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Un HOMME capable
C'est samedi après-midi. Jilali, un ouvrier du
bâtiment, touche son salaire hebdomadaire (1000 dirhams), remercie son patron
et remonte sa vieille moto. En rentrant chez lui, il s'arrête chez le coiffeur.
En attendant son tour, il appelle sa femme, depuis son ancien Smartphone, lui
disant de préparer de l'eau chaude pour sa « douche ». Après s'être fait une
belle coupe de cheveux, Jilali va chez l'épicier de son quartier. Il paie ses
dettes de la semaine et commande de nouvelles choses pour faire plaisir à sa
femme. Entendant le bruit familier de sa moto, ses enfants se précipitent pour
ouvrir la portière. Les enfants et la femme sont tout sourire. Jilali est
heureux aussi. Les enfants jubilent : Papa nous a acheté des biscuits et des
yaourts ! La femme prend le sac dans la cuisine.
Quelques minutes plus tard, Jilali prend une « douche ». Il prend de l'eau dans
un seau et se la verse sur lui-même. C'est un bidonville, et il n'y a pas
toujours des douches dans les bidonvilles. Mais Jilali est content.
Après la douche, Jilali est assis dans le mrah, sorte de minuscule patio
couvert servant de salon mais aussi de salle à manger et tout. La télévision
est là. Devant lui se trouve un plateau à thé avec une théière chaude et du
pain. Jilali est ravi. Il attend que la nuit tombe, et que les enfants
s'endorment, pour que lui aussi s'endorme avec sa femme, pour que sa jouissance
soit complète.
Maintenant comptez avec moi combien de choses Jilali apprécie. (1) Jilali a du
travail, il aime ça. (Tout le monde n'a pas de travail.) (2) Jilali perçoit son
salaire tous les samedis après-midi. (3) Jilali a une moto. (Certains de ses
camarades viennent au travail à pied.) (4) Jilali peut se permettre une belle
coupe de cheveux. (5) Jilali a un Smartphone. (6) Jilali a une femme. (7)
Jilali a aussi des enfants. (8) La femme et les enfants de Jilali le reçoivent
avec le sourire. (9) Jilali a un endroit pour se laver dans sa petite demeure.
(Comparez avec les sans-abri.) (10) Jilali a un téléviseur. (11) Jilali a
quelqu'un qui lui fait du thé à son retour du travail. COMMENT JILALI NE
PEUT-IL PAS ÊTRE HEUREUX ?
Qui pourrait dire du mal de Jilali ? L'épicier ne s'est jamais plaint de lui.
Personne ne l'a jamais vu ni entendu mendier qui que ce soit, nulle part. C'est
un HOMME, un HOMME capable. Il peut subvenir aux besoins de sa famille sans
l'aide de personne. Il n'a besoin des conseils ou de la prédication de
personne. Sa femme et ses enfants sont toujours aussi bien habillés que
n'importe qui d'autre dans le quartier. Ses enfants vont à l'école et ont
toujours de bonnes notes. Sa femme va au marché hebdomadaire tous les dimanches
et au bain turc une fois par semaine. Tout le monde sait que Jilali a beaucoup
de choses de quoi se vanter. Jilali n'a aucun souci pour son image.
Jilali a certes une bonne image. Mais son cousin Larbi a une bien meilleure
image que lui. Contrairement à Jilali, Larbi est allé à l'école, et c'est à
l'école que Larbi a appris le travail du plâtre. Larbi travaille pour le même
patron que Jilali, mais il est payé différemment. Larbi ne touche pas le plâtre
de ses mains. Il a trois apprentis qui le font pour lui. Le patron paie Larbi
pour l'ensemble des travaux de gypse et Larbi donne des salaires hebdomadaires
à ses apprentis. C'est pourquoi Larbi vient au travail en voiture, et il a un
beau gros Smartphone. Il a quitté le bidonville il y a bien longtemps puis a
acheté un petit appartement dans un vieil immeuble d'un vieux quartier, et
maintenant il habite une maison à trois étages près du centre-ville. Et il a
épousé une seconde femme. Son développement personnel a rendu plusieurs
personnes jalouses de lui.
Si Larbi est dans une meilleure situation que Jilali, il est loin d'être le
meilleur. S'il a une maison à trois étages, il y a beaucoup, beaucoup de gens
qui ont des villas et même des riyads. S'il a une belle voiture neuve, il y a
beaucoup, beaucoup de gens qui ont des voitures beaucoup, beaucoup plus belles
et plus chères. S'il a deux femmes, il y en a d'autres qui en ont quatre. Ses
possessions ne le distinguent pas vraiment du reste de la foule. Pour se
démarquer, il doit faire quelque chose d'exceptionnel. Il devrait être comme le
beau-frère de son patron, qui est parti de rien pour devenir président du
conseil municipal de la ville. Il est devenu l'un des personnages importants de
la ville. Beaucoup de gens s'émerveillent encore de son ascension fulgurante
dans la politique locale.
L'histoire du beau-frère du patron de Larbi n'est rien comparée à l'histoire
d'Alejandro Toledo qui, à l'âge de six ans, a travaillé comme cireur de
chaussures de rue, avant de devenir un économiste distingué, puis président de
son pays, le Pérou, de 2001 à 2006. Tous les cireurs de chaussures ne peuvent
pas espérer devenir président de leur pays.
Et pas seulement Jilali et Larbi vivent pour le plaisir et l'image. Nous le
faisons tous. Nous aspirons tous au succès et à l'épanouissement. Et peut-être
que nous aspirons tous à monter dans l’estime d’autrui. Au XIX e siècle, par
exemple, on délaissa les calèches pour les trains, etc. Pour moudre leur blé,
certains délaissèrent les moulins à vent pour les moulins à vapeur. Et qui de
nous veut rater le train du progrès ?
A cette époque, on se vantait d'avoir inventé un moulin à vapeur, de pouvoir
installer des moulins à vapeur, de moudre son blé et son orge dans des moulins
à vapeur. L'un se vanterait d'avoir inventé le train, un autre qu'il conduisait
un train, et un autre encore qu'il voyageait en train. C’est toujours un qui a
inventé (produit) quelque chose, et un qui a utilisé (consommé) quelque chose.
Vous ne pouvez pas espérer parler toute une journée sans succomber à la
tentation de vous vanter auprès de quelqu'un de quelque chose. Chacun de nous a
besoin de sentir qu'il est important, qu'il n'est pas moins digne que les autres.
Sinon, pourquoi nous regardons-nous dans le miroir ? C'est un besoin
fondamental de reconnaissance.
Vous entrez dans une rue bondée, vous entrez dans le hall d'un hôtel, vous vous
asseyez dans un café, et tous les yeux sont rivés sur vous. Tous les yeux vous
suivront comme un serpent suivrait la pipe d'un charmeur de serpent. Vous êtes
né avec un beau visage et votre beauté est restée avec vous, éblouissant les
gens partout où vous allez. Ou peut-être êtes-vous allé au marché et avez-vous
passé des heures à choisir jusqu'à ce que vous trouviez une robe ou un costume
de rêve. Et vous vous sentez bien quand les gens vous regardent.
Plus vous êtes beau, plus votre costume est magnifique, plus les gens vous
regarderont. Vous en êtes conscient et vous sortez donc rarement, voire jamais,
avant de vous regarder dans le miroir.
Mais quoi que vous fassiez, vous ne pouvez pas toujours être accrocheur. Vous
pouvez être complètement éclipsé par les riches et les célèbres. Même les
belles personnes tendent l'oreille en entendant le tintement des pièces de
monnaie ou le froissement des billets de banque ou, là où l’on n’utilise plus
ceux-là, quand on parle d’argent. Pas étonnant donc qu'une belle fille préfère
un vieil homme riche boutonneux à un beau jeune homme avec peu ou pas de
revenus.
Le problème c'est quand on n'a pas de quoi se targuer alors que les autres
autour de nous n'arrêtent pas de se vanter. Malheureusement, nous sommes
exposés à la vantardise tous les jours. Même lorsque vous évitez les gens et
restez chez vous (dans votre maison isolée), votre télévision ou votre
Smartphone vous apportera toutes les vantardises du monde. On se vante dans les
publicités, on se vante dans les feuilletons, on se vante dans la musique, plus
des vantardises non déclarées de toutes sortes.
Parfois, tout le monde - y compris les gouvernements
et les entreprises - passe de la vantardise à la mendicité. Une fois la crise
passée, tout le monde recommence à se vanter. Les souffrances sont vite tombées
aux oubliettes. Pas ou presque de retour à la raison, au bon sens. Je ne fais
pas exception. Que Dieu ait pitié de nous !
2
La Star du Jour
Tout le monde peut-il être riche ? Tout le monde peut-il devenir
millionnaire, en tant qu'influencer, par exemple ? Il n'y aurait alors plus de
sans-abri dans la Silicon Valley. Si tout le monde était riche, qui
travaillerait dans les champs, dans les mines ou dans les usines ? Un locuteur
natif français peut-il être un bon professeur de grammaire française ? Un bon
commentateur de football peut-il être un bon entraîneur de football ? Un
professeur de Management ferait-il un bon dirigeant d'entreprise ?
Voilà une voiture qui renverse un motocycliste et le fait tomber de son vélo,
le blessant grièvement. L'ambulance arrive tout de suite, la police aussi. La
victime est vite transportée à l'hôpital. Les médecins et les infirmières
l'accueillent aux urgences. Sa famille apprend la triste nouvelle par téléphone
et le rejoint bientôt à l'hôpital en lui offrant des fleurs. Un avocat vient
s'enquérir des faits. Il veut savoir si la victime a la bonne assurance.
Pendant ce temps, un mécanicien arrive pour réparer ce qu'il peut. Puis un
balayeur vient nettoyer la zone de l'accident. Ne dit-on pas que le malheur des
uns fait le bonheur des autres ? Quand quelqu'un travaille dans une PME qui
fabrique des câbles, des systèmes informatiques, ou autre, pour des avions militaires,
pense-t-il un instant aux victimes potentielles des avions équipés de ses
câbles, etc. ? Que feraient les médecins, les infirmières, les pharmaciens...
dans la vie s'il n'y avait pas de malades ? Que feraient les mécaniciens, les
avocats, les assureurs, les ambulanciers, les tribunaux, les fleuristes, les
opérateurs de télécommunications, les balayeurs, s'il n'y avait pas de tels
problèmes ?
Qui peut compter combien de personnes « vivraient » d'un mariage ou d'une
cérémonie de funérailles ? Apparemment, beaucoup de gens vivent de ça !
Nous pleurons quand nous perdons notre père, nous sourions quand nous recevons
notre part d'héritage. C'est parce qu'on sait qu'on va avoir faim qu'on va chez
l'épicier. Le coiffeur est là car il y a forcément des gens qui auront besoin
d'une coupe de cheveux. A Casablanca, capitale économique du Maroc, de
nombreuses personnes souffrent pendant la période de l'aïd-el-kebir, car de
nombreux commerçants et presque tous les artisans (plombiers, mécaniciens,
électriciens, réparateurs de réfrigérateurs, etc.) disparaissent de la ville.
Ils vont passer les vacances en famille dans leurs villes et villages natals.
Ils reviennent dix ou quinze jours plus tard pour faire revivre la ville
blanche. Le barbier (arracheur de dents) a besoin de quelqu'un qui a mal aux
dents mais qui n'a pas assez d'argent pour aller chez le dentiste ; le
cordonnier a besoin de quelqu'un qui a déchiré ses chaussures mais qui ne peut
pas en acheter de nouvelles ; le mécanicien a besoin de quelqu'un qui a eu un
accident de la route… Quand X ou Y a un mal de dents si terrible la nuit,
pense-t-il à tout ça ?
Certains hommes restent pauvres toute leur vie et certains hommes restent
handicapés toute leur vie. Un pauvre doit-il pour autant accepter son état de
pauvreté comme une fatalité pour lui et ne pas essayer d'améliorer ses
conditions de vie ? Dois-je être comme Jilali quand je pense que je pourrais
être bien mieux ?
Si tous les hommes étaient comme Jilali, tout heureux et content soit-il, y
aurait-il eu des hommes comme Alexandre le Grand ou des civilisations comme
l'Empire romain ou des monuments aussi beaux que le Taj Mahal en Inde et
l'Alhambra en Espagne ? Si tous les hommes étaient comme Jilali, serait-il
possible de prendre le petit-déjeuner à Paris, le déjeuner à New York et le
dîner dans les airs sur le chemin du retour à Paris ? Si tous les hommes
étaient comme Jilali, y aurait-il eu des villes comme New York ou Tokyo ou
Dubaï ? Y aurait-il eu des guerres des étoiles, des conquêtes spatiales, des
découvertes, de la science, de la littérature, un quelconque développement ? Si
tous les hommes étaient comme Jilali, y aurait-il des rêves ?
Nous sommes tous tentés par le genre de vie visant le grand, fort et rapide. Ce
qui est marrant, c'est que quoi que nous fassions, quel que soit le génie que
nous soyons, il y aura toujours quelqu'un qui a une longueur d'avance sur nous,
avec quelque chose d'un peu plus grand, plus fort ou plus rapide que nous.
C'est un jeu de Tom et Jerry !
Je vais aux abords de la ville pour changer d'air et méditer un peu. Je vais un
peu plus loin et trouve non seulement des champs vastes appartenant à des
personnes riches, mais aussi des demeures d'une beauté éclatante. Chaque fois
que je soupire (et me dis) « J'aimerais bien avoir une si belle demeure ! »
j'en vois une autre, plus belle, puis une autre, beaucoup, beaucoup plus belle.
C'est comme un homme obsédé par la beauté à la recherche d'une belle femme dans
une grande ville, chacune le fait oublier les autres. Puis je vais un peu plus
loin et trouve une route goudronnée. Je m'arrête quelques instants et je vois
non pas une, mais plusieurs voitures que j'aimerais avoir pour moi. De qui
serais-je alors jaloux ? Cette route goudronnée me mène, en passant devant de
grandes maisons de ferme, jusqu'à une usine de volailles. Serais-je aussi
jaloux du propriétaire de cette usine ? Combien de personnes travaillent dans
cette usine ? Combien de familles soutiennent-ils ? Combien de personnes sans
emploi seraient heureuses de trouver du travail, même saisonnier, dans cette
usine ? Combien de poulets et d'œufs cette usine produit-elle chaque jour ?
Combien de personnes achèteront, transporteront, etc., ces poules et ces œufs
avant qu'ils n'atterrissent sur ma table ? Combien d'autres personnes mangeront
les poulets et les œufs de cette usine ? Ce « pauvre » fermier et le « pauvre »
propriétaire de cette usine de volaille et les gens qui travaillent pour eux… sont
tous des serviteurs de MOI ! Ils Me servent. Je ne peux pas compter les gens
qui me servent tous les jours ! Les vêtements que je porte, qui les a faits
pour moi ? Je ne les ai pas cousus moi-même ? La montre que je porte, mon
portable, etc., etc. Ne suis-je pas un roi ? Qui m'a dit, par exemple, que le
fermier est heureux ? Toutes les personnes souriantes ne sont pas heureuses.
Même un comédien insouciant qui rend des millions de personnes « heureuses »
avec ses gags peut finir par se suicider, à la surprise générale.
Je regarde ces pauvres femmes et enfants assis par terre, attendant la fin de
la récolte des pommes de terre. Pour passer le temps, certaines femmes
discutent et plaisantent entre elles. D'autres se taisent en regardant des
saisonniers, hommes et femmes, pauvres comme elles ou encore plus pauvres,
déterrer les pommes de terre tandis que d'autres les mettent dans des caisses
en bois ou en plastique. D'autres ouvriers, hommes et femmes, portent les
caisses sur leurs épaules jusqu'aux camions à l'extérieur du champ. Près des
camions se trouvent quelques voitures et quelques hommes. Une voiture et un
homme se démarquent. N'importe qui peut dire qui est l'homme accrocheur. Il est
évidemment le fermier. La voiture accrocheuse est la sienne.
Cet homme est
la star du jour. J'imagine bien que les hommes souhaiteraient être comme lui,
d'avoir ce qu'il a. Les femmes ne refuseraient probablement pas si facilement
de l'épouser ou de l'accepter comme beau-fils. Il a un champ si vaste qui vaut
beaucoup d'argent et une voiture si magnifique et il porte des vêtements et des
lunettes si élégantes et tout le monde lui parle poliment et l'appelle Haj !
Peut-être qu'il a d'autres choses ailleurs. Sa femme est peut-être en train de
faire du shopping, en ce moment, dans un centre commercial ou autre, ou
peut-être jouer au golf ou peut-être prendre un sauna dans un hôtel 5 étoiles.
Ses enfants, s'il en a, doivent être dans des écoles chères… Quelle chance il a
lui et sa famille !
Pourtant, je m'arrête pour réfléchir. A commencer par la terre, elle a besoin
d'ouvriers pour la travailler ; peut-être d'autres hommes et femmes pour faire
les semis, etc. Le fermier pourrait avoir besoin d'un ingénieur ou de
techniciens spécialisés. Il a certainement besoin de personnes pour transporter
quelque chose, etc. Le jour de la récolte, il y a plus de travail pour plus de
monde. Lorsque la récolte sera terminée, ces pauvres femmes et enfants assis et
attendant patiemment seront autorisés à entrer dans le champ pour glaner les «
mauvaises » pommes de terre… Les « bonnes » pommes de terre seront transportées
et livrées aux marchés, supermarchés et petits magasins. Certaines seront
exportées ou transformées, etc. Je me dis : Tu vois ? Le fermier ne mangera pas
toutes ses pommes de terre ! Ce sont des gens comme moi qui vont manger les
pommes de terre. Les enfants (et maris) de ces pauvres femmes seront ravis de
manger ces « mauvaises » pommes de terre. Et qui sait ? Certains de ces enfants
de femmes pauvres pourraient devenir, un jour, peut-être moins riches, mais
bien meilleurs, d'une manière ou d'une autre, que les enfants de l'Étoile du
Jour. Ensuite, une partie de l'argent que cet homme gagnera des pommes de terre
ira dans les poches d'autres personnes : hôtels, restaurants, écoles, hôpitaux,
etc. Je ne puis compter combien de personnes bénéficieront d'une manière ou
d'une autre des pommes de terre de ce fermier. Je ne puis compter, par exemple,
combien d'enfants seront heureux de manger les chips de ces pommes de terre.
