cas en France en 1905) ? Ou cela s'expliquerait-il par
« l'immoralité croissante » des gens ? (Certains diront, cependant, que la «
vraie immoralité » est devenue encore pire en 1968, plus de deux décennies
après la guerre !) D'autres diront que la ou lesdites guerres furent plutôt le
résultat de la lutte des grandes puissances pour la suprématie et leur rivalité
sur les territoires d'outre-mer. Quelles que soient les raisons de telle ou
telle calamité, il n'est jamais mauvais de se poser des questions à ce sujet.
Très souvent - mais pas toujours - ce sont des personnes qui ont frôlé la mort
dans de telles catastrophes qui NE posent PAS les questions les plus
difficiles, genre : « Pourquoi devrait-il y avoir une telle chose en premier
lieu ? » J'ai été touché par l'histoire d'une jeune femme allemande et de sa
mère qui se trouvaient au Sri Lanka pendant le tsunami de 2004. Dans une
émission diffusée sur une chaîne arabe, la jeune femme a expliqué comment un
jeune homme sri lankais l'avait sauvée, au péril de sa vie. Le jeune homme
lui-même a parlé tandis que les deux femmes - qui étaient revenues au Sri Lanka
pour le rencontrer et se souvenir de l'incident - écoutaient, en pensant et
penchant la tête. Cette amitié inattendue est un exemple des choses
paradoxalement merveilleuses qui se produisent pendant et après les
catastrophes. Mais la question demeure, cependant : pourquoi devrait-il y avoir
une telle chose en premier lieu ?
En d'autres termes, pourrait-il y avoir un bon côté au désastre ? Les
tremblements de terre, les ouragans, les cyclones, les volcans, les incendies
de forêt, les inondations, etc. sont-ils seulement des accidents naturels qui
surviennent au hasard et gâchent la vie des gens ? Même si les scientifiques,
qui n'ont commencé à développer des théories sérieuses à ce sujet que dans les
années 1960, prouvaient par des preuves empiriques que les phénomènes
susmentionnés ci-dessus sont essentiels à l'équilibre global de la planète
Terre, certains se demanderaient encore : « Pourquoi la terre aurait-elle
besoin de telles catastrophes simplement pour assurer son équilibre ? » Ceux
qui voudraient « régler leurs comptes » avec Dieu se demanderaient quand même :
« Si Dieu est parfait, alors pourquoi a-t-il créé une terre si imparfaite ?
Pourquoi une population dans une partie du globe devrait-elle être
impitoyablement sacrifiée pour sauver des populations ailleurs ? »
Je ne prétends pas avoir des réponses à ces questions. Mais voyons les choses
telles qu'elles sont.
La terre n'est peut-être pas parfaite, mais que dirait-on de ces touristes qui
attendent une année entière et dépensent beaucoup d'argent pour se rendre à un
endroit donné ? Pourquoi choisissent-ils d'aller à tel endroit plutôt qu'à un
autre ? Les touristes vont-ils dans des endroits paradisiaques ou dans des
coins infernaux du globe ?
D'ailleurs, les scientifiques disent, par exemple, que « la plupart des
tremblements de terre causent peu ou pas de dégâts ». Ils disent également que
« la plupart des activités volcaniques sont sous-marines, formant de nouveaux
fonds marins » - loin de nos villes et villages.
Ainsi, « l'imperfection », s'il y en a, est plutôt due à l'homme. Les
scientifiques disent que la pollution causée par l'homme est en grande partie
responsable du réchauffement climatique, qui, à son tour, est responsable d'au
moins certaines des catastrophes telles que Katrina (2005) et les incendies de
plus en plus fréquents en Amérique du Nord et les inondations en Europe
occidentale, au centre de la Chine et ailleurs. Sinon, pourquoi y aurait-il
l'Accord de Paris et toutes les conventions sur le climat ?
Les pauvres supplient maintenant les riches d'arrêter de polluer la terre
(provoquant ainsi la sécheresse, les inondations, les cyclones, El Niño et
d'autres catastrophes), tandis que les riches supplient les pauvres d'accepter
de l'argent en échange du droit de polluer dans leur propre pays. Quelle
logique !
Donc, que la terre ne soit pas parfaite ou que ce soit l'homme qui l'a rendue
si imparfaite, il n'est jamais trop tard pour que l'homme essaie de la rendre
parfaite - ou aussi parfaite que possible. Tous les rapports scientifiques
alarmants qui sortent de temps en temps ne visent réellement qu’à pousser les
politiques à agir.
En temps normal, on trouverait des endroits paradisiaques de part le monde.