Sans oublier l'autre « chanceux », le propriétaire de l'usine de chips et ses
employés…
Je me tiens entre deux vastes champs de pommes de terre pour méditer sur tout
cela. Je pense aux saisonniers qui étaient heureux de trouver du travail dans
ces domaines. Ces travailleurs, qui ont leur propre famille, étaient payés -
quel que soit le salaire.
Cette petite méditation décontractée m'amène à me poser des questions : est-ce
que je veux réussir à tout prix ou être heureux ? Ce n'est pas la même chose,
je suppose. Je sais que beaucoup de gens qui ont réussi sont tout sauf heureux,
et beaucoup de gens qui sont heureux n'ont pas eu autant de succès. Alors
qu'est-ce que je veux ? Être à la fois heureux et réussi ? D'accord, mais
qu'est-ce qui doit primer : le succès ou le bonheur ?
J'ai remarqué que les hommes restent des hommes, après tout. Ce sont des êtres
humains. Il y a une limite à ce qu'ils peuvent supporter, quel que soit le
niveau (élevé) de leur foi et le degré (exceptionnel) de leur sincérité. Même
les prophètes ont connu des moments de faiblesse vis-à-vis de la société, car
tout homme aime être aimé dans la société. Aucun homme ne voudrait que les
autres disent du mal de lui, moi en premier.
Parfois je peux me dire que mon problème n'est pas tant avec Dieu, ou avec le
gouvernement, c'est avec la société. Les gens ne cessent de me demander - ou de
se demander - ce que je fais ; certains veulent que je dise que je suis au
chômage. Ils me feront la leçon sur ce que je dois faire pour obtenir un
(nouvel) emploi - comme si j'étais nouveau dans ce monde ! Ils veulent voir de
la faiblesse dans mon regard, dans ma voix. Ils veulent que je me sente petit.
Ils veulent que j'aie honte de moi. C'est ça mon problème. Mais alors je pense
et finis par réaliser ce que la plupart des gens ont en commun : la cupidité,
l'arrogance, l'impatience, l'envie, etc. Que diraient les gens si j'avais un
bon travail, etc. etc. ? Ne m'envieraient-ils pas ? Ne serait-ce pas un
problème aussi ?
Mais c'est dur, c'est très dur d'être côte à côte avec d'autres hommes quand je
ne trouve même pas les mots pour expliquer ma situation sans leur mentir ?
Comment puis-je persévérer ? Comment puis-je être un homme ambitieux quand je
vois que des gens moins qualifiés que moi sont de loin mieux lotis ? De quoi me
reste-t-il à rêver à cet âge ? C'est ça mon problème. Mon problème n'est pas
avec Le Livre Saint ou avec l'État, c'est avec la société. Ensuite, je continue
de penser jusqu'à ce que j'éclate de rire comme un fou !
La tristesse m'envelopperait au moment où j'apprendrais que je serai licencié,
ou au moment où je quitterais mon lieu de travail pour la dernière fois. Je
sais alors que je ne pourrai pas me tenir devant des gens qui ont la chance de
conserver leur emploi sans ressentir une sorte de honte ou de culpabilité. Ce
sont toujours des moments difficiles. Et oui, ce n'est pas toujours facile de
penser et de rire.
Il s'agit en effet d'un problème très grave - même en temps normal. Même les
personnes très instruites qui trouvent des offres d'emploi très exigeantes et
très stimulantes dans des magazines prestigieux, qui répondent à ces annonces
et réussissent tous les entretiens et sont acceptées et commencent à travailler
avec de très bons salaires…, elles ne savent pourtant pas ce qui peut leur
arriver à l'avenir. Toute l'éducation et les compétences que vous avez
acquises, ça c'est le passé. Vous aurez peut-être encore à vous soucier du
mariage, si vous n'êtes pas encore marié, ou de vos enfants, s'ils sont encore
jeunes, ou de votre santé… et tout cela est dans le futur. En d'autres termes,
les problèmes ne finissent jamais.
Vous pourriez aller sur des sites commerciaux et gagner de l'argent sans
quitter votre chambre, mais ce n'est qu'une partie de la vie, un seul aspect.
J'ai peut-être une bonne assurance. L'assurance, ma foi, ne résoudra que le
côté argent. L'assurance ne remplacera pas un œil ou un membre perdu.
L'assurance ne résoudra point le côté immatériel (sentiments et émotions,
affection, santé mentale…). Et tout cela est dans le futur. Les meilleurs
esprits économiques du monde n'ont pas pu anticiper, encore moins empêcher, la
crise financière de 2008, et maintenant le monde entier se bat contre la Covid
et ses conséquences… Suis-je si sûr que mon esprit puisse anticiper (et éviter)
de mauvaises choses pour mon humble personne ?
Imaginez maintenant que j'ai trouvé un bon travail après une longue période de
chômage. La première chose à laquelle je penserais est probablement de montrer
cela, de m'enorgueillir. J'aurais envie que tout le monde sache ce que je vaux.
Et quand ça va mal, qu'est-ce que je fais ? J'essaierais éventuellement de me
cacher des gens. Mais pour combien de temps vais-je me cacher des gens ? Ces
gens-là finiront par savoir que je suis au chômage, que je souffre. Les gens
finiront par me montrer leur vrai visage. Ils me montreront ce que je vaux à leurs
yeux. Je me sentirais petit, indigne. Je réaliserais que je vaux ce que j'ai,
ce que je possède. Je verrais comment les gens que je pensais être de bons amis
réagiraient à ma misère. Je verrais comment les membres de ma famille
bien-aimée réagiraient à mon chômage sans fin. Je verrais comment les gens me
laisseraient tomber quand j'en ai le plus besoin. Mais comment me sentirais-je
quand j'aurais à nouveau l'argent pour acheter ce que je ne pouvais pas
m'acheter il y a un an, ou pour aller dans des endroits où je ne pouvais pas me
montrer il y a six mois ? C'est la réponse du berger à la bergère, n'est-ce pas
?
Quand je pense à ces personnes fragiles que je croise dans la rue (mendiants,
sans-abri, prostituées…), je me rends compte à quel point l'Homme peut devenir
faible après toute sa force et son pouvoir.
Quand je sors dans la rue avec une veste et un pantalon propres, qui saura
qu'il n'y a pas de sous dans mes poches ? Parce que je ne mendie pas, les gens
penseront que je suis autosuffisant. Donc, personne ne viendra m'aider quand
bien même serais-je surchargé de dettes et que je ne peux probablement même pas
m’offrir le pain de ma journée. Je vais dans la rue comme une personne normale -
comme si j'étais riche. Peut-être que je suis riche dans mon cœur. C'est-à-dire
que je ne suis pas impressionné par ce que les autres ont. Qui a quoi, Je m'en
fiche. Je ne suis pas ébloui par les réalisations des autres. Je respecte tout
le monde. Je souhaite du bien à tout le monde. Mais - enfin ! - je souhaite tout
de même être une personne normale, mais vraiment normale, moi aussi, « comme
tout le monde », quoi. Si d'autres personnes veulent tout avoir dans ce monde ;
si elles veulent obtenir quelque chose à 20 ans, d’autre chose à 30 ans,
d’autre chose à 40 ans, d’autre chose à 50 ans… moi j'aimerais juste obtenir
quelque chose avant de mourir. Et je ferais tout mon possible pour y parvenir,
comme si j'allais vivre éternellement.
Au moins, en me parlant ainsi, si tant est que j’ai la chance d’avoir les nerfs
solides au bon moment, je réussirais peut-être à calmer momentanément les
ardeurs de mon âme qui n’accepte pas de s’incliner devant le fait accompli.
L'auto-coaching peut parfois être plus apaisant que le conseil de quelqu'un.
Maintenant, si j'en avais les moyens, est-ce que je penserais à ces gens qui se
diraient la même chose, qui auraient ces mêmes émotions, qui sont peut-être
dans la même situation et que je ne connais probablement pas parce qu'ils ont
l'air bien quand ils sortent dans la rue. Peut-être que beaucoup de ces
personnes se sont retrouvées dans le besoin de choses de base. Peut-être qu'ils
ont essayé en vain tout ce qu'ils pouvaient pour obtenir ces choses de base, de
première nécessité. Peut-être qu'ils ont suivi tous les conseils possibles et
écouté les meilleurs experts du développement personnel du monde ! Et peut-être
étaient-ils enfin convaincus qu'il n'y avait rien qui cloche avec leur
personnalité, ou leur intelligence, ou leur talent ou leur capacité physique de
trouver du travail, par exemple, et donc pouvoir acquérir ce dont ils avaient
besoin. Peut-être qu'ils blâment le destin. Je ne sais pas.
Je suis parmi ceux qui suivent l'actualité. Je vois que, dans de nombreux pays,
beaucoup de gens se désintéressent de la politique. Ils ont la conviction que
leur vote a été rendu inutile et que le jeu démocratique ne sert plus à rien.
Pour eux, rien ne va changer. Et donc ils ne se déplacent aux urnes que
lorsqu’il y a de fortes amendes. Mais je vois aussi que beaucoup de gens font
encore confiance au - ou du moins attendent quelque chose du - gouvernement.
Seulement, malheureusement, de nombreux gouvernements ont de plus en plus de
mal à répondre aux besoins des personnes (emploi, santé, éducation…). Certaines
personnes ont choisi de se révolter et de renverser des dirigeants et de
changer des régimes. Ils voulaient, disaient-ils, avoir leur destin entre leurs
mains. C'est la peur de l'avenir. Cette crainte est-elle légitime ?
Eh bien, même un grand empereur aurait peur de perdre son trône. Plus que la
peur, qui n'est peut-être pas toujours justifiable, il existe de nombreuses
réalités indéniables. L'âge est un fait : personne ne reste jeune et fort pour
toujours, et il y a la mort au bout du chemin. Même au plus fort de notre
jeunesse et de notre force physique et mentale, il y a le sommeil, par exemple,
et ce sommeil-là est une forme d'impuissance totale. Pensons-nous à de si
petites choses ?
Le monde ne fonctionne pas de manière mécanique ou automatique. Certes, un
grain de blé donnera toujours un grain de blé et un œuf donnera toujours un
poussin. C'est la règle. Mais ce n'est pas parce qu'un homme a couché avec une
femme qu'il y aura forcément un enfant. Ce n'est pas parce qu'il pleut que la
terre produira des fruits et des légumes. Ce n'est pas parce que c'est le même
père et la même mère que les enfants auront la même taille ou les mêmes traits
de visage... Dans certains endroits des gens sont tués par les inondations,
dans d'autres par la sécheresse.
Il se peut qu'un bébé naisse dans la meilleure clinique d'accouchement ou dans
le meilleur palais du monde, mais pour lui, à la naissance, ce n'est pas comme
dans l'utérus. C'est probablement pour ça qu'il pleure ! Qu'est-ce que cela
signifie pour moi, de toute façon ? Cela signifie simplement qu'en tant qu'être
humain, je devrais m'attendre au danger avant la quiétude, aux problèmes avant
les solutions, aux huées avant les applaudissements, à la souffrance avant la
délivrance... Les problèmes, le danger et la peur font partie de notre monde, qu’on
le veuille ou non. Appeler ça pessimisme ou réalisme, ça ne change rien. Même
si je me mettais à y penser de la manière la plus complexe, je ne pourrais
jamais tout comprendre. Je ne pourrai jamais tout savoir.
Mais le monde n’est tout de même pas aussi moche que ça. Il y a tellement de
gens heureux dans le monde. C'est un fait. Il n’y a pas que des misérables.
Alors qu'est-ce que je fais quand je suis devant une situation quelconque ? Eh
bien, je choisis, en fonction de mes convictions personnelles, ou parfois selon
les conditions dans lesquelles je vis, puis j'assume la responsabilité de mes
choix. Mes choix, actifs ou passifs, libres ou contraints, peuvent m'éloigner
des autres comme ils peuvent nous rapprocher. Il y a bien des gens qui se
convertissent sans aucun problème. Il y a des gens qui fuient des pays où ils
ne se sentent plus libres de faire ce qu’ils veulent ou de se comporter comme
bon il leur semble. D’autres, au contraire, quittent les pays les plus libres
pour aller vivre là où la vie peut ressembler à un enfer. C’est une question de
choix. Et c’est aussi une question de possibilité. Ce n’est pas évident pour un
sunnite de se convertir au chiisme ou pour un chiite de devenir sunnite, par
exemple. Ce n’est donc pas toujours facile de choisir. Seulement, quand on
choisit il faut assumer.
Il m'incombe juste d'user de mon intelligence pour discerner le bien du mal,
pour démêler le vrai du faux. C'est à moi de voir la beauté des humains, des
oiseaux, des ruisseaux, des animaux, du ciel étoilé, de la mer, de la poésie,
de la musique, des arts, des vêtements des gens, de leurs différences :
physiques, culturelles, civilisationnelles et autre. C'est à moi d'apprécier
cette chance qui m'est donnée de sentir et de jouir de la beauté de ce monde sous
toutes ses formes. Certes, il ya tant de misère dans ce monde. Il y en a plein
les problèmes. Et il y en aura encore plus à l’avenir. Qui n'a pas ses petits
soucis et ennuis de chaque jour ? Toutefois, et quoique difficile et courte, la
vie est bien plus belle que ça. Si elle est courte et difficile c'est
certainement pour une raison - comme on va voir dans la deuxième partie de ces
réflexions. Quand on est jeune, on pense souvent à la belle vie. Mais même
quand on y accède, il n'y a pas que le salaire et la voiture de fonction. On
pourrait se retrouver face à une vie insipide, tout à fait monotone, dénuée de
sens. On pourrait se retrouver avec une très belle situation, mais dans une
ville pleine de pollution, d'ordures, de délinquance, etc. Alors on dirait que
la vie n’est pas belle ? La vie ça se sent, ça ne se vit pas. Que vous mangiez
du poisson ou de la viande, des pommes de terres ou du caviar, ça revient au
même. Vous n'avez plus faim. Que vous vous en sentiez content ou pas, c’est ça
la question !
Maintenant, si je veux bien me questionner par rapport à des réalités
existentielles plutôt qu’à mes soucis quotidiens uniquement, dois-je me
contenter de m'inspirer des oiseaux et ne pas voir leur beau plumage ou leur
incroyable migration ? Dois-je me contenter de distinguer les couleurs et les
formes et connaître leurs noms et ne pas penser à l'origine de toutes ces
couleurs et formes ? Qui les a créées ? Pourquoi ?
J'ai appris à
croire que nous sommes tous humains. Mais c’est plus qu’une croyance. C’est une
réalité. Nous sommes tous fragiles. Nous avons les mêmes peurs, les mêmes
aspirations. Tous mangent des légumes et des fruits, du pain et du fromage -
s’ils en ont. Tous veulent grandir, travailler, se marier. Tous auront - plus
ou moins - les mêmes problèmes et les mêmes plaisirs. Nous avons tous besoin
d'eau et d'oxygène. La même eau de la Seine, ou du Nil, est bue par les
plantes, les animaux, les blancs, les noirs, les chrétiens, les juifs, les
musulmans, les athées... Pourvu qu'il y ait de l'eau pour tous ! Parfois, il
n'y en a pas, ou pas assez. Les gens meurent de faim ou de soif. D'autres
migrent pour fuir la famine. Pas question de parler de beauté à ces gens-là.
Mais qu’est-ce qu’on fait quand on a la pluie, quand on a la brise et les coquelicots,
quand on a le beurre et le miel ? Qu’est-ce qu’on fait quand on a la vie facile
? Eh bien, on se moque du destin !
Je vois que nos yeux n'ont pas toujours la même couleur. Même les yeux de la
même couleur ne sont pas identiques. Chacun est un être à part, quelles que
soient ses croyances. Chacun a sa propre empreinte digitale et sa propre
empreinte oculaire, et ce n'est pas parce qu'il est chrétien, musulman ou
bouddhiste. Chacun a sa propre voix, son propre cœur, son propre cerveau, sa
propre vie. Qui a conçu tout ça ?
On pourrait tous dire que le monde aurait pu être un meilleur endroit sans
pauvre ni mendiant, sans veuve ni orphelin, sans guerre ni famine. Mais, je me
demande, quel serait notre mérite, nous les humains, si nous ne montrions pas notre
humanité au moment des tremblements de terre, des sécheresses, des inondations,
des éruptions volcaniques, des crises économiques, des drames personnels, etc.
?
Et c’est bien le cas, heureusement. Dans la pire adversité, je vois une
incroyable entraide, de la solidarité, de la compassion … Oui, je vois aussi
des voleurs et des pillards. En temps de guerre, je vois ceux qui massacrent
des innocents, qui détruisent tout sur leur passage, et, en même temps, je vois
des gens qui prennent des risques incroyables pour sauver des vies ? Pourquoi
ne verrais-je donc pas dans ces événements et dans mes propres problèmes
personnels une sorte d'alerte, un rappel que j'ai peut-être trop oublié que je
ne fais que passer par ici sur cette terre et qu'il est grand temps que je me
prépare à ce qui pourrait m’arriver après la mort ?
C'est l'homme qui a osé tuer les humains. Un homme a tué son frère par
jalousie. Cette même jalousie mène encore à la guerre et met sur la route des
millions de réfugiés. Ce n'est aucunement une divinité ou une autre qui brûle
des centaines de tonnes de blé ou les jette à la mer pour augmenter les prix.
Ce n'est aucunement une divinité ou une autre qui a imposé à quiconque d'opter
pour le nucléaire ou permis à quiconque d'exploiter les gens. L'air est gratuit
pour tout le monde. Le soleil est gratuit pour tout le monde. La vie est
gratuite pour tout le monde. Néanmoins, je me dois toujours de laisser une
marge d’imprévu ; je dois toujours m'attendre à un problème, à une catastrophe
climatique ou à une grave crise économique ou sociale. Par pessimisme ou par
réalisme, ça ne change rien. Un bon gardien de but, si l’on parle foot, doit
toujours être en alerte même face à la plus petite équipe au monde !
3
Glamour et pouvoir
Comme tout le
monde, je vois le glamour de certains. Je vois comment vivent les gens «
chanceux ». Je vois le fossé se creuser de plus en plus entre les pauvres et
les riches... Et je me dis : tiens, il y avait avant nous, aux temps anciens,
comme aux temps plus récents, des gens qui jouissaient, eux aussi, d'un certain
prestige ; il y avait de beaux hommes et de belles femmes qui s'aimaient, qui
avaient des enfants, qui vivaient dans de belles demeures, qui travaillaient
(pour certains), qui écoutaient de la musique, qui se promenaient dans de beaux
jardins, qui se disaient de belles paroles, qui faisaient l'amour, qui rêvait
de jours meilleurs, qui tombaient malades, qui divorçaient, qui se faisaient la
guerre, qui s'entretuaient, qui se blessaient et qui mouraient. Des gens comme
nous, quoi. Est-ce donc une simple perpétuation de l'espèce humaine ? Où
allons-nous ? Aurons-nous, êtres humains, toujours les mêmes plaisirs, les
mêmes frustrations ? Pourquoi sommes-nous ici sur cette terre ? N'y aura-t-il
pas un jour où le malheur disparaîtra à jamais ? Que vaut la vie si on ne la
vit pas pleinement, dans la joie et la quiétude ? A quoi ça sert de passer son
temps à ressasser les questions en boucles ? A quoi sert l'Histoire, à quoi
sert la philosophie, à quoi sert la littérature... si les historiens eux-mêmes,
si les philosophes, si les écrivains se suicident parfois pour échapper à leurs
terribles réalités ? Je n'ai pas de réponses à cela. Cependant, je ne peux que
remarquer qu'il y a beaucoup de gens qui ne se suicident pas. Ils affrontent la
vie avec le peu de moyens dont ils disposent. Cela signifie que, au moins pour
ces personnes-là, la vie vaut la peine d'être vécue. Maintenant, la vie
vaut-elle vraiment la peine d'être vécue – quelles que soient nos peines ?
Question : pourquoi m'a-t-on enseigné l'Histoire à l'école ? Je ne sais pas.
Mais quand je lis maintenant des livres d'histoire ou des contes ou poèmes
anciens, je peux facilement remarquer que les gens ont toujours été plus
importants que leurs habitations, leurs montures, leur argent ou tout ce qu'ils
pouvaient posséder. L'Homme a toujours eu peur de la maladie, de la mort, de la
pauvreté, entre autres. L'Homme a toujours eu besoin de se sentir rassuré,
protégé, en sécurité. L'Homme a toujours fait la paix après la guerre ; il a
toujours créé des tribunaux pour rendre justice ; il a toujours construit des
écoles pour éduquer les générations futures ; il a toujours construit des
villes et des villages pour permettre aux hommes de se sentir proches les uns
des autres, de créer toutes sortes de relations saines, de se donner la main,
d'échanger des services, même lorsque les relations personnelles ou entre
voisins immédiats ou lointains ne sont pas parfaites. Parfois l'Homme peut
souffrir du froid, de la chaleur, de la faim, de la soif, de la fatigue, de la
peur, de la perte d'êtres chers... Mais alors il apprécierait le plaisir de
manger après la faim, le plaisir de boire après la soif, le plaisir de se
reposer après la fatigue, le plaisir d'aimer, etc.
Dans le passé, les gens apportaient le savoir des anciens - dans leurs têtes -,
puis le transmettaient aux générations suivantes. A chaque fois de nouveaux
palais, écoles, routes, jardins, usines, etc, ont été construits. La
connaissance du monde de l'homme s'est élargie au fil du temps. Et à chaque
fois il y avait un nouveau royaume, bon ou mauvais. La question est, pourquoi
ces « bons » royaumes n'ont-ils pas duré éternellement ? Pourquoi y avait-il
aussi de « mauvais » royaumes ? C'est difficile d'y répondre. Mais, fait
intéressant, l'Histoire nous donne quelques indices.
Beaucoup de choses que nous utilisons aujourd'hui ont été inventées par
différents peuples dans différents endroits à différentes époques. Le bronze,
par exemple, a été inventé par les Chinois, le verre par les habitants de la
Mésopotamie, le papier par les Égyptiens, l'alphabet par les Phéniciens, etc.
Chaque peuple a appris des autres peuples et a fait ses propres inventions,
élargissant ainsi la connaissance du monde de l'homme. Ces connaissances se
sont propagées à travers le commerce et la conquête. Les conquérants ont hérité
du savoir du peuple vaincu et l'ont emporté chez eux ou l'ont répandu dans
d'autres lieux. En même temps, les conquérants apportaient leur mode de vie,
leurs pensées, leurs arts et leur religion.
L'interaction entre tant de puissances, tant de civilisations et tant de modes
de vie obligeait chaque peuple à défendre sa propre existence. Chaque peuple se
devait de défendre tout ce qui était en jeu pour lui. Cela comprenait
évidemment sa culture. Ainsi, ceux qui croyaient en une divinité, n'importe
laquelle, devaient défendre leur propre foi en utilisant tous les outils
disponibles, y compris ceux qui avaient été inventés ou développés par des
nations qui ne partageaient pas forcément leur foi. De tels outils auraient
inclus l'alphabet des Phéniciens et la logique grecque. Ainsi toutes les
nations (je veux dire bonnes ou mauvaises) étaient tout sauf « redondantes ».
Elles étaient toutes aussi utiles les unes aux autres.
Il est également intéressant de noter que la plupart de ces premières
interactions entre diverses nations rivales ont eu lieu juste à l'intérieur ou
autour de la Palestine. Les Égyptiens, les Babyloniens, les Perses, les
Hittites, les Grecs, les Romains et bien d'autres encore - tous y ont pris pied
à un moment donné de l'histoire. Et puis vinrent les Arabes, de La Mecque. Ces
Arabes se sont retrouvés en train d’aller dans toutes les directions, allant
vers des nations qui avaient connu des empires impressionnants, et ont fini par
construire leur propre empire s'étendant sur la majeure partie du monde alors
connu.
Il s'en est suivi une magnifique interaction mondiale. Les Arabes ont emprunté
des connaissances anciennes (dormantes) aux Grecs, aux Perses et à d'autres
nations, les ont mises à jour et enrichies, puis les ont diffusées dans toutes
les directions. Bagdad est devenue la capitale mondiale de la science. Et en
Occident, il y avait Cordoue, en Espagne, d’où la science arabe a été transmise
à l'Europe par la traduction. Averroès parlait de Dieu aux musulmans et aux
non-musulmans européens en utilisant la logique d'Aristote.
Bagdad a été détruite, mais le savoir islamique a survécu. Il a survécu parce
que ce n'était pas seulement dans les livres que les Mongols ont jetés dans le
Tigre, mais aussi dans le cœur et l'esprit des gens. Comme la destruction de la
bibliothèque d'Alexandrie dans l'Antiquité, la perte des bibliothèques de
Bagdad aurait pu être une tragédie bien plus terrible s'il n'y avait pas eu ce
que j'ai appelé des interactions. Marrakech, qui a été construite et faite sa
capitale par la dynastie almoravide du Maroc, a été délibérément et
complètement détruite par ses successeurs almohades. Ceux-ci ont reconstruit
toute la ville de la plus belle manière possible, car ils avaient déjà « reçu »
les connaissances nécessaires de leurs prédécesseurs.
Même la reconstruction de toute une nation est possible s'il y a les
connaissances et la volonté nécessaires. L'Europe a fait le meilleur usage des
connaissances des premiers musulmans et s'est reconstruite en quelques
générations parce que son propre peuple avait la volonté de le faire.
En Europe, le conflit entre l'Église et les nouveaux scientifiques a engendré
une nouvelle pensée. Certains se sont accrochés à leurs croyances religieuses,
se défendant en utilisant la logique et la philosophie. D'autres ont
complètement rompu avec l'Église et ont appelé leur voie « laïcité ». Ils se
défendaient en expérimentant leur connaissance du monde, excluant toute
référence au Royaume Invisible.
La nouvelle connaissance du monde, basée sur l'expérimentation, a conduit à la
révolution industrielle. L'essor de l'industrie a mené à une diffusion des
connaissances à une échelle phénoménale.
La
colonisation, elle, a permis à plus de gens d'aller dans plus d'endroits. Les
Africains « sont allés » en Amérique, emportant avec eux leurs religions, dont
l'Islam. D'autres musulmans ont été emmenés en Europe, où ils ont continué à
pratiquer leur foi à une époque où un grand nombre de chrétiens cessaient
d'aller à l'église. Les orientalistes (d'Europe) se sont rendus dans le monde
arabe et islamique pour « restituer » une partie de l'héritage arabe et
islamique aux Arabes et musulmans nouvellement éveillés.
Maintenant, cet héritage (importé) est réexporté avec une valeur ajoutée. Cela
se fait via Internet et les chaînes de télévision par satellite. Et c'est ainsi
que l'islam est devenu la religion à la croissance la plus rapide en Amérique.
Cela a été rendu possible par la technologie américaine et l'argent du pétrole
arabe.
L'argent du
pétrole arabe a contribué, entre autres, à la construction de grandes mosquées,
de grands instituts et bibliothèques islamiques, et à l'impression du Coran et
d'autres livres religieux en grandes quantités dans de nombreuses langues dans
de nombreuses régions du monde.
Même au sein des États islamiques les plus pauvres, l'islam croît aussi vite
que la démographie. Partout où vous allez, il y a une nouvelle mosquée et une
nouvelle école parce qu'il y a un nouveau village, une nouvelle ville ou une
nouvelle banlieue. Les petites villes se transforment en grandes villes, et
donc les petites mosquées et écoles deviennent de plus en plus grandes et
nombreuses.
Les moyens de communication et de transport ainsi que les systèmes éducatifs
modernes ont rendu l'interaction mondiale incroyablement plus facile chaque
jour. De plus en plus de personnes surmontent leur analphabétisme. De plus en
plus de gens apprennent plus et plus encore les uns des autres. De plus en plus
de gens viennent les uns vers les autres. La migration, le tourisme, les
voyages d'affaires, la guerre… jouent un grand rôle dans l'échange toujours
croissant d'expériences humaines. La mondialisation n'a fait que pousser cet
échange encore plus loin.
Quand, au 7ème siècle après JC, l'Islam a atteint les terres au-delà de la
péninsule arabique, les musulmans non arabes (qui ont appris l'arabe pour des
raisons sociales, politiques, professionnelles ou scientifiques) ont partagé
l'émerveillement des Arabes devant la splendide langue du Coran. Si Romains et
Perses avaient jusqu'alors exprimé leurs goûts esthétiques et leur savoir-faire
à travers la manière dont ils ornaient leurs palais, églises et temples, les
Arabes, eux, avaient exprimé la beauté à travers des descriptions poétiques de
toutes les belles choses qu'ils pouvaient trouver ou voir autour d'eux :
chevaux, chameaux, gazelles, corps et visages humains, paysage, sentiments...
En rassemblant les mêmes lettres arabes, le Coran a fait incroyablement mieux
que n'importe quel poète arabe ou non arabe. Le Coran est venu avec quelque
chose de simple et de sophistiqué à la fois pour les Arabes et les non-Arabes.
Ces non-Arabes utilisaient de minuscules morceaux de bois, de verre, de pierre,
etc. pour créer les meilleures décorations possibles.
D'une certaine manière, l'histoire de l'Islam ne peut être différente de celle
de l'Egypte ancienne ou de la Grèce ou de toute autre civilisation ou empire.
Elles reflètent toutes la nature humaine d'une manière ou d'une autre. L'Islam
a été victime de son propre succès. L'islam est apparu à La Mecque, puis s'est
installé à Médine, puis s'est répandu en quelques années dans la quasi-totalité
de la péninsule arabique. Médine est devenue la capitale. Il y avait tellement
d'argent qui rentrait, un territoire en constante expansion et de nombreuses
opportunités pour les personnes ambitieuses. Cela ne pouvait que conduire à des
rivalités, même parmi les musulmans arabes. C'est tout à fait humain. Cela s'est
produit dans toutes les nations à travers l'Histoire. Dans toutes les nations,
des rois ont tué leurs fils et leurs frères et des princes ont tué leurs pères
et leurs oncles - pour l'amour du pouvoir. Les petits-fils du prophète Mahomet
ont tous les deux étés tués pour des raisons politiques : Hussein a été
décapité et Hassan empoisonné. Cela s'est passé sous la dynastie des Omeyyades,
la même dynastie qui a construit le magnifique Dôme du Rocher à Jérusalem et a
introduit l'Islam en Espagne. Le dernier calife de la dynastie abbasside fut,
selon certains historiens, « roulé dans un tapis et piétiné à mort » par les
Mongols, les mêmes Mongols qui construisirent plus tard le magnifique Taj Mahal
en Inde. Les Mongols n'ont pas seulement massacré d'innombrables personnes lors
de leur conquête de l'Irak, ils ont également détruit les bibliothèques de
Bagdad, qui contenaient des livres de philosophie et de sciences grecques, des
livres de sagesse et d'art indiens et persans, des livres de théologie
islamique : tout a été jeté dans le fleuve Tigre. Mais ces Mongols « barbares »
ont donné naissance à des dirigeants mongols très civilisés qui ont amené
l'islam à des terres s'étendant de l'Inde à la Chine en passant par la Russie…
La plupart des vieilles mosquées dans ces endroits ont été construites par des
Mongols - les mêmes Mongols qui ont commis des atrocités non seulement contre
les Arabes, mais aussi beaucoup d'autres nations. Ce sont eux qui ont vendu en
esclavage des hommes libres d'Asie centrale, des hommes comme Baibars, lequel
est devenu l'un des plus grands dirigeants de l'histoire égyptienne et
syrienne. Les Mamelouks, dynastie de Baibars, avaient leur part de « barbarie
». Eux aussi ont commis des atrocités, mais les gens se souviennent d'eux plus
pour leur bel héritage que pour leur côté « barbare ». Le Caire, Jérusalem et
Damas regorgent de magnifiques monuments mamelouks. Les Mamelouks ont été
remplacés par les Ottomans, lesquels ont introduit l'islam profondément en
Europe et ont construit un grand empire comprenant la majeure partie du monde
arabe.
Au cours de mon
année de baccalauréat, j'ai été chargé de donner un exposé en arabe sur Mahmoud
Sami Al-Baroudi, un éminent poète égyptien d'origine turque. Certains de mes
camarades de classe étaient des lecteurs avides et ils lisaient presque tout,
surtout la philosophie et la littérature. Je savais que j'aurais du mal à leur
répondre une fois qu'ils commenceraient à me poser des questions, peu importe
la qualité de mon exposé. Leurs questions ont été en effet très difficiles et
j'étais gêné, mais j'avais plus d'un tour dans mon sac. Quand je me suis senti
vaincu, j'ai proposé de lire des extraits de la poésie d'Al-Baroudi. J'ai lu un
de ses poèmes d'amour et il y a eu de gros applaudissements dans la classe !
Même ces éléments durs et intraitables, qui n'avaient jamais été convaincus par
les réponses de personne, furent envoûtés par la beauté du poème d'Al-Baroudi.
Al-Baroudi était un soldat qui aimait la langue arabe. Il lui a donné son cœur
et elle lui a donné la renommée et la gloire. (Il devint plus tard Premier
ministre d'Égypte.) Son époque marqua le début de la Renaissance arabe. Cette
renaissance arabe a commencé avec la poésie arabe. Ahmad Chawqi, surnommé «
Prince des poètes », était également égyptien d'origine turque. Ses poèmes
chantés par Oum Kalthoum « unissaient » les âmes de tant d'Arabes et de
musulmans à travers le monde. Ces « nouveaux Arabes » ont réalisé à quel point
l'arabe classique était importante même à leur époque. Le Caire, Beyrouth et
Bagdad ont fait revivre cette belle langue arabe. Etudiant, j'entendais le
dicton : « Le Caire écrit, Beyrouth imprime et Bagdad lit » ! Il y avait des
lecteurs, des écrivains et des journaux arabes même dans les Amériques ! En
fait, des écrivains arabes chrétiens, tels que Jubran Khalil Jubran, Elia Abou
Madi et Mikha'il Na'ima, qui vivaient aux États-Unis, ont encore enrichi
davantage la littérature arabe avec leur poésie et leur prose en arabe. Tant de
vieux livres arabes et islamiques ont été sortis de l'oubli (par les eux-mêmes
Arabes et des orientalistes) et ont été imprimés, pour la première fois. Le
Caire est devenu la Mecque des écrivains et traducteurs de langue arabe. Le
nombre d'écoles et d'alphabètes arabes a commencé à augmenter de jour en jour.
Mais tous les Arabes n'étaient pas fiers de leur histoire, de leur langue, de
leur religion, de leur civilisation. De nombreux Arabes ont été impressionnés
par les colonisateurs. Ibn Khaldoun avait souligné dans sa Mouqaddima que les
peuples vaincus ont tendance à singer les vainqueurs.
Il y a un siècle, la plupart des Arabes vivait à la campagne, la plupart était
analphabètes, la plupart vivait de l'agriculture et du pâturage. Sous la
domination coloniale, de nombreux Arabes ont migré vers les villes, beaucoup
ont abandonné l'agriculture et le pâturage pour travailler comme cols bleus
dans des usines ou comme artisans dans de petits ateliers. Leurs enfants sont
allés à l'école et, lorsque les colonisateurs sont partis, sont devenus des
cols blancs dans des franchises. Certains sont devenus fonctionnaires dans la
nouvelle administration. De plus en plus de personnes goûtèrent aux plaisirs du
travail à vie ; les jeunes devinrent financièrement indépendants, puis
socialement indépendants. N'importe qui pouvait mener la vie qu'il souhaitait
dans sa nouvelle maison. En quelques décennies, les villages sont devenus des
villes et les petites villes sont devenues plus grandes. Beaucoup d'emplois
dans le public, beaucoup d'usines (principalement des franchises), beaucoup
d'ateliers, beaucoup de magasins de toutes sortes et de toutes tailles. La
prospérité était à la portée de tant de personnes, alphabétisées et
analphabètes. Il était facile pour beaucoup de gens de se faire construire ou
de s'acheter une maison, d'envoyer leurs enfants à l'école, de créer des
entreprises, de vivre en ville. Ceux qui sont allés à l'étranger, la plupart en
tant que cols bleus, ont envoyé de l'argent chez eux, puis ont construit leurs
propres maisons, créé leurs propres entreprises. Leurs enfants ont eu beaucoup
de succès. Dans les États arabes nouvellement indépendants et riches en
pétrole, les opportunités étaient bien plus importantes. On pouvait donc rêver
de glamour et de pouvoir.