Sinon, pourquoi devrait-il y avoir du tourisme et des touristes ? Si de
nomb²reux touristes étrangers se sont trouvés en Asie du Sud-Est lors du
Tsunami de 2004, c'est justement parce qu'ils avaient été attirés par la beauté
de cette région.
Même après qu'un endroit soit totalement détruit lors d'une catastrophe,
l'homme est toujours là pour faire quelque chose. Cela amène à parler de
solidarité. Plus récemment, des incendies de forêt ont ravagé la région
italienne de la Sardaigne. Qui va donc aider cette île dévastée à se relever
sinon les contribuables italiens ?
Lorsque nous parlons de solidarité, nous entendons aussi par là la charité, la
compassion, l'altruisme, le bénévolat pour aider par amour. Quand vous voyez
des gens de tous horizons se précipiter pour s'entraider ; quand vous voyez des
milliers d'étudiants donner du sang et courir vers les zones les plus touchées
pour sauver des vies, c'est de la pure solidarité. Et c'est beau. Qui oubliera
l'aide que la communauté internationale a apportée (ou du moins s'est engagée à
apporter) aux victimes du tsunami ou aux réfugiés syriens ou les efforts
actuels pour aider les États pauvres avec la vaccination anti-Covid ?
Bien sûr qu’il y a homme et homme. Alors que les belligérants de tout bord et
de tout genre se jurent et se battent, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge
unissent leurs forces pour sauver des personnes de confessions et d'origines
différentes. L'essentiel est d'éteindre le feu, peu importe qui l'a allumé.
Quand vous apprenez que 200 sauveteurs ont perdu la vie alors qu'ils tentaient
de secourir leurs concitoyens en Chine (en mai 2008), et que de nombreux
enseignants ont péri dans la catastrophe après avoir sauvé leurs élèves, alors
vous ne pouvez qu'être fier d'être un humain. Nous, les humains, sommes
capables de rendre le monde meilleur - en nous servant les uns les autres.
Comparez cette solidarité manifestée par des personnes de l'intérieur et de
l'extérieur des lieux touchés par les catastrophes aux pillages qui ont parfois
lieu dans ces zones-là. Comparez cette solidarité aux rivalités qui ont conduit
à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. Comparez l'effusion de sang de
ces guerres à l'esprit qui a conduit à l'Union européenne, par exemple.
Décidément, l'homme est capable du meilleur et du pire.
Et qu'y a-t-il de plus beau que de reconstruire des vies brisées ? La
destruction est sans aucun doute horrible. Les retombées peuvent durer des
années et coûter de l'or et des vies humaines. Mais cela fait partie de la vie.
Ce que nous avons tendance à oublier, c'est que la plupart des destructions
sont causées par l'homme. Les catastrophes naturelles n'ont pas contribué à
l'incroyable destruction qui s'est produite au cœur de l'Europe dans la
première moitié du XXe siècle. Les catastrophes naturelles n'ont rien à voir
avec les destructions qui ont eu lieu en Irak, en Syrie et au Yémen, par
exemple, ou avec la famine ça et là.
Les esprits pratiques se mettent immédiatement au travail pour réparer les
dégâts, laissant à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. Des
fois, les destructeurs eux-mêmes se précipitent vers la reconstruction. Les
États-Unis, qui ont aidé à faire tomber le Reich d'Hitler et l'empire du Japon,
ont mis en place le plan Marshall pour reconstruire l'Europe et le Japon
d'après-guerre. Une génération prospère de baby-boomers a profité des fruits de
cette reconstruction, tournant ainsi la page des horreurs de la guerre dont
leurs pères avaient été témoins. « Le malheur des uns fait le bonheur des
autres », dit le proverbe.
Après chaque catastrophe, de nombreuses personnes trouvent beaucoup de travail,
un revenu stable pendant des années. Beaucoup d'entreprises prospèrent pendant
cette période et beaucoup d'échanges ont lieu. Non seulement ces écoles
démolies, mais toute l'infrastructure (souvent ancienne et vétuste) devient
bien meilleure qu'avant le tremblement de terre. Cela donne l'opportunité aux
ingénieurs et techniciens nouvellement diplômés de prouver leur valeur et de
construire leur vie et au PME et TPE de grandir.
Maintenant, qu'en est-il du châtiment divin ? Eh bien, la punition divine
signifie différentes choses pour différents croyants. Les Juifs, les Chrétiens
et les Musulmans, par exemple, connaissent l'histoire de Noé, selon laquelle,
le monde d'alors a été détruit par le Déluge. Mais alors la vie a continué avec
juste un petit nombre de personnes et un nombre limité d'espèces. Le Dieu qui a
rendu la vie possible après le déluge est naturellement capable de sauver la
planète terre des pires conséquences du changement climatique, s'il le veut.