Puis, soudain, la première crise économique (dans les années 1980). Ensuite, le
problème de plus en plus grave du chômage. Ensuite, la crise toujours
croissante du logement et du mal logement. Ensuite, toutes sortes de problèmes.
La vie n'est plus aussi rose qu'avant. Aujourd'hui, les gens s'inquiètent pour
leur retraite, pour l'avenir de leurs enfants, pour les conséquences de la
pollution… De moins en moins de gens rêvent d'un emploi à vie et d'une retraite
confortable. Et au milieu de tout cela, au milieu de tant de quartiers
nouvellement construits, appartements sur appartements sur appartements, vous
voyez une nouvelle mosquée.
Ce qui s'est passé dans le monde arabe s'est également produit dans d'autres
parties du monde. L'État-providence a été créé pour donner aux gens un certain
sentiment de stabilité, de sérénité et de confiance. Malheureusement, les «
Trente Glorieuses » sont terminées. Certains sont encore nostalgiques de l'ère
communiste où ils pouvaient, au moins, trouver auprès de l'État un havre de
paix : logements, scolarisation des enfants, soins médicaux gratuits, etc. Ni
l'État providence, ni l'État communiste, ni le meilleur État démocratique du le
monde ne peut plus rassurer personne. La mondialisation a conquis tous les
aspects de nos vies au point que certains ont déjà commencé à parler de dé
mondialisation. Personne ne sait plus ce que l'avenir nous réserve. C'est la
même vieille histoire de la peur de l'inconnu.
4
Justice sociale
Quelqu'un a dit
: « Pour résoudre le problème du chômage de nos jeunes, nous n'avons qu'une
solution : l'impérialisme. » Cela était peut-être possible au XIXe siècle. De
toute vraisemblance, il est de plus en plus difficile d'envisager de telles
solutions radicales. Que faire, alors ? Les multinationales ont de plus en plus
de mal à se concurrencer alors que le pouvoir d'achat n’est pas au top dans une
bonne partie du monde. Les systèmes éducatifs rencontrent de sérieuses
difficultés même dans de nombreux pays développés. Le moral des ménages et des
jeunes dans tant de pays n'est pas du tout brillant. De nombreux jeunes ont
fait faillite avant même de commencer à travailler parce qu'ils étaient trop
endettés pour leurs études supérieures. D'autres se tournent vers la
prostitution pour financer leurs études. Bref, il y a problème.
Une révolution a éclaté en Tunisie en 2010, puis a atteint d'autres pays
arabes. Les manifestants ont réclamé une nouvelle constitution. Mais les gens
ne voulaient pas d'une nouvelle constitution juste pour l'amour d'une nouvelle
constitution. Ils voulaient la justice sociale. Mais alors, ils ne voulaient
pas de justice sociale juste pour l'amour de la justice sociale. Ce qu'ils
voulaient, en fait, c'était une vie meilleure : des emplois surs, des logements
décents, une meilleure scolarisation, de meilleurs services de santé, de
meilleures infrastructures, des stades... et beaucoup de liberté. Tous ces
droits sont désormais inscrits noir sur blanc dans la nouvelle constitution.
Mais une vie meilleure, un certain sentiment d'amélioration et de sécurité ?
Cela se fait toujours attendre. Ce genre de prospérité est malheureusement
difficile à imaginer dans un avenir prévisible, dans cette partie du globe,
l'Afrique du Nord.
Des milliers, voire des millions, de personnes dans ma région ont acheté des
maisons à crédit et achètent toutes sortes de biens de consommation à crédit.
Beaucoup de ces personnes vivent avec un budget serré. Et ceux et celles qui
n'ont pas d'argent à dépenser ? Qu’est-ce qu’ils font ? J'entends souvent des
hommes d'affaires, des analystes économiques et même des responsables
gouvernementaux dire que si des dizaines de milliers de jeunes ne trouvent pas
de travail, c'est à cause de l’inadéquation formation-emploi. Les diplômés en
histoire-géographie, en philosophie, etc., s’ils n’ont pas la chance de
décrocher un poste dans la fonction publique, eh bien, ils n'ont rien à faire
dans le monde des affaires. Ils ne faisaient que perdre leur temps à
l'université. Les entreprises veulent des gens compétents. Elles veulent des
ingénieurs, des cadres, des techniciens spécialisés, etc. Alors que faire ? Et
si, pour une raison ou une autre, vous ne pouviez pas étudier ce que veulent
les entreprises ? Allez-vous donc vous joindre à des sit-in devant les
bâtiments gouvernementaux pour faire pression sur le gouvernement pour qu'il
vous trouve un emploi ? (Cela a marché pour certains, mais pas pour tout le
monde.) Attendriez-vous la reprise économique ou une meilleure croissance économique
? Utiliseriez-vous de l'héroïne ou de la cocaïne pour oublier ces problèmes ?
C’est un véritable casse-tête. J’ai entendu des experts avancer toutes sortes
de propositions, des plus sérieuses aux plus farfelues, et à la fin ils vous
disent, c’est au gouvernement de prendre la décision, de trouver des solutions.
Mais quel gouvernement au monde va attendre des propositions de quiconque s’il
a les solutions ? Alors qui a la solution ?
Quel est le problème, d’abord ? Apparemment, il n’y a pas que les personnes à
la recherche d’un emploi qui souffrent. Quand il y a une crise tout le monde ou
presque souffre. Et quand on souffre on n’a pas envie de réfléchir. Mais - ma
foi - quand on n’a plus que nos yeux pour pleurer, il faut réfléchir. On a
besoin d’un médicament au moins pour calmer un peu nos douleurs. Alors
réfléchissons !
L'une des sources de notre malheur est notre anxiété face à l'avenir. Jusqu’à
quand vais-je garder mon emploi par ces temps de crise ? Et mes enfants ?
Comment pourrai-je leur donner une éducation appropriée si je perds mon emploi
? D'horribles cauchemars. Les personnes sans enfants sont également anxieuses.
Qui s'occupera de moi quand je serai vieux ? Je n'ai pas de sécurité sociale,
aurai-je quelqu'un pour me nourrir quand je serai trop vieux pour travailler ?
Nous vivons dans un monde où la précarité et la vulnérabilité ne surprennent
plus vraiment personne, les jeunes ne sachant pas quoi étudier, pendant combien
de temps, pour quelle opportunité, pour quelle carrière professionnelle ; avec
des parents qui ne savent quoi faire de leurs maigres revenus, s'ils en ont
encore. Chômage chronique, divorce, enfants nés hors mariage, enfants
abandonnés, mères célibataires, sans-abri, drogue, prostitution, pollution,
concurrence féroce dans tous les domaines, individualisme à outrance, peur de
l'inconnu... Nous sommes réduits à rêver de ce que nous ne sommes pas ou ce que
nous ne pouvons pas être. Mais en même temps, nous ne voulons pas nous résigner
à témoigner de notre impuissance, si impuissants que nous soyons, si écrasés,
dépourvus de tout outil de changement. Même notre chère démocratie ne nous
garantit rien de plus que ce que nous pouvons et devons recevoir de nos élus.
Rien ne peut être fait. Le système est plus fort que nous. Nous n'avons qu'à
gérer notre colère, notre faiblesse, notre peur. Et si seulement nous pouvions
comprendre ce qui se passe autour de nous ! Mais comment comprendre un monde
plein de richesses, plein de châteaux et de Limousines et où l'on nous dit que
c'est fini, c'est la fin du travail. Votre travail d'aujourd'hui ne vaudra plus
rien bientôt. A partir de maintenant, vous êtes seul, vous êtes abandonnés à
votre sort … ! On nous parle sans cesse de plans de restructuration, de plans
de sauvegarde de l'emploi et de délocalisations inévitables pour sauver des
entreprises nationales et des emplois ; on nous sermonne sur le déficit public,
la dette publique, la crise mondiale... On nous bombarde matin et soir de
statistiques alarmantes. Allez, vous êtes tout seul ! Inutile de mentionner le
consumérisme « effréné » et la solitude inévitable. Comment s'en sortir ?
Eh bien, la colère et l'indignation ne semblent plus avoir de sens. Les
actionnaires continueront à se remplir les poches. Les gouvernements
continueront à les défendre par peur de les voir fuir ailleurs. Ou du moins
c'est ce que ceux qui sont au sommet veulent nous faire croire. Même les grèves
et les protestations ne semblent pas pouvoir porter de bons fruits ces derniers
temps. Et quand un gouvernement met la main à la poche pour éviter ou limiter
les émeutes ou la casse dans la rue, il ne fait - en fait - que creuser le
déficit budgétaire et augmenter la dette publique. En d'autres termes, il crée
des problèmes pour les générations futures. Et nous avons vu ce que les
révolutions ont provoqué tout autour de nous. Que faire, alors ? Endurer sa
détresse et sa dépression sans agir ? Continuer à souffrir en silence ? Jusqu’à
quand ?
Imaginez que
des enseignants en université se trouvent obligés de faire grève pour réclamer
le paiement de six mois d'arriérés de salaires ! (Cela arrive en Afrique, mais
pas impossible ailleurs.) Comment ces gens peuvent-ils vivre ? Il va sans dire
qu'on ne peut laisser le peuple mourir. L'Etat se doit d'agir quitte à
s'endetter. Ceci ne contredit nullement ce que j'ai dit plus haut. Cela a
toujours été le cas depuis l'Antiquité. On a même fait la guerre pour cela.
Mais parfois l'Etat ne peut rien. C'est ainsi que, à travers l'Histoire, des
tribus et des peuples entiers ont dû quitter leur pays natal pour envahir
d'autres contrées. Cela n'est malheureusement plus possible.
Mais - à part le pain et le riz - que cherchons-nous, en réalité ? Eh bien,
nous recherchons notre bien-être. Certains prient Bouddha, d'autres prient Ram,
d'autres prient Jésus ou Allah, pour obtenir d'eux ce à quoi nous aspirons tous
: du travail, un conjoint, une bonne santé, de bons enfants... Mais attendez
une minute ! Pourquoi, dirait-on, endurer la douleur de la patience et du
sacrifice pour quelque chose dont on n'est pas vraiment sûr ? Les gens se
tournent donc vers ceux qui, selon eux, peuvent leur fournir ce qu'ils veulent.
D'où l’État-providence. Nous n'avions pas cela dans nos cultures orientales
avant l'indépendance. Aujourd'hui, nous assistons à des scènes de misères
socio-économiques dans des pays censés être des havres de paix sociale, où les
démunis et les nécessiteux ne devraient normalement pas avoir à s'inquiéter de
leur avenir, puisqu'il existe un État-providence qui est là pour subvenir à
leurs besoins et garantir l'égalité de tous devant la loi. En Afrique, tout le
monde n'a pas accès à l'électricité. En Europe occidentale, beaucoup de ménages
se saignent pour payer leurs factures d'électricité. Tout cela nous montre
qu'il y a une certaine limite à ce que l'homme peut faire pour l'homme. Il
pourrait y avoir un besoin d'une force plus forte que l'Homme : pourquoi pas
Dieu ? De plus en plus de gens recherchent « la vérité », une solution
quelconque, de ce côté-là. Les États aux prises avec le fardeau de la dette et
des déficits sont quasi impuissants. Jusqu'à quand les gens peuvent-ils
attendre pour voir une amélioration dans leur vie ? Dans ce contexte qui
n'inspire guère confiance, certains sont prêts à essayer autre chose. Mais quoi
au juste ?
Le jeu du blâme fait partie de la nature humaine. Nous tous blâmons les autres
pour nos malheurs. Quand il n'y a personne en particulier à blâmer, nous
blâmons la malchance. Mais soyons objectifs un instant ! Le gouvernement le
mieux intentionné et le plus compétent ne peut garantir des emplois pour tous.
Le patronat le plus compatissant et le plus patriote au monde ne peut garantir
une croissance économique durable. Il y aura toujours une minorité de «
malchanceux ». Même les personnes très instruites (médecins, ingénieurs, hauts
cadres…) dans de nombreux pays du monde peuvent être surprises de ne pas
trouver d'emplois convenables. Même les gouvernements des pays développés
supplient les autres gouvernements des pays développés de faire mieux pour leur
économie nationale. Les Français voudraient que les Allemands fassent plus pour
la croissance économique allemande. Les Allemands voudraient que les Français
fassent plus pour réduire leur déficit budgétaire. Les États-Unis appelleraient
l'Europe à faire plus pour éviter ou sortir de la récession.
Maintenant, supposons que nous ayons du travail, nous avons un salaire.
Supposons que nous puissions acheter tout ce que nous voulons. Est-ce pour
autant la fin de nos problèmes ? Eh bien, on dirait que le salaire est de
l'argent reçu en échange d'un travail. Les bénévoles mis à part, chaque
travailleur s'attend à être payé. Comme on le sait tous, certains refusent même
de travailler s'ils ne bénéficient pas de congés payés, d'un droit à un congé
de maladie et d'une pension. Que demanderait de plus un employé ? Là, ça
dépend.
Comme on le
sait tous, certains travailleurs négocient leur salaire avec leur employeur.
Les personnes hautement qualifiées avec des diplômes universitaires prestigieux
obtiennent généralement les meilleurs salaires. Certains changent d'emploi pour
un meilleur salaire ou des conditions de travail plus confortables. Les
travailleurs moins qualifiés peuvent adhérer à des syndicats pour demander une
augmentation de salaire ou d'autres droits. Mais, enfin, est-ce tout ?
Fait intéressant, certaines personnes rétrogradent pour des raisons de paix et
de quiétude. Ils abandonnent des postes où ils étaient bien rémunérés et
acceptent des emplois destinés à des personnes moins qualifiées. La raison,
disent-ils, est le stress. Ils étaient prêts à sacrifier une partie de leurs
revenus d'origine pour le bien de leurs nerfs.
Il existe encore une autre catégorie de travailleurs. Ce sont des gens qui ne «
travaillent » pas et pourtant reçoivent leur salaire chaque mois. Ils se
rendent simplement sur leur lieu de travail, pointent et s'assoient sans rien
faire sur des chaises tandis que d'autres travaillent de longues heures afin
d'obtenir le même salaire à la fin du mois. Curieusement, ceux qui «
travaillent » sont beaucoup plus heureux que ceux qui « ne travaillent pas ».
Ces derniers ne sont pas du tout contents parce que leurs collègues les
taquinent toujours en disant quelque chose comme : « Vous les gens inutiles,
nous travaillons pour vous nourrir. Vous volez notre argent... »
Beaucoup de ceux qui travaillent avant d'être payés ne sont pas contents, non
plus. La ou les raisons peuvent être le stress, le harcèlement, l'intimidation
ou toute forme d'injustice. Dans certains cas, il se peut que l'employeur soit
juste et équitable, mais pas assez empathique, par exemple. Il pourrait ne pas
se soucier si vous avez des problèmes personnels ou familiaux. Vos problèmes
sont votre propre problème ; ils ne doivent pas affecter votre travail.
D'autres travailleurs « se facilitent la vie » et protestent rarement, voire
jamais. Certains encore ne prennent presque jamais de vacances. Certains
travaillent dans des mines dangereuses ou dans la sidérurgie, où le feu est
quotidien. D'autres encore travaillent dans les champs sous un soleil de plomb.
D'autres travaillent loin de chez eux, laissant derrière eux leur conjoint,
leurs enfants et leurs proches. Certains sont des migrants, d'autres sont dans
l'armée ou des marins en haute mer. Ils font tout cela aussi gentiment que possible
parce qu'ils ne peuvent pas être payés s'ils ne le font pas.
Le travail acharné vaut bien mieux que le chômage. Un travailleur peut se payer
des choses qu'un chômeur ne peut pas. Cela fait une grande différence lorsque
vous ne pouvez pas emprunter de l'argent pour répondre à un besoin urgent parce
que vous ne pouvez pas en garantir le remboursement, alors qu'un travailleur
avec un revenu stable peut le faire. Pire, c'est absolument affreux de se voir
au chômage à quarante ans ou plus, alors que des amis et connaissances plus
jeunes sont déjà aisés.
Mais une fois que vous obtenez un emploi, vous devenez comme les autres
travailleurs. Vous aussi commencez à souffrir de problèmes nouveaux/anciens.
Vous commencez à penser aux vacances, entre autres.
Les vacances sont l'occasion pour beaucoup de se reposer et de s'amuser. En
France, par exemple, dès que les gens reviennent de vacances annuelles, ils
commencent à préparer les suivantes, lesquelles évidemment n'arriveront pas
avant onze longs mois. Une des raisons pourrait être que les Français aiment se
vanter de leurs vacances. Une autre raison pourrait être qu'ils en ont tout
simplement marre de travailler entre quatre murs. Mais cela n’est certainement
pas propre aux Français.
Ce que j'ai toujours trouvé un peu étrange, c'est que la plupart de ceux qui
remplissent les autocars de touristes dans mon pays est des personnes âgées.
Loin de moi l'idée de suggérer que les personnes âgées devraient rester à la
maison et aider leurs petits-enfants à faire leurs devoirs. Mais ceci,
cependant, m'amène à me demander si un grand nombre de personnes n'attendent
pas vraiment avec impatience le troisième âge et la retraite. Ne serait-ce pas,
pour eux, l'occasion de rattraper le « temps perdu » passé « entre quatre murs »
?
Maintenant, pourquoi devrait-on attendre si longtemps ? Après tout, le travail
n'est pas une malédiction. En fait, le travail est souvent quelque chose de
merveilleux. Pourtant, le salaire qu'un employeur verse à un employé n'est
qu'une « compensation nominale » - disons morale - pour l'effort fourni au
travail. Ce salaire ne peut tout simplement pas compenser tous les efforts
qu'un travailleur investit dans son travail. Chaque effort physique, mental ou
psychologique que vous faites pour accomplir la tâche que votre employeur
attend de vous aura inéluctablement une incidence (négative) sur votre corps ou
santé mentale à un moment donné dans votre vie. L'argent ou les avantages que
vous pourriez obtenir en échange de votre travail ne remplaceront aucune partie
de votre corps une fois endommagée. L'argent ne peut pas remplacer un nerf
perdu ou un poumon atteint de lésion.
Le tabagisme, l'obésité et l'hypertension artérielle sont des problèmes liés au
travail. Si vous ajoutez à cela le harcèlement ou l'intimidation, par exemple,
à quoi ressemblerait votre vie ? Comment vous comporteriez-vous envers votre
famille ? Seriez-vous bien mentalement si vous criiez après votre conjoint
aimant à la maison alors que vous souriez à votre patron qui vous intimide au travail
? Comment supporteriez-vous le stress des formalités et de l'étiquette si votre
enfant souffre à l'hôpital ?
Les choses empirent lorsque votre emploi n'est pas stable. Tant que votre
travail est précaire, l'anxiété ne vous lâchera guère. Si vous ne pouvez pas
assurer votre retraite plus tard, vous faites quoi alors ?
Vos enfants aussi souffriront si vous perdez votre emploi. Ils éviteront leurs
amis proches car ils ne peuvent tout simplement pas se payer les mêmes petites
choses, un bonbon plus. Ils pourraient même être « virés » d'une école privée,
par exemple, avec tout ce qui s'ensuit. Que faites-vous, alors ? Attendrez-vous
les prochaines élections pour voter pour le parti qui promet plus d'emplois ?
Même si vous trouvez un emploi après des années d'attente, cela n'atténuera pas
les effets de votre chômage. La peur de perdre votre nouvel emploi restera avec
vous. Cette peur affectera votre santé tôt ou tard.
Presque tous les travailleurs perdent quelque chose en faisant leur travail. Le
paysan qui travaille aux champs sous un soleil de plomb devra un jour faire
face à sa tête qui lui fait mal. La peur constante d'une mauvaise campagne
agricole s'ajoutera à ses problèmes. Idem pour tant d'autres travailleurs.
Alors, si tel est le travail, comment pourrait-il être « quelque chose de
merveilleux », me direz-vous ?
On pourrait imaginer que certains « travailleurs » n'ont rien à craindre, n'ont
pas de soucis à se faire. On pourrait imaginer que, disons, un artiste, par
exemple, est quelqu'un qui est libre, qui peut travailler à guise et avoir une
vie professionnelle réussie et agréable. Mais les artistes aussi souffrent. Un
artiste peut avoir à pleurer des jours et des nuits, peut-être des années,
avant de vous faire sourire quelques secondes. Un artiste aussi pourrait
souffrir de stress et d'anxiété. Un artiste aussi a besoin d'argent et de
stabilité. Lui aussi a ses propres relations sociales. Lui aussi craint la
pauvreté, s'il n'est pas déjà pauvre. Je ne vous apprends rien là. Pourtant,
beaucoup d’artistes s’estiment heureux et épanouis.
Même ces stars là-haut ont leurs propres « problèmes de travail ». Ce n'est pas
facile de devenir une star. Le glamour, la célébrité et de l'opulence
pourraient ne pas durer toute une vie. Et, pour les artistes, c'est douloureux.
Dès qu'une star devient un has-been, ses problèmes commencent à s'accumuler.
Mais c’est ce qui nous arrive à nous tous. Dès qu’on atteint un certain âge on
commence à avoir des soucis de santé, entre autres.
Il n'est pas rare de voir un écrivain avec un sourire heureux sur son visage
après avoir terminé un long roman. Il n'est pas rare de voir une femme sourire
béatement après avoir accouché. Il n'est pas rare de voir un étudiant au sommet
du monde après avoir obtenu un diplôme. Mais il demeure néanmoins que ce roman
doit être soumis à un éditeur, que ce bébé doit être élevé et que ce diplôme
doit être accepté par un employeur. Ainsi va la vie. C’est ça ce qui fait le
charme de la vie.
Les scientifiques disent que si votre tête se refroidit après un coup de
chaleur, cela ne signifie pas que vous échapperez aux effets à long terme de ce
coup de chaleur. La douleur disparaîtra, mais les effets de cela et de tout
coup de chaleur ultérieur s'accumuleront jusqu'à ce que - Dieu nous en préserve
- ils se transformeraient en quelque chose de pire à l'avenir. Par analogie,
tous les problèmes liés au travail ne feront que s'accumuler avec le temps.
Alors que faire ? Ne pas travailler ?
C’est pourquoi
il est salutaire de prendre le temps de l’introspection, de réfléchir afin
d’essayer de comprendre la vie et le monde qui nous entoure.
5
Education
Pouvez-vous imaginer un monde sans problèmes ? Pouvez-vous imaginer un
monde sans pauvreté ? Pouvez-vous imaginer un monde sans larmes ? Pouvez-vous
imaginer un monde sans désordre ? Alors ce ne serait pas le monde que nous
connaissons sur la planète que nous connaissons.
Les problèmes, la pauvreté, les larmes et le désordre sont autant de causes de
malheur pour certains, de bonheur pour d'autres. Aucun système politique ou
économique n'a jamais pu éradiquer la pauvreté ou le désordre. Les historiens
racontent qu'à l'époque du calife Omar Ibn Abdoul'aziz (682 - 720), il n'y
avait absolument aucun pauvre. Tous les hommes se sont mariés avec leur propre
argent ou avec de l'argent d'État. Les fonds de l'État étaient tels que le
calife dit un jour à son vizir : « S'il n'y a plus de pauvres, si tous les
hommes sont mariés, et qu'il reste encore de l'argent dans nos coffres, alors
achetez d'énormes quantités de céréales et nourrissez tous les oiseaux du pays
! » Et pourtant, seuls quelques califes omeyyades ont succédé à Omar Ibn Abdoul'aziz.
Son califat ne dura pas longtemps après lui. La question est, pourquoi tous les
dirigeants n'étaient-ils pas aussi bons qu'Omar ibn Abdoul'aziz ? Pourquoi tous
les dirigeants n'étaient-ils pas aussi justes qu'Omar Ibn Al-Khattab (584 -
644) ? Pourquoi tous les dirigeants n'étaient-ils pas aussi passionnés de
science que le calife abbasside Al-Ma'moun (786-833) ? Les raisons de tout cela
sont-elles intrinsèques ou extrinsèques ? Ces bons dirigeants ont-ils fait ce
qu'ils ont fait juste pour rester au pouvoir ou parce que chacun d'eux était ce
qu'il était par nature ? En d'autres termes, est-ce une question d'éducation ?
Prenez, par exemple, une petite ville où des chiens errants (sans propriétaire)
errent librement, où les gens jettent des ordures un peu partout, où les gens
conduisent ou roulent comme ils veulent. C'est du désordre, vous en
conviendrez. Alors, par où commencer pour mettre fin au désordre ? Certainement
pas en chassant simplement les animaux indésirables de nos villes ou en
infligeant des amendes aux personnes qui polluent les rues ou ne respectent pas
le code de la route.
Autrefois, l'éducation commençait au sein de la famille. Et jusqu'à récemment,
l'éducation commençait à la télévision. Il y a un siècle, les enfants
regardaient et écoutaient leurs parents pendant qu'ils parlaient. Il y a de
cela quelques décennies, tout le monde regardait l'écran de télévision et se
taisait si un bel acteur parlait ou une ravissante chanteuse chantait.
Jusque-là, le Coran était la télévision. La Bible était la télévision. La
vérité était la télévision. Le bonheur était la télévision. Et si vous ne
ressembliez pas aux gens que vous aimiez à la télévision, alors vous
n'apparteniez pas au monde d'aujourd'hui.
Même maintenant, alors que le Smartphone et l'iPad sont devenus si essentiels
et si écrasants, alors que les réseaux sociaux ont fait des addictes de tout
âge et partout, la télévision est toujours reine dans de nombreux foyers à
travers le monde. Que voit-on à la télévision ? Eh bien, j'ai vu, entre autres,
des émissions de télévision où une fille pouvait gagner en seulement une
demi-heure, en nommant le maximum de chansons et de chanteurs, plus qu'un
ingénieur distingué ne puisse gagner en soixante jours ou plus. J'ai vu des
trucs qui donneraient l'impression qu'il serait bien mieux pour un écolier
d'être un coureur de fond ou un joueur de tennis qu'un médecin dans sa propre
clinique privée dans la plus grande ville du pays. J'ai vu des cuisinières
illettrées et des chanteuses adolescentes amatrices devenir des vedettes de la
télévision alors que les meilleurs esprits du pays ne sont rappelés à notre
mémoire que lorsque leur mort est annoncée à la presse.
En regardant la télévision tous les jours, on pourrait avoir l’impression que
les gens « qui ont réussi » sont déjà là - remplissant l’écran de télévision de
leur sourire glamour & béat, et qu’l ne reste plus rien à rêver pour un
téléspectateur pauvre. Cela arrivait avant même l’ère des influenceurs et
influenceuses !
Est-ce la faute de la télévision, cependant ? La télévision est-elle la seule
coupable ? Personnellement, j'ai beaucoup appris de la télévision comme j'ai
beaucoup appris de l’internet. Alors est-ce un problème de télévision ou un
problème de téléspectateurs ? En d'autres termes, un téléspectateur doit-il
avoir une sorte d'immunité lorsqu'il regarde la télévision ? Comment peut-il
avoir ce genre d'immunité ?
Autrefois, il n'y avait pas de télévision. Mais il y avait des écoles. Les gens
allaient à l'école pour apprendre, mais aussi pour rêver. Lorsque vous êtes
seul à lire un livre d'histoire ou un livre de poésie ou un roman, ou n'importe
quel type de livre, vous pourriez penser à quelque chose pendant que vous
lisez. Mais cela peut être vrai pour de nombreux téléspectateurs aussi !
Beaucoup de gens sont devenus des stars de cinéma ou même d'éminents
scientifiques parce qu'ils ont vu des choses à la télévision. Même à l'école,
tout le monde ne peut pas espérer trouver l'occasion de rêver à loisir.
Oui, à l'école, un élève peut en apprendre beaucoup sur le monde, sur la vie,
sur les problèmes et sur les moyens de résoudre ses problèmes de manière
créative sans compter sur l'État pour tout faire pour lui. Mais cela n’est pas
donné à tout le monde. La vie peut parfois être, et le sera de plus en plus,
complexe et compliquée même pour les personnes qui, enfants, étudiaient 40
heures de maths par semaine ou apprenaient la programmation informatique à
l'âge de 6 ans. Vous ne pouvez pas résoudre tous vos problèmes en piratant les
ordinateurs des gens ou en faisant du calcul mental. Connaître le monde est
donc une bonne chose, surtout à notre époque où l'individu prime sur le groupe.
Et si vous
alliez à l'école et que vous obteniez un diplôme, puis un bon travail et que
vous voyiez beaucoup de télévision, seriez-vous heureux ? Ce n'est, en tout
cas, pas l'impression que j'ai lorsque j'écoute la radio, par exemple, ou que
je vois des choses sur le Web. Dans mon pays, au moins, j'entends beaucoup de
gens se plaindre de la société, des voisins, des parents, etc. Exemples simples
: de nombreuses personnes mariées ne savent tout simplement pas comment
résoudre leurs problèmes avec leur partenaire ou avec leurs enfants ou avec
leurs collègues de travail ou leurs employeurs. Beaucoup de gens ne peuvent
tout simplement pas supporter leurs problèmes de santé. Beaucoup de gens ont
des problèmes psychologiques auxquels ils ne peuvent pas faire face. Croyez-le
ou non, j'ai entendu un invité fréquent d'une très respectable émission-débat
radio dire qu'il connaissait un certain nombre de psychiatres et de
psychologues qui consultaient eux-mêmes des psychologues ! De nombreux pays
riches dont les citoyens sont généralement considérés comme heureux ont également
de nombreux problèmes, dont l'obésité n'est pas le moindre. Nous sommes tous
dans le même bateau !
Les problèmes sont partout. Ce n'est pas ça le problème, comme je l'ai dit au
début de ce chapitre. Cela fait partie de la vie. Le problème est de savoir
comment gérer nos problèmes. Certains vont à l'extrême : certains se suicident,
d'autres changent de religion ou de mode de vie. De nombreux Occidentaux sont
devenus musulmans et de nombreux musulmans se sont occidentalisés. S’agit-il
d’un simple exutoire, pour dépasser des moments difficiles, ou fuir une
quelconque réalité, ou d’une véritable solution ?
6
Préjugés
Quelqu'un m'a
raconté cette histoire : « J'ai rencontré un couple européen, qui m'a dit :
'Quand nous avons voulu venir au Maroc en tant que touristes, nous avons donné
nos maillots de bain et nos caleçons à nos amis en Espagne, parce que nous
pensions que nous n'en aurions pas besoin une fois entrés au Maroc, qui est un
pays musulman. Mais à notre arrivée, nous avons été stupéfaits de voir des
Marocains en maillot de bain sur la plage de Tanger !’ »
Toujours à Tanger, quand j'étais étudiant là-bas, je suis entré une fois dans
la bibliothèque de mon école et j'ai trouvé une femme américaine blanche d'une
trentaine d'années vêtue d'une djellaba marocaine et d'un foulard. Assise à une
table, elle lisait le Coran. Autour d'elle, il y avait des étudiantes marocaines
en T-shirts et jeans serrés.
Et alors ? dirait quelqu’un. Où est le problème ?
Le problème est que, parfois, on juge avant de savoir. Entre les préjugés et la
réalité il n’y a qu’un pas à franchir. C’est de savoir. Alors, que sait-on de
notre région ? Dans mon pays, le Maroc, il existe au moins un magazine
entièrement publié en arabe marocain. Et vous avez l'arabe libyen, l'arabe
égyptien, l'arabe syrien, l'arabe irakien, l'arabe yéménite, et chacun a son
propre arabe. Il ne faut surtout pas s'en étonner, du fait que beaucoup d'entre
nous ne sont jamais allés à l'école, et ce n'est qu'à l'école que l'on peut
apprendre l'arabe que nos ancêtres ont appris à la maison comme langue
maternelle et dans lequel le Coran a été révélé. Maintenant cet arabe-là n'est
plus la langue maternelle de personne. De plus, il n’y a pas que les Arabes
dans le monde arabe. Chacun a donc sa langue bien-aimée. C'est pourquoi la
plupart d'entre nous ne connaissent tout simplement pas le Coran. Et la plupart
d'entre nous qui lisons le Coran ne le comprennent pas aussi facilement que nos
ancêtres. Le Coran a donc eu un impact limité sur nos vies depuis longtemps
maintenant. Même de nos jours, pour beaucoup d’entre nous, nous n'en
connaissons qu'une partie à travers nos coutumes et traditions séculaires.
Ce lien ténu avec le Coran qui a toujours posé problème est loin d'être
terminé. Une autre chose est la lutte pour le pouvoir. Les guerres de
succession ont fait des ravages impardonnables tout au long de notre histoire.
Et c'est toujours la même vieille soif de pouvoir, le même vieil amour du
trône, la même vieille faim de gloire mondaine. C’est donc tout à fait naturel
si chaque pays arabe a désormais son propre dialecte arabe, son propre « calife
», sa propre armée, ses propres frontières. Inutile de dire que c'est bon ou
mauvais. Il suffit de dire que c'est le monde où nous vivons aujourd’hui.
Pour moult raisons, ce même monde arabe, dans lequel je vis, a longtemps été
très important pour de nombreuses personnes dans d'autres parties du globe. Dès
le XIXème siècle, plusieurs auteurs russes de renom, par exemple, écrivaient de
belles choses sur les Arabes et l’Islam. Curieusement, les Occidentaux, eux
aussi, ont commencé à embrasser l'Islam par milliers après le 11 septembre.
L’Amérique, a soudainement découvert qu'elle avait des imams à part entière qui
parlaient l'arabe mieux que beaucoup d'Arabes, et qui connaissaient le Coran et
les Hadiths par cœur - ce qui n’est pas donné à tous les Arabes et musulmans -,
et qui étaient dûment autorisés à émettre des fatwas. Certains imams américains
sont devenus alors des stars et ont été invités à s'exprimer sur les
télévisions américaines. Il a ensuite été découvert que les musulmans
américains ont montré à leurs frères et sœurs musulmans comment créer des sites
Web islamiques et comment gérer des chaînes de télévision islamiques par
satellite. Comme quoi il faut savoir avant de juger.
Quand, en 1995, les Qataris ont lancé Aljazira, de nombreux régimes arabes ont
eu peur pour leur public local, craignant qu'il ne boude leurs stations de
radio et de télévision bourrées de propagande. Après Aljazira est venue une
myriade d'autres chaînes de télévision par satellite en langue arabe,
principalement financées par des publicités télévisées. Cela a inspiré les gens
dans de nombreux États arabes à lancer, sinon des stations de télévision «
libres et indépendantes », du moins des stations de radio. (Cela n’est pourtant
pas une critique. Vous savez mieux que moi que même dans les meilleures démocraties
au monde il y a de moins en moins de liberté de la presse.) Et c’est ainsi que,
au Maroc, par exemple, on a pas moins de 13 radios indépendantes, toutes
financées essentiellement par la publicité. Au moins la moitié de ces stations
de radio ont des émissions religieuses. Certaines de ces émissions se sont
avérées si populaires, si réussies, que certains des prédicateurs et érudits
religieux les plus connus du pays ont été embauchés pour augmenter l'audience,
pour rapporter plus d'argent aux radios - quoique cet argent n’est jamais
suffisant. Dans certaines de ces émissions, vous entendriez un professeur
d'université islamiste discuter pacifiquement avec un militant communiste ;
vous entendriez les gens parler de leurs problèmes, de leurs souffrances, de
leurs critiques du gouvernement sans être inquiétés. De même, d'autres
personnes sont devenues de plus en plus convaincues que les banques islamiques
(également appelées banques participatives) auraient un énorme succès. Résultat
: nous en avons plusieurs en ce moment. Je ne dis pas que c'est bon ou mauvais.
Je dis juste que c'est le monde où je vis.
Pendant plusieurs décennies, notre pays a été occupé par la France. Il était
donc tout à fait normal que la langue française ait été pour certains un moyen
de mobilité sociale et pour d'autres un moyen de distinction sociale. Bien
parler français en public a longtemps été synonyme d'appartenance à une
certaine élite, à une certaine classe. La massification scolaire, la
télévision, l'enrichissement progressif de certaines couches de la société par
le biais du commerce ou de la fonction publique ou par l'expatriation (en
France notamment) - tout cela a permis une bonne maîtrise du français par un
plus grand nombre de personnes - jusqu'à ce que l'école publique, de plus en
plus arabisée, soit devenue, au contraire, un frein empêchant des milliers et
des milliers de personnes d'accéder à ce statut d'élite à la française.