Qu'il le veuille ou non, cela dépend probablement du comportement de
l'humanité. D'où la crainte du châtiment divin pour certains. Le coran, par
exemple, est plein d’avertissement dans ce sens.
Punition divine ou non, un nombre croissant de jeunes souffrent sous diverses
formes et à divers degrés d'anxiété climatique (Climate Anxiety). Ils sont
profondément préoccupés non seulement par l'avenir de la planète Terre, mais
plus particulièrement par leur environnement immédiat. Certains croient
simplement que notre planète est condamnée, qu’elle est « au bord du gouffre ».
Le fait est que les conditions météorologiques extrêmes sont indéniables. Nous
avons tous entendu ou lu des rapports alarmants d'experts qui prédisent le pire
pour certaines parties du globe.
Mais allez dire cela à ces gens qui vont chercher fortune là où l'environnement
est le plus hostile, là où prospèrent le commerce illégal d'espèces sauvages,
l'exploitation forestière, l'exploitation minière, la pêche illégale … là où il
n'y a ni 'écoles, ni hôpitaux, ni même de routes goudronnées…, là où le sourire
ne veut rien dire.
Les détails ne manquent pas. Qui n’est pas au courant des côtes immergées avec
toutes les conséquences que cela implique, de la montée des eaux, des
véritables bombes à retardement que représentent les décharges sauvages dans de
nombreuses villes de part le monde ? Bien sûr qu’il y a de quoi s’alarmer. Que
dire encore des gens qui suffoquent sous la canicule en plein printemps, des
gens qui voient leurs bêtes mourir de soif devant leurs yeux, des chèvres qui
mangent leurs excréments, des chameaux qui mangent d’autres chameaux, des bords
de mer qui disparaissent tous les jours un peu plus sous l’eau, des nappes
phréatiques non renouvelables, des puits à sec ou presque… ? Ce n’est pas
évident d’être mentalement costaud devant de tels malheurs. Mais parfois il
suffit d’une pluie, d’un beau temps, d’une bonne récolte… pour se remonter le
moral et se sentir bien. Sauf que, quand on a tout, on pourrait s’imaginer
touché par la grâce divine Décidemment, cela se passe bel et bien dans la tête
et non seulement dans la nature.
Et il n’y a pas que les conséquences du dérèglement climatique. Au jour
d’aujourd’hui, des gens vivent dans la terreur à cause des gangs ou de
l’insécurité alimentaire. Des gens mangent un jour sur deux. Certaines grandes
villes dans des pays sûrs importent plus de 90 % de leurs besoins de
nourriture. Dans d’autres villes 80 % de la population vit uniquement du
tourisme. Que se passerait-il quand les touristes ne viennent pas ? Et pour
ceux qui dépendent de l’agriculture pluviale, que se passerait-il s’il ne pleut
pas ? En ce moment déjà, l’urbanisation incontrôlée engloutit d'innombrables
terres agricoles irremplaçables. On rapporte que la résistance aux
antibiotiques tuera 300 millions de personnes d'ici 2050. Mais tout cela n’est
pas si nouveau que ça. Dans mon pays, le Maroc, au 18 et 19ème siècles, il y
avait une famine ou une épidémie tous les 10 ou 15 ans ! Je ne sais pas ce qui
pourrait arriver à l’avenir, mais, au moins, en presque 60 ans, il n’y a eu
qu’une seule épidémie, c’est la Covid-19, et une seule « famine », c’était dans
les années 1980s. De plus, on se dirige lentement mais sûrement vers une
atmosphère de plus en plus « décarbonnée », avec l'utilisation des
énergies renouvelables, des batteries électriques, etc. Comme quoi, il est
encore possible d'espérer.
Ce n'est malheureusement pas toujours le cas Quoi qu’il en soit, nous
continuerons de voir des incendies, par exemple, ravager des arbres plusieurs
fois centenaires qui ne seront peut-être jamais remplacés. De nombreuses
personnes perdront également leur gagne-pain dans le processus. Idem pour les
tremblements de terre et les inondations. Les compagnies d'assurance ne sont
pas prêtes à tout indemniser pour tout le monde. Mais c'est ça, une
catastrophe. Nous ne sommes pas au Paradis. Une catastrophe reste une
expérience douloureuse - qu'elle soit naturelle ou non, qu'il s'agisse d'un
châtiment divin ou non. La bonne question qu'il faut se poser est : Et si
j'étais parmi les victimes ?