Avant même l'Indépendance (en 1956), l'élite « conventionnelle », hautement
qualifiée, était déjà influencée par la culture occidentale. Jean-Jacques
Rousseau, Karl Marx, Hegel, Weber, Montesquieu, la littérature grecque, Freud…
étaient des lectures courantes pour ces personnes, qui seraient naturellement
tentées de se moquer de ceux qui lisaient encore des « livres jaunes », en
langue arabe, imprimés localement ou importés du Machrek (le Moyen-Orient).
Cette élite, souvent politisée, a naturellement su prendre des postes à
responsabilité, ouvrant la voie à un certain héritage à perpétuer de père en
fils. Et lorsque de nouvelles perspectives, encore plus prometteuses,
s'ouvrirent devant la progéniture de cette élite, gâtée par l'opportunité
historique de l'époque, l'évolution des événements obligea, après
l'Indépendance, l'Etat à marocaniser l'administration. Cette marocanisation
progressive signifiait que la langue arabe devait aller en parallèle ou au
détriment de la langue française. Le facteur démographique a entraîné, entre
autres, la prolifération des facultés et des universités, où, grâce à la
traduction en arabe, des cours complets ont commencé à être dispensés en arabe.
Et ainsi de plus en plus d'enseignants n'avaient plus besoin de maîtriser le
français, ni même l'arabe littéraire. Un professeur d'histoire-géographie en
arabe percevait le même salaire et les mêmes avantages sociaux qu'un professeur
de physique-chimie en français. Tous deux pouvaient vivre décemment, construire
une maison ou même une villa, avoir une belle voiture... L'un et l'autre
pouvait s'exprimer comme bon lui semblait, ou lire ce qu'il voulait, ou adhérer
au parti politique de son choix, etc.
Justement, on a toujours associé les élites d’ici et d’ailleurs à la politique.
Et comme ce qui se passe ailleurs, ici aussi l’argent a son mot à dire dans la
politique. On a beaucoup d’entrepreneurs polyglottes, très cultivés du coup,
qui contribuent grandement aussi bien à l’économie qu’à la gestion du pays.
Tout le monde a sa place.
Bien sûr que, ici comme ailleurs, il y a des problèmes tous les jours. Mais ce
qui est beau c’est qu’il y a pourtant des solutions tous les jours. Presque
toujours, les journaux télévisés commencent par le rouge du sang et s’achèvent
avec le rouge des roses.
7
Solidarité
Que ressent-on
(ou devrait-on ressentir) lorsqu'on regarde à la télévision des images
horribles d'un tremblement de terre ou de survivants d'un volcan pleurant la
mort de leurs proches ou encore des squelettes vivantes d'individus victimes de
famine ou de faim aiguë ? Beaucoup d'entre nous regardent de telles scènes en
mangeant ou en discutant avec leur famille ou leurs amis. Les philosophes parmi
nous se demandent pourquoi ces choses arrivent en premier lieu. Un religieux
dirait probablement que c'est une punition divine.
En fait, beaucoup de gens s'attardent sur ces événements malheureux. et
commencent à méditer sur la vie. Une telle méditation pourrait amener à la
dévotion tout comme elle pourrait conduire à l'incrédulité. Mais quelles leçons
pourrait-on (ou devrait-on) tirer de telles calamités dans lesquelles des
milliers de personnes perdent la vie et des milliers d'autres se retrouvent
mutilées, orphelines, veuves ou sans abri ; où des villes et des villages
entiers sont rasés ; où des paysages paradisiaques se transforment en lieux
sinistrés ? Eh bien, cela a toujours été horrible. Des gens sains et saufs,
bien calés dans leurs fauteuils, pourraient moraliser autant et aussi longtemps
qu'ils le souhaiteraient - mais diraient-ils la même chose (avec les mêmes
mots, sur les mêmes tons, avec la même force de conviction) s'ils étaient au
milieu du désastre ?
Je me souviens avoir vu un programme mettant en vedette les forêts tropicales
australiennes. Les caméras de télévision se déplaçaient avec grâce parmi des
arbres à couper le souffle, de belles fleurs indigènes, des oiseaux et des
animaux exotiques. Je pensai qu'il ne pouvait y avoir d'endroit plus tentant
pour des vacances. Mais soudain, un incendie infernal s'est déclaré et a
détruit tous les arbres, les fleurs, les oiseaux et les animaux. J'ai soupiré
pendant que la voix commentant la scène m'expliquait que, en fait, de tels
incendies étaient en quelque sorte monnaie courante dans ces forêts, et que
c'était un phénomène très naturel. C'était bon que le programme ait donné cet
avertissement aux touristes amoureux de la nature et cette leçon à ceux qui
succombent facilement à la beauté. Malheureusement, les phénomènes naturels ne
peuvent pas tous être prédits. Tant de touristes (de partout dans le monde) ont
trouvé la mort dans le tsunami de décembre 2004. Personne - et encore moins la
population locale - n'aurait pu prédire une telle catastrophe. Les gens se sont
- alors et comme toujours - posé beaucoup de questions (existentielles).
Certains ont opéré une sorte de changement, d'autres ont continué à vivre leur
vie comme si de rien n'était. Personnellement, je me pose aussi des questions.
J'ai lu sur le Web une question que je m'étais posée avant même qu'Internet
n'entre dans notre pays. La Première et la Seconde Guerre mondiale
étaient-elles une punition divine ? C'était la question. Je me demandais
pourquoi une telle chose puisse arriver à des gens qui étaient à l'origine de
tous les incroyables développements technologiques dont nous bénéficions dans notre
vie de tous les jours. Ces gens ont fait de grandes inventions, travaillé dans
des mines de charbon, lutté pour les droits de l'homme, etc. Alors pourquoi
ont-ils été récompensés par deux guerres sanglantes ? Ce qui est curieux, c'est
qu'au cours de ces deux guerres (et de la guerre froide qui a suivi), un
développement technologique phénoménal a eu lieu - comme si nos avions (civils)
d'aujourd'hui n'auraient pu voler aussi loin et aussi vite qu'ils le font
aujourd'hui, comme si nos téléphones portables, nos connexions Internet, nos
télévisions, etc., auraient pu rester des sujets de livres de science-fiction,
s'il n'y avait eu deux guerres (mondiales) dévastatrices. L'ONU - quoi qu’on en
dise - n'est née qu'après ces guerres-là. La démocratie ne s'est généralisée
qu'après ces guerres, lesquelles ont coûté la vie aux enfants et petits-enfants
de grands inventeurs, ingénieurs, enseignants et travailleurs patients qui ont
enduré la vie dans les mines de charbon. Serait-il superstitieux de lier cela à
la soi-disant séparation de la religion et de l'État (comme ce fut le cas en
France en 1905) ? Ou cela s'expliquerait-il par « l'immoralité croissante » des
gens ? (Certains diront, cependant, que la « vraie immoralité » est devenue
encore pire en 1968, plus de deux décennies après la guerre !) D'autres diront
que la ou lesdites guerres furent plutôt le résultat de la lutte des grandes
puissances pour la suprématie et leur rivalité sur les territoires d'outre-mer.
Quelles que soient les raisons de telle ou telle calamité, il n'est jamais
mauvais de se poser des questions à ce sujet.
Très souvent - mais pas toujours - ce sont des personnes qui ont frôlé la mort
dans de telles catastrophes qui NE posent PAS les questions les plus
difficiles, genre : « Pourquoi devrait-il y avoir une telle chose en premier
lieu ? » J'ai été touché par l'histoire d'une jeune femme allemande et de sa
mère qui se trouvaient au Sri Lanka pendant le tsunami de 2004. Dans une
émission diffusée sur une chaîne arabe, la jeune femme a expliqué comment un
jeune homme sri lankais l'avait sauvée, au péril de sa vie. Le jeune homme
lui-même a parlé tandis que les deux femmes - qui étaient revenues au Sri Lanka
pour le rencontrer et se souvenir de l'incident - écoutaient, en pensant et
penchant la tête. Cette amitié inattendue est un exemple des choses
paradoxalement merveilleuses qui se produisent pendant et après les
catastrophes. Mais la question demeure, cependant : pourquoi devrait-il y avoir
une telle chose en premier lieu ?
En d'autres termes, pourrait-il y avoir un bon côté au désastre ? Les
tremblements de terre, les ouragans, les cyclones, les volcans, les incendies
de forêt, les inondations, etc. sont-ils seulement des accidents naturels qui
surviennent au hasard et gâchent la vie des gens ? Même si les scientifiques,
qui n'ont commencé à développer des théories sérieuses à ce sujet que dans les
années 1960, prouvaient par des preuves empiriques que les phénomènes
susmentionnés ci-dessus sont essentiels à l'équilibre global de la planète Terre,
certains se demanderaient encore : « Pourquoi la terre aurait-elle besoin de
telles catastrophes simplement pour assurer son équilibre ? » Ceux qui
voudraient « régler leurs comptes » avec Dieu se demanderaient quand même : «
Si Dieu est parfait, alors pourquoi a-t-il créé une terre si imparfaite ?
Pourquoi une population dans une partie du globe devrait-elle être
impitoyablement sacrifiée pour sauver des populations ailleurs ? »
Je ne prétends pas avoir des réponses à ces questions. Mais voyons les choses
telles qu'elles sont.
La terre n'est peut-être pas parfaite, mais que dirait-on de ces touristes qui
attendent une année entière et dépensent beaucoup d'argent pour se rendre à un
endroit donné ? Pourquoi choisissent-ils d'aller à tel endroit plutôt qu'à un
autre ? Les touristes vont-ils dans des endroits paradisiaques ou dans des
coins infernaux du globe ?
D'ailleurs, les scientifiques disent, par exemple, que « la plupart des
tremblements de terre causent peu ou pas de dégâts ». Ils disent également que
« la plupart des activités volcaniques sont sous-marines, formant de nouveaux
fonds marins » - loin de nos villes et villages.
Ainsi, « l'imperfection », s'il y en a, est plutôt due à l'homme. Les
scientifiques disent que la pollution causée par l'homme est en grande partie
responsable du réchauffement climatique, qui, à son tour, est responsable d'au
moins certaines des catastrophes telles que Katrina (2005) et les incendies de
plus en plus fréquents en Amérique du Nord et les inondations en Europe
occidentale, au centre de la Chine et ailleurs. Sinon, pourquoi y aurait-il
l'Accord de Paris et toutes les conventions sur le climat ?
Les pauvres supplient maintenant les riches d'arrêter de polluer la terre
(provoquant ainsi la sécheresse, les inondations, les cyclones, El Niño et
d'autres catastrophes), tandis que les riches supplient les pauvres d'accepter
de l'argent en échange du droit de polluer dans leur propre pays. Quelle
logique !
Donc, que la terre ne soit pas parfaite ou que ce soit l'homme qui l'a rendue
si imparfaite, il n'est jamais trop tard pour que l'homme essaie de la rendre
parfaite - ou aussi parfaite que possible. Tous les rapports scientifiques
alarmants qui sortent de temps en temps ne visent réellement qu’à pousser les
politiques à agir.
En temps normal, on trouverait des endroits paradisiaques de part le monde.
Sinon, pourquoi devrait-il y avoir du tourisme et des touristes ? Si de
nomb²reux touristes étrangers se sont trouvés en Asie du Sud-Est lors du
Tsunami de 2004, c'est justement parce qu'ils avaient été attirés par la beauté
de cette région.
Même après qu'un endroit soit totalement détruit lors d'une catastrophe,
l'homme est toujours là pour faire quelque chose. Cela amène à parler de
solidarité. Plus récemment, des incendies de forêt ont ravagé la région
italienne de la Sardaigne. Qui va donc aider cette île dévastée à se relever
sinon les contribuables italiens ?
Lorsque nous parlons de solidarité, nous entendons aussi par là la charité, la
compassion, l'altruisme, le bénévolat pour aider par amour. Quand vous voyez
des gens de tous horizons se précipiter pour s'entraider ; quand vous voyez des
milliers d'étudiants donner du sang et courir vers les zones les plus touchées
pour sauver des vies, c'est de la pure solidarité. Et c'est beau. Qui oubliera
l'aide que la communauté internationale a apportée (ou du moins s'est engagée à
apporter) aux victimes du tsunami ou aux réfugiés syriens ou les efforts
actuels pour aider les États pauvres avec la vaccination anti-Covid ?
Bien sûr qu’il y a homme et homme. Alors que les belligérants de tout bord et
de tout genre se jurent et se battent, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge
unissent leurs forces pour sauver des personnes de confessions et d'origines
différentes. L'essentiel est d'éteindre le feu, peu importe qui l'a allumé.
Quand vous apprenez que 200 sauveteurs ont perdu la vie alors qu'ils tentaient
de secourir leurs concitoyens en Chine (en mai 2008), et que de nombreux
enseignants ont péri dans la catastrophe après avoir sauvé leurs élèves, alors
vous ne pouvez qu'être fier d'être un humain. Nous, les humains, sommes
capables de rendre le monde meilleur - en nous servant les uns les autres.
Comparez cette solidarité manifestée par des personnes de l'intérieur et de
l'extérieur des lieux touchés par les catastrophes aux pillages qui ont parfois
lieu dans ces zones-là. Comparez cette solidarité aux rivalités qui ont conduit
à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. Comparez l'effusion de sang de
ces guerres à l'esprit qui a conduit à l'Union européenne, par exemple. Décidément,
l'homme est capable du meilleur et du pire.
Et qu'y a-t-il de plus beau que de reconstruire des vies brisées ? La
destruction est sans aucun doute horrible. Les retombées peuvent durer des
années et coûter de l'or et des vies humaines. Mais cela fait partie de la vie.
Ce que nous avons tendance à oublier, c'est que la plupart des destructions
sont causées par l'homme. Les catastrophes naturelles n'ont pas contribué à
l'incroyable destruction qui s'est produite au cœur de l'Europe dans la première
moitié du XXe siècle. Les catastrophes naturelles n'ont rien à voir avec les
destructions qui ont eu lieu en Irak, en Syrie et au Yémen, par exemple, ou
avec la famine ça et là.
Les esprits pratiques se mettent immédiatement au travail pour réparer les dégâts,
laissant à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. Des fois, les
destructeurs eux-mêmes se précipitent vers la reconstruction. Les États-Unis,
qui ont aidé à faire tomber le Reich d'Hitler et l'empire du Japon, ont mis en
place le plan Marshall pour reconstruire l'Europe et le Japon d'après-guerre.
Une génération prospère de baby-boomers a profité des fruits de cette
reconstruction, tournant ainsi la page des horreurs de la guerre dont leurs
pères avaient été témoins. « Le malheur des uns fait le bonheur des autres »,
dit le proverbe.
Après chaque catastrophe, de nombreuses personnes trouvent beaucoup de travail,
un revenu stable pendant des années. Beaucoup d'entreprises prospèrent pendant
cette période et beaucoup d'échanges ont lieu. Non seulement ces écoles
démolies, mais toute l'infrastructure (souvent ancienne et vétuste) devient
bien meilleure qu'avant le tremblement de terre. Cela donne l'opportunité aux
ingénieurs et techniciens nouvellement diplômés de prouver leur valeur et de construire
leur vie et au PME et TPE de grandir.
Maintenant, qu'en est-il du châtiment divin ? Eh bien, la punition divine
signifie différentes choses pour différents croyants. Les Juifs, les Chrétiens
et les Musulmans, par exemple, connaissent l'histoire de Noé, selon laquelle,
le monde d'alors a été détruit par le Déluge. Mais alors la vie a continué avec
juste un petit nombre de personnes et un nombre limité d'espèces. Le Dieu qui a
rendu la vie possible après le déluge est naturellement capable de sauver la
planète terre des pires conséquences du changement climatique, s'il le veut.
Qu'il le veuille ou non, cela dépend probablement du comportement de
l'humanité. D'où la crainte du châtiment divin pour certains. Le coran, par
exemple, est plein d’avertissement dans ce sens.
Punition divine ou non, un nombre croissant de jeunes souffrent sous diverses
formes et à divers degrés d'anxiété climatique (Climate Anxiety). Ils sont
profondément préoccupés non seulement par l'avenir de la planète Terre, mais
plus particulièrement par leur environnement immédiat. Certains croient
simplement que notre planète est condamnée, qu’elle est « au bord du gouffre ».
Le fait est que les conditions météorologiques extrêmes sont indéniables. Nous
avons tous entendu ou lu des rapports alarmants d'experts qui prédisent le pire
pour certaines parties du globe.
Mais allez dire cela à ces gens qui vont chercher fortune là où l'environnement
est le plus hostile, là où prospèrent le commerce illégal d'espèces sauvages,
l'exploitation forestière, l'exploitation minière, la pêche illégale … là où il
n'y a ni 'écoles, ni hôpitaux, ni même de routes goudronnées…, là où le sourire
ne veut rien dire.
Les détails ne manquent pas. Qui n’est pas au courant des côtes immergées avec
toutes les conséquences que cela implique, de la montée des eaux, des
véritables bombes à retardement que représentent les décharges sauvages dans de
nombreuses villes de part le monde ? Bien sûr qu’il y a de quoi s’alarmer. Que
dire encore des gens qui suffoquent sous la canicule en plein printemps, des
gens qui voient leurs bêtes mourir de soif devant leurs yeux, des chèvres qui
mangent leurs excréments, des chameaux qui mangent d’autres chameaux, des bords
de mer qui disparaissent tous les jours un peu plus sous l’eau, des nappes
phréatiques non renouvelables, des puits à sec ou presque… ? Ce n’est pas
évident d’être mentalement costaud devant de tels malheurs. Mais parfois il
suffit d’une pluie, d’un beau temps, d’une bonne récolte… pour se remonter le
moral et se sentir bien. Sauf que, quand on a tout, on pourrait s’imaginer
touché par la grâce divine Décidemment, cela se passe bel et bien dans la tête
et non seulement dans la nature.
Et il n’y a pas que les conséquences du dérèglement climatique. Au jour d’aujourd’hui,
des gens vivent dans la terreur à cause des gangs ou de l’insécurité
alimentaire. Des gens mangent un jour sur deux. Certaines grandes villes dans
des pays sûrs importent plus de 90 % de leurs besoins de nourriture. Dans
d’autres villes 80 % de la population vit uniquement du tourisme. Que se
passerait-il quand les touristes ne viennent pas ? Et pour ceux qui dépendent
de l’agriculture pluviale, que se passerait-il s’il ne pleut pas ? En ce moment
déjà, l’urbanisation incontrôlée engloutit d'innombrables terres agricoles
irremplaçables. On rapporte que la résistance aux antibiotiques tuera 300
millions de personnes d'ici 2050. Mais tout cela n’est pas si nouveau que ça.
Dans mon pays, le Maroc, au 18 et 19ème siècles, il y avait une famine ou une épidémie
tous les 10 ou 15 ans ! Je ne sais pas ce qui pourrait arriver à l’avenir,
mais, au moins, en presque 60 ans, il n’y a eu qu’une seule épidémie, c’est la
Covid-19, et une seule « famine », c’était dans les années 1980s. De plus, on
se dirige lentement mais sûrement vers une atmosphère de plus en plus « décarbonnée »,
avec l'utilisation des énergies renouvelables, des batteries électriques, etc.
Comme quoi, il est encore possible d'espérer.
Ce n'est malheureusement pas toujours le cas Quoi qu’il en soit, nous
continuerons de voir des incendies, par exemple, ravager des arbres plusieurs
fois centenaires qui ne seront peut-être jamais remplacés. De nombreuses
personnes perdront également leur gagne-pain dans le processus. Idem pour les
tremblements de terre et les inondations. Les compagnies d'assurance ne sont
pas prêtes à tout indemniser pour tout le monde. Mais c'est ça, une
catastrophe. Nous ne sommes pas au Paradis. Une catastrophe reste une
expérience douloureuse - qu'elle soit naturelle ou non, qu'il s'agisse d'un
châtiment divin ou non. La bonne question qu'il faut se poser est : Et si
j'étais parmi les victimes ?
8
Nous sommes tous intelligents
Nous avons tous
été témoins ou entendu parler : de gros fermiers possédant de vastes étendues
de terres agricoles ont dû tuer leur bétail de leurs propres mains à cause de
la sécheresse ; de jeunes entrepreneurs qui ont tout perdu du jour au lendemain
à la suite d'une soudaine crise économique ; des hommes et des femmes
ordinaires qui ont acheté pour leur petite famille des maisons ou appartements
à crédit, puis n'ont pu rembourser leurs dettes et se sont faits ensuite
expulsés ; des étudiants pleins d'espoir qui ont également contracté des prêts
ont fait faillite avant même de pouvoir les honorer; des parents qui ont perdu
leur enfant unique alors qu'ils en étaient si heureux ; des gens qui
cherchaient désespérément un partenaire aimant et quand ils l'ont eu, le
divorce les a séparés pour de bon. Les mathématiques peuvent-elles résoudre de tels
problèmes ? Le meilleur logiciel ou la meilleure IA peuvent-il résoudre de tels
problèmes ? De telles personnes ont-elles eu de tels problèmes parce qu'elles
étaient si nulles ? Ou ces choses-là ont-elles besoin d'un autre type de
réflexion ?
Bien sûr, il est très facile de rejeter d’emblée l’idée de philosopher sur tout
cela sous prétexte qu’il ne s’agit là que de simple excès de misérabilisme ou
de catastrophisme et que la vie est de nature pleine de mauvaises surprises et
que chacun doit assumer la responsabilité de son échec, point barre. Mais cela
ne mérite-il pas vraiment un moment de réflexion tout de même ?
Les étudiants en journalisme apprennent que « lorsqu'un chien mord un homme, ce
n'est pas une nouvelle » ; Quand « un homme mord un chien », ça c'est une
nouvelle. Une femme a appelé un médecin en direct sur une émission de radio
pour lui demander pourquoi sa fille de trois ans tétait encore son biberon
(même s'il était vide !). CELA N'EST PAS UNE NOUVELLE, me direz-vous. Et c’est
vrai. Un autre auditeur a appelé pour conseiller à cette femme de mettre
quelque chose d'amer dans le biberon ou sur sa tétine pour le rendre dégoûtant
à l'enfant. Il a dit qu'il avait lui-même essayé cela sur sa propre fille quand
elle avait trois ans et cela a marché. ET CELA ENCORE NEST PAS UNE NOUVELLE.
Mais ensuite l'homme a concédé qu'il y a eu un problème beaucoup plus grave. «
Maintenant, ma fille a 27 ans », a-t-il expliqué. « Elle est professeure
d'université dans un pays étranger et pourtant elle suce toujours son pouce ! »
CECI EST BIEN UNE NOUVELLE, n'est-ce pas ? Mais est-ce assez étonnant pour
émerveiller tout le monde ?
Alors qu'est-ce qui provoque de l'admiration ou de l'émerveillement en nous ?
Un journal kenyan s'est exclamé : « C'est un mystère : les Africains ne peuvent
pas tirer de flèches olympiques ! » Pour l'auteur de cet article, « il est
surprenant que l'Afrique ne domine pas le tir à l'arc alors qu'aucun autre
continent n'utilise autant d'arcs et de flèches à des fins primaires. »
Dans son livre « Le Collier Unique », Ibn Abd Rabbih (860 - 940) raconte
l'histoire d'un tabi'i (disciple des compagnons du prophète Mahomet) qui
voyageait avec certains de ses étudiants lorsqu'ils rencontrèrent un homme ivre
chantant un beau couplet en arabe, quelque chose comme : Mon cœur est devenu
malade d'amour, Mais il n'y a aucun moyen d'atteindre mon amour. (Avec la rime,
ça sonne beaucoup plus beau que ça en Arabe.) Le tabi'i descendit alors
de son cheval et s'empressa d'écrire ces lignes. Étonnés, ses étudiants lui
demandèrent : « Vous écrivez des mots prononcés par un homme ivre ? » Le tabi'i
répondit : « N'avez-vous pas entendu le proverbe qui dit 'Une perle pourrait
très bien être trouvée au milieu des ordures.' ? Eh bien, ceci est une perle
dans une poubelle ! »
Quelqu'un a été présenté au calife abbasside Haroun al-Rachid comme étant un
homme de génie qui pouvait faire entrer cent aiguilles dans les yeux les unes
des autres de telle manière qu'aucune aiguille ne tombe. Le calife demanda à
l'homme de lui montrer comment il pouvait faire cela, et quand ce dernier l'eut
fait de la manière la plus brillante, le calife se tourna vers ses hommes et
dit : « Donnez à cet homme cent dinars et cent coups de fouet. » Stupéfait,
l'homme de génie demanda : « Majesté, je peux comprendre pourquoi vous me
donnez cent dinars, mais pas pourquoi vous me donnez cent coups de fouet ! » Le
calife répondit : « Je vous donne cent dinars pour votre génie, et cent coups
de fouet parce que vous avez gaspillé votre génie sur des futilités. »
Nous sommes tous intelligents, n'est-ce pas, mais utilisons-nous toujours notre
intelligence à bon escient ?
J'étais une
fois seul, debout en face de notre salle de cours, lorsqu'un camarade de classe
s'est approché de moi et m'a dit, tremblant de rire : « Sur le chemin de la
Fac, un groupe de petits enfants m'a arrêté et m'a dit, 'Dis-nous, si tu sais :
est-ce qu'une poule urine ?' Tu sais quoi, je n'y avais jamais pensé ! »
Maintenant je vous pose la même question : est-ce qu'une poule urine ?
On a tendance à prendre tellement de choses pour acquises - de petites choses,
je veux dire. Combien de fois vous êtes-vous arrêté pour penser au tic-tac de
votre montre, à ce minuscule insecte que vous trouvez parfois en train de
parcourir la page lorsque vous lisez un livre, aux feuilles mortes de votre
jardin ou dans les bois, à l'esprit humain qui a fait toutes les inventions que
vous utilisez tous les jours ? Comme les gens dans l'Antiquité, qui
s'émerveillaient des Sept Merveilles et oubliaient les millions de petites
merveilles qui les entouraient, nous nous émerveillons toujours de grandes
choses et oublions de penser aux petites choses en nous-mêmes et dans notre
environnement.
Les gens se sont émerveillés devant le premier vol en ballon (1786) du premier
vol transatlantique en solo sans escale (1927), du premier vol à bord de
l'Airbus A380. Ils s'émerveillent encore devant la Grande Muraille de Chine,
les Pyramides de Guizeh, la Tour Eiffel et Lady Liberty. On s'émerveille encore
devant les performances époustouflantes des animaux de cirque et des clowns,
devant les robots qui auraient des sentiments, devant les exploits d'athlètes
qui battent des records, devant les talents extraordinaires de nos artistes
(que l'on prend parfois pour des dieux !). Presque chaque semaine, il y a une
nouvelle entrée dans le célèbre Guinness World Records.
Quand les gens pensent à quelque chose, ils oublient souvent autre chose -
quelque chose de plus important. Quand nous nous regardons dans le miroir,
pensons-nous au miroir lui-même ? Quand nous utilisons notre ordinateur,
pensons-nous à l'esprit qui l'a inventé en premier lieu ? Lorsque nous nous
interrogeons sur notre pouvoir (humain) d'imagination, pensons-nous d'où vient
l'esprit humain en premier lieu ? Combien d'entre nous s'étonnent que bien que
nous ayons le même père et la même mère, nous ne sommes pas identiques. Même
les soi-disant « jumeaux identiques » se distinguent par leurs empreintes
digitales et leurs iris.
Parfois, vous vous retrouvez soudainement dans une situation où vous vous
sentez comme un imbécile, lorsque les choses les plus évidentes deviennent
difficiles à comprendre, lorsque votre vie devient comme par hasard un fardeau,
dénué de sens. Devrait-on attendre jusqu’à ce moment-là pour se mettre à
méditer ?
Si l'exercice physique débarrasse notre corps de ses « poisons », n’en va-t-il
pas de même pour la méditation ? Ne pourrait-elle pas nous débarrasser des «
poisons » de nos âmes. La méditation sur de petites choses - ces choses
auxquelles la plupart des gens ne pensent même pas - ne pourrait-elle pas nous
procurer une lumière que la plupart des gens n'ont pas ?
Un Américain a disparu en Australie. Après environ trois mois, il a émergé de
l'autre bout du désert australien, vêtu d'une chemise ordinaire et d'un
pantalon, avec des sandales en cuir et une bouteille d'eau à la main. Lorsqu'on
lui a demandé pourquoi il avait bravé un désert si effrayant seul et avec si
peu d'équipement, l'homme a répondu tout simplement : « Je voulais juste
découvrir Dieu. » Personnellement, je ne pouvais pas en croire mes yeux et mes
oreilles en voyant ces images télévisées, après avoir lu des récits sur
l'époque où les chameliers afghans emmenaient les colons européens à travers
les déserts inexplorés du continent australien.
Maintenant, faut-il que j'aille jusqu'au désert australien juste pour méditer ?
Mais je peux regarder le soleil d'où je suis : n'est-ce pas le même soleil que
tout le monde voit partout ? N'est-ce pas la même lune que tout le monde
connaît ? N'est-ce pas le même ciel, les mêmes étoiles, la même terre, la même
eau, le même air, le même corps humain, la même âme humaine ? Alors, ne
pourrait-il pas être le même Créateur, quel qu'il soit, qui a fait toutes ces
choses pour nous tous ? Ne devrions-nous pas nous étonner du fait que les gens
partagent les mêmes choses et pourtant adorent des dieux différents ?
Est-ce facile de penser, d'ailleurs ? Comment peut-on « penser » devant toutes
ces tonnes d'images qui nous tombent dessus comme une avalanche de la télé, du
Web… ? Mais combien de personnes pourraient aller dans les bois (sans caméra,
sans Smartphone, sans cigarettes), avec juste un esprit et un cœur, et deux
pieds prêts à aller d'un endroit à l'autre, et des yeux prêts à regarder de
belles fleurs - de petites fleurs - se cachant derrière de petits rochers que
peu de gens se soucient de regarder ? Qui de nos jours irait dans les bois et
regarderait les feuilles tombées, les toucherait, les scruterait, et penserait
aux insectes, aux oiseaux migrateurs, à toute la vie, en fait ?
Qui ? Combien ? C’est pas facile. Les gens penseront plutôt à leur quotidien, à
leur pouvoir d’achat en berne, à leurs dettes abyssales, à leur futur
incertain. Vous avez des gens qui n’ont même de quoi acheter à manger. Vous
avez même des étudiants de médecine, censés nous soigner un jour, qui ont le
malheur d’affronter au quotidien le burn-out, la dépression et l’anxiété. Vous
avez des gens qui, en plus de ça, ont tous les jours la peur au ventre parce
qu’ils ne sont pas sûrs que leurs enfants reviendront de l’école sains et
saufs. Dans ces conditions, comment peut-on réfléchir dans la bonne humeur ? Et
pourtant, il faut réfléchir. Nous avons tous vu que le ras-le-bol contre la
classe politique ne résoudra rien à lui seul.
Avant nous, il y a eu de gros agriculteurs avec de vastes terres agricoles ; il
y a eu des princes et des nobles ; il y a eu de petites gens pleines de rêve ;
il y a eu des gens qui ont été heureux pendant un certain temps puis ont perdu
leur bonheur du jour au lendemain. Et la liste est longue. Peut-être que ces
gens qui ont vécu avant nous n'avaient pas de machines à calculer,
d'ordinateurs sophistiqués et de logiciels de génie, mais eux aussi étaient
intelligents d'une manière ou d'une autre. Peut-être que nous aussi devons être
doublement intelligents, en pensant aux grandes choses et en méditant également
sur les petites choses.
Prenons cet exemple. Nous, musulmans du monde entier, venons de célébrer l'aïd
al-Adha (la fête du sacrifice). Est-ce que tout le monde a célébré cette fête
de la même manière ? Eh bien, beaucoup de gens sacrifient un mouton mais ne
peuvent pas manger de sa viande simplement parce qu'ils sont malades. D'autres
personnes, en revanche, ayant pourtant un estomac et un corps sains, ne peuvent
pas se permettre un mouton. Trop cher pour eux. Qui devrait envier l'autre :
celui qui ne peut pas manger de son mouton ou celui qui ne peut pas en acheter
un en premier lieu ?
Le problème est que les sentiments et les émotions sont parfois plus forts que
les connaissances et les convictions. Il n'est pas facile pour quiconque de
gérer le sentiment que son patron ou son supérieur soit moins qualifié que lui.
Il n'est pas facile pour un bel homme de comprendre pourquoi sa belle
bien-aimée devrait épouser un homme « moche ». Il n'est pas facile pour une
femme de couleur de comprendre pourquoi elle devrait l'être, si cela lui cause
un problème, ou pour un ingénieur de comprendre pourquoi son fils unique
devrait être handicapé. Les scientifiques ne peuvent pas, par exemple,
expliquer pourquoi un couple marié ne devrait pas avoir d'enfant, malgré tous
les efforts imaginables et inimaginables. Mais ils peuvent évidemment expliquer
la chose physiologique/pathologique, qui a empêché le couple d'avoir un enfant.
Les scientifiques n'ont pas de problèmes avec le monde physique. C'est pourquoi
ils ont eu la gentillesse de rendre notre monde physique si facile : ils ont
développé pour nous de merveilleux moyens de transport, des moyens de
télécommunication de conte de fées, des services médicaux inespérés. Nos
cuisines, nos salons, nos bureaux, nos sacs regorgent de gadgets technologiques
que nous devons à nos vénérables scientifiques. Mais les scientifiques sont
comme nous, comme vous et moi. Eux aussi ont des sentiments et des émotions. Un
scientifique restera dégouté toute sa vie si l’on attribue une de ses
découvertes ou contributions scientifiques à quelqu’un d’autre. Vous et moi
sommes conscients des souffrances de tant de personnels médicaux à travers le
monde pendant la pandémie actuelle. Et ainsi de suite.
Les scientifiques peuvent aisément inventer des techniques révolutionnaires,
traiter le corps humain et améliorer l'agriculture, etc., mais ne peuvent
certainement pas empêcher la mort, la sécheresse ou les inondations. Les
scientifiques peuvent envoyer des humains sur Mars mais ne peuvent pas empêcher
les tremblements de terre ou les ouragans, qui causent plus de destruction en
quelques heures que la science ne puisse en construire en des années. C'est
encore un problème d'émotions. On ne peut rien expliquer à une veuve assise
devant sa maison détruite par les inondations ou à des parents qui viennent de
perdre leur fils unique à cause de la Covid. Que dire à une personne qui ne
trouve pas de lit de réanimation ou d'oxygène pour sauver sa mère ou sa fille ?
Quid de la Foi ? Certaines personnes y croient. Elles s’y accrochent en temps
normal et en temps de crise. Elles y trouvent des explications à même de les
aider à dépasser une perte, ou surmonter une rupture amoureuse, une faiblesse
ou un drame. Cette explication n’est pas fortuite ou anodine Elle implique un
engagement. Si l’on demande de l’aide à un dieu on doit raisonnablement
s’attendre à devoir lui rendre grâce d’une manière ou d’une autre. C’est là la
ligne de démarcation entre foi et incroyance. Certaines personnes ne peuvent en
aucun cas accepter l'idée d'être dépendant de quoi que ce soit ou obéissant à
qui que ce soit. Ils se considèrent comme pleinement autodidactes,
auto-dépendants, auto-suffisants, et qu'ils ne doivent rien à personne, à
aucune divinité. Ils n'ont rien de quoi remercier Dieu : parce que s'ils acceptent
l'idée d'être obligés envers une divinité, ils craignent qu'on ne leur demande
de se comporter selon les souhaits de cette divinité, non comme ils
l'entendent, eux.
En réalité, même le Coran, par exemple, ne dit pas que si vous ne croyez pas en
Dieu et en l'au-delà, vous échouerez dans ce monde. Le succès mondain est
ouvert à tous. Le problème est que, lorsque vous échouez, pour des raisons
objectives, vous pourriez avoir du mal à vous expliquer objectivement votre
échec. Parce que c'est dans la nature humaine que l'homme a tendance à blâmer
les autres pour ses échecs et à être arrogant en période de succès.
D'où vient notre arrogance ? Cela vient naturellement de notre envie
instinctive de se montrer, de se vanter. Nous voulons montrer aux gens autour
de nous que nous sommes autonomes, que nous sommes les meilleurs. Nous voulons
que le monde sache que nous avons obtenu notre poste parce que, comme on dit, «
un Écossais vaut 3 Anglais ». Idem pour son conjoint. Idem pour ses enfants.
Idem pour sa fortune. Tout est le fruit de notre ambition. Tout est une
question de mérite.
Cela s’explique aussi par le fait que, la plupart du temps, nous pensons à un
moment de notre vie. Prenons-nous vraiment en compte toute notre vie ?
Pensons-nous toujours au temps où nous vieillissons, où nous ne pouvons plus ni
chanter ni danser, où nous ne pouvons plus jouer au golf ou au tennis, où nous
ne pouvons plus nager ou même marcher, où nous ne pouvons plus manger avec un
couteau et une fourchette, quand nous sommes enfermés dans une maison de
retraite, abandonnés à la fois par notre famille et par le personnel de notre
maison de retraite ?
Beaucoup de gens divorcent après la retraite. Ce moment qu’ils attendaient avec
impatience pour se reposer et profiter de la vie devient subitement un enfer à
cause du conjoint, des enfants ou autre. Si l’on n’est pas préparé pour ça, à
quoi nous sert notre cervelle ?
Oui, j'imagine qu’un peu d'Histoire, un peu de philosophie, un peu de
spiritualité, un peu de tourisme « gratuit » (juste un petit tour à pied ou à
vélo autour de notre lieu de vie), un peu de méditation) - tout cela peut
s'avérer juste inestimable. Nous savons tous que beaucoup de gens ont une bonne
assurance et pourtant sont malheureux. Beaucoup de gens qui ont les meilleures
pensions de retraite sont également tout sauf heureux. Il y a certainement
d'autres choses dans la vie qui sont tout aussi importantes.
9
Qui nous sommes
Avec le temps
cela devient tellement évident que beaucoup d’entre nous n’y pensent même pas.
Mais réfléchissons-y un peu. Est-ce juste un processus normal que chaque peuple
doit se distinguer des autres peuples par sa propre langue, sa propre culture,
etc. ? Un peuple change-t-il sciemment et délibérément sa langue et sa culture
pour paraître différent des autres peuples ? Ou cela fait-il partie de la
nature humaine - une sorte de développement naturel et historique qui se
produit spontanément au fil du temps ?
Comment se produit ce changement/cette transformation, historiquement parlant ?
L’Histoire dit que certains peuples sont venus en Europe d'Asie centrale.
D'autres se sont déplacés vers le sud pour rejoindre les populations qui par la
suite sont devenues les peuples de l'Inde, de l'Iran, du Pakistan, de
l'Afghanistan d'aujourd'hui… C'est ce qu'on appelle communément la migration «
vers un monde meilleur ». Ce phénomène migratoire, et je ne vous apprends rien
de tout ça, a toujours été causé par la famine, la guerre, l'expansion
militaire… Nous, les Arabes et, avant nous, les Berbères, sommes venus dans
cette partie de l'Afrique du Nord, plus ou moins pour les mêmes raisons, de la
péninsule arabique. Les États-Unis d'Amérique, le Canada, l'Australie, la
Nouvelle-Zélande et l'es pays d’Amérique latine et centrale sont tous des
exemples évidents de la façon dont la migration fait des peuples ce qu'ils
sont. Les Américains et les Australiens, par exemple, ne parlent pas avec le
même accent et ont des constitutions différentes, etc., bien qu'ils soient
originaires des mêmes endroits. Beaucoup de peuples ont les mêmes origines et
pourtant vous entendrez parler de culture américaine, de culture australienne,
de culture brésilienne…. Y-a-t-il un problème à cela ? Un Américain ne
devrait-il pas se vanter que sa culture est bien plus importante que la culture
marocaine, par exemple ? Comment un Marocain peut-il convaincre un Américain
que, non, c'est la culture marocaine qui est la meilleure ? Avant même de se
mettre d'accord sur ce que signifie la culture, il va sans dire que beaucoup
plus de jeunes marocains aimeraient vivre aux États-Unis que les Américains
n'adoreraient vivre au Maroc ? Les statistiques parlent d'elles-mêmes. Il y a
des dizaines de milliers de Marocains qui sont devenus citoyens américains
naturalisés et des milliers d'autres immigrés marocains aux États-Unis. Le
nombre total d'immigrants légaux au Maroc est d'environ 100 000 et le nombre
d'immigrants illégaux est d'environ 40 000 - sur une population de 34 000 000,
dont plus de 4 000 000 vivent à l'étranger. Comment expliquer cela ? Pourquoi
les Marocains vont-ils en Amérique ? Est-ce qu'ils vont plutôt pour le pain et
le miel ou pour la culture américaine ?
Beaucoup de Marocains qui sont allés en Amérique, ou y vivent, parlent de
démocratie américaine, du sens américain de l'organisation, du sens américain
de l'initiative et de l'entreprise, du sens américain de la prise de risque…
Dans ma ville natale de Mohammedia, il y a un grand MacDo et plusieurs
pizzerias. J'ai eu parmi mes professeurs des Américains qui parlaient
couramment l'arabe marocain. Si beaucoup de Marocains aux USA y sont allés pour
l'argent, pourquoi les Américains (quel que soit leur nombre) viennent au Maroc
? Oui, certains d'entre eux viennent pour travailler (dans les écoles
américaines, dans plus de 150 entreprises américaines présentes dans mon pays,
etc.), mais viennent-ils tous pour l'argent ? Je ne sais pas.
Au Sénégal, par exemple, il y a pas moins de 4 000 Marocains, dont certains
sont installés là-bas depuis 1870. Je ne vais pas parler ici de leurs problèmes
ou soucis. Je me demande seulement : pourquoi sont-ils allés là-bas et pas en
Amérique ou en Europe, par exemple ? Des milliers de Libanais et d'autres
migrants arabes se sont bien entendu rendus aux Amériques, mais des milliers
d'entre eux vivent également dans diverses parties de l'Afrique subsaharienne.
Au lendemain de la crise du golfe de 1990-1991, j'ai été de ceux qui se sont
étonnés du nombre important de migrants américains et européens en Irak, par
exemple. Pendant des décennies, aux yeux de beaucoup d'entre nous, les États
arabes du Golfe étaient synonymes de richesse et d'opportunités d'emploi plus
que toute autre chose. Maintenant, j'entends des intellectuels marocains et
arabes respectables parler avec beaucoup de respect des « politiques
visionnaires » de, disons, des dirigeants qataris et émiratis entre autres.
D'où viennent de telles visions ? L'argent peut-elle à elle seule expliquer
tout ? La culture n'a-t-elle pas quelque chose à voir là-dedans ?
Les questions sur la culture nous ramènent à des questions sur nous-mêmes, en
tant qu'êtres humains. Qu'est-ce qui me fait écrire en anglais et en français
et qu'est-ce qui fait que certains anglais et français apprennent l'arabe ?
Pourquoi ne devrais-je pas écrire en arabe ? Si j'écris dans une langue
étrangère, serais-je nécessairement influencé par la culture de la langue dans
laquelle j'écris ?
Et cette culture-là est-elle si importante pour moi en tant que personne ? Eh
bien, j'ai besoin de ma façon de penser quand j'ai un problème. J'ai besoin du
sentiment d'appartenance quelque part, à quelque chose, même quand je n'ai pas
de problème. Si je ne me sens pas appartenir à là où je suis, c'est un gros
problème. C'est alors que j'aurai besoin de ma façon de penser pour m'aider à
surmonter ce problème. En d'autres termes, mon identité est plus une nécessité
psychologique que sociale. Ces aspects identitaires font tous partie de ma
culture, ou plutôt de ma culture collective que je partage avec des millions de
personnes dans mon pays. Mais il y a une partie plus spécifique de ma culture
(ma culture individuelle) que je partage avec beaucoup moins de gens dans mon
pays et avec beaucoup plus ailleurs.
Personnellement, je mange avec les mains et je ne serais jamais à l'aise avec
un couteau et une fourchette. (D'ailleurs, on dit que c'est meilleur pour la
santé !) Si je veux être moderne (quoique je ne sache ce que cela veut dire au
juste), dois-je nécessairement manger d'une certaine manière ou m'habiller
selon la mode ou parler de telle ou telle manière ? Eh bien, je crois, pour ma
part, que même si je considère que ma voie est la meilleure, les autres sont
libres d'avoir leur propre voie dans un cadre juridique général accepté par
tous pour le bien d'une société apaisée. Je devrais donc pouvoir manger ce que
je veux comme je veux quand je suis seul ou avec des gens comme moi. Je porte
ce que je veux comme je veux sans provoquer ni blesser personne. Je parle comme
je peux sans singer personne ni prétendre ce que je ne suis pas. C'est cela ma
culture. Mon mode de vie est une représentation « ostentatoire » de ma culture.
Si j'aimais un morceau de musique américaine, cela ferait partie de ma culture.
Si j'aimais une radio ou un magazine français, cela ferait partie de ma
culture. Je suis marocain et j'aime beaucoup de choses marocaines. Mais j'aime
aussi beaucoup de choses qui ne le sont pas. J'aime le sens du devoir des
Américains. J'aime l'amour des Allemands pour la lecture. J'aime la littérature
française du XIXe siècle, etc. Et je suis absolument à l'aise avec ce que
j'aime.
Si je peux m'offrir ce que j'aime, c'est super. Sinon, pas de problème. Je n'ai
pas besoin d'avoir une voiture ou même un ordinateur portable pour être une
personne moderne. Je peux très bien travailler dans des cybercafés et voyager
en taxi ou en bus. Aucun problème. Si d'autres personnes pensent que je ne suis
pas une personne moderne, quoi que cela signifie, ou que j'ai échoué socialement
ou professionnellement, ce n'est pas un énorme problème pour moi. Ce qui est
important pour moi, c'est que je travaille dur pour obtenir ce que je veux. Ce
qui est important pour moi, c'est que je sois un homme d'aujourd'hui. J'ai
besoin de savoir et de comprendre ce qui se passe dans le monde. J'ai besoin de
comprendre l'Histoire pour voir ce qui était possible dans le passé qui ne
l'est plus aujourd'hui et ce qui peut encore changer dans le futur pour le
meilleur ou pour le pire. J'ai besoin de comprendre les façons de penser des
autres. J'ai besoin d'en apprendre davantage sur les traditions et les modes de
vie des autres. Si je sais comment les autres pensent et se comportent,
j'améliorerai ma propre façon de penser.
Maintenant, devrais-je aller dans un pays étranger spécifique uniquement pour
voir à quoi ressemblent ses habitants ? Pourquoi pas ? Pourtant, je peux le
faire sans quitter ma ville natale. Ce qui est plus important pour moi, c'est
de savoir comment ces gens sont devenus ce qu'ils sont, comment ils pensent,
comment ils résolvent leurs problèmes, quels sont leurs rêves et leurs
aspirations... Je peux savoir ceci à l'école, en lisant, à travers les médias.
Quand j'en sais beaucoup là-dessus, je repousse un peu plus loin les limites de
ma culture. Les auteurs français deviendraient donc mes auteurs, mes
professeurs, et aussi les auteurs américains, les journalistes égyptiens, les
poètes arabes… Ma culture deviendrait ainsi aussi vaste que mes connaissances.
C'est ce que j'entendais par « culture spécifique » ou « culture individuelle
». Je ne ferais pas alors de différence entre culture et civilisation. Mais je
ferai quand même une différence entre ma culture en tant que culture
arabo-berbère et la culture occidentale, par exemple. Elles ne sont pas les
mêmes. Et c'est très normal. Je ne vais pas commencer à comparer ce qui est le
mieux. Ma culture est bonne tant qu'elle me convient, tant que je me sens à
l'aise avec. Je ne m'attendrais pas à ce que quelqu'un s'habille comme je le
fais, ou mange comme je le fais (même s'il était musulman comme moi) … Je
m'attendrais seulement à ce qu'il me comprenne – même pas à ce qu'il m'accepte
tel que je suis. Nous sommes tous des êtres humains : nous avons plus ou moins
les mêmes problèmes et différentes manières de traiter ces problèmes. Quand
j'écris, j'expose ma façon de penser, ma façon de résoudre mes problèmes –
basée sur ma propre culture (individuelle), qui n'est ni pire ni meilleure que
la culture de qui que ce soit.
Que se passerait-il si j’étais invité à un dîner spécial où je devais respecter
une certaine étiquette ? Franchement, je serais très gêné et peut-être
ridiculisé. Mais une fois sorti, j’oublierais tout ça et je redeviendrais
moi-même. D’ailleurs, j’en ai déjà fait l’expérience et je n’hésiterais pas à
la refaire
10
Sécurité spirituelle
Si vous
aimez votre pays, le quitteriez-vous ? Si vous aimez votre culture,
l'abandonneriez-vous ? Nous savons tous que des milliers de migrants venant de
zones de guerre, par exemple, paient des milliers de dollars pour des voyages
en bateau ou autre moyen vers des pays plus sûrs. Mais des milliers d'autres
migrants paient également des milliers de dollars aux passeurs alors qu'ils
viennent de pays relativement sûrs.
Dans certains endroits, les gens ne se sentent pas en sécurité parce qu'ils
craignent les inondations. Dans d'autres endroits, les gens ne se sentent pas
en sécurité parce qu'ils craignent la sécheresse. Pourtant, la sécurité
est-elle toujours physique ? Il y a des personnes mariées qui ne se sentent pas
en sécurité pour leur mariage, des personnes employées qui ne se sentent pas en
sécurité par rapport à leur travail, des personnes en bonne santé qui ne se
sentent pas en sécurité sans assurance maladie appropriée, des personnes qui ne
se sentent pas en sécurité à cause de leur couleur , « race » ou religion ; des
gens qui ne se sentent pas en sécurité parce qu'ils sont constamment
stéréotypés, stigmatisés, parce que les autres les jugent toujours par leur
look, par leur caste, par leurs vacances...
Vous avez probablement vu à la télévision des images de Chinois voyageant dans
des trains bondés à la veille des grandes vacances chinoises. Des personnes qui
ont quitté leurs villages et hameaux pour travailler dans des villes lointaines
se languissent de leurs familles, à qui elles apportent de l'argent et des
cadeaux. Qui a besoin de l'autre ? Le travailleur migrant ou sa famille restée
au village ? Qui a besoin de sécurité ? La solitude n'est-elle pas une forme de
manque de sécurité ? Le sentiment de sécurité ne vaut-il pas de l'argent et des
cadeaux ?
Mon frère cadet m'a invité un jour à partager l'Aïd al-Adha (La Fête du
Sacrifice) avec lui dans la ville d'Essaouira. J'y suis allé la veille. Je suis
arrivé à la gare routière de Casablanca en fin d'après-midi. Mais j'ai dû
attendre plusieurs heures que le car d'Essaouira quitte la gare. Et je ne me
suis pas du tout lassée d'attendre. J'ai été en quelque sorte ravi de voir à
quel point les gens ont eu du mal à réserver leurs voyages vers presque toutes
les destinations du pays. J'ai vu plusieurs personnes porter des moutons sur
leurs épaules, d'autres hisser les moutons sur les toits d'autocars... Et quand
notre car a quitté Casablanca, dans la soirée, un groupe de passagers se sont
mis à chanter, certains en arabe, d'autres en berbère... Ils ont chanté et
applaudi joyeusement. Ils auraient même dansé s'il y avait eu assez d'espace.
L'autocar roulait sur quatre roues (en caoutchouc), la nuit, mais tout le monde
se sentait tellement en sécurité que beaucoup ont succombé au sommeil. Tout le
monde a fait confiance au chauffeur du car. Des petites choses qui ne
mériteraient même d'être dites. Mais, d'une certaine manière, nous sommes tous
ce petit enfant qui court dans les bras de sa mère pour se sentir en sécurité.
Pour certains, c'est une quête de sécurité, pour d'autres une quête du bonheur.
Pourquoi les Romains sont-ils venus dans mon pays, le Maroc ? A cette époque,
il n'y avait pas d'Arabes, pas d'Islam, dans ce pays. Mais ce n'était pas un no
man's land. Volubilis, par exemple, la ville romaine la plus connue au Maroc, a
été fondée au IIIe siècle avant JC. C'était alors la capitale de la Maurétanie,
un territoire amazigh (berbère). Aussi les Phéniciens avaient établi leurs
colonies sur nos côtes vers le 12ème siècle avant JC. Les Portugais, eux, ont
construit leur première colonie sur notre côte atlantique au début du 16ème
siècle. Ensuite, les Espagnols et les Français se sont partagé notre pays au
début du 20ème siècle, mais de nombreuses autres nations européennes voulaient
aussi ce privilège pour elles-mêmes. Pourquoi ? Eh bien, ils ont tous vu des
opportunités dans ce pays ; ils y voyaient tous le moyen d'atteindre une sorte
de bonheur et de prospérité pour une partie de leurs populations respectives.
Nous allons tous là où nous voyons la possibilité du bonheur.
Certaines personnes sont préoccupées par un autre type de sécurité et de
bonheur. J'ai écouté quelques émissions de radio non-musulmanes en anglais. Une
question fréquemment posée est : « Si je fais ceci ou cela, serais-je sauvé ? »
Est-ce que tout le monde pose de telles questions ?
Quand je m'allonge sur l'herbe dans un beau parc, dans un bois ou dans la
verdure, je pourrais prendre ceci pour acquis. Je n'y penserais peut-être même
pas. Quand je m'assois au soleil et que je sens la douce brise, je pourrais
tenir cela pour acquis. Quand je bois un verre d'eau par une chaude journée
d’été, je pourrais aussi le prendre pour acquis. Quand je mords dans une pomme,
je tiendrais aussi cela pour acquis.
Je me demande si vous avez vu un petit enfant ou un adolescent dessiner quelque
chose sur un vieux cahier qu'il ne montrerait à personne. Le cahier est plein
de dessins de chevaux ou d'animaux domestiques ou de personnages de films ou
d'autres personnages imaginaires ou réels - pourquoi ? Vous qui ne savez
peut-être pas dessiner, vous diriez WOW ! Vous êtes étonné de la créativité de
l'enfant. Mais pour lui, c'est tout à fait normal, c'est naturel. A supposer
qu'il veuille montrer son « travail », qui serait intéressé ? Ne
connaissez-vous pas des peintres/écrivains… qui n'ont été reconnus comme tels
qu'après leur mort ou très tard dans leur vie ? Ne connaissez-vous pas des
artistes qui sont morts pauvres alors que leur travail rapportait beaucoup
d'argent à d'autres ? Un tel artiste a-t-il forcément quelqu'un en tête (un
public) lorsqu'il crée quelque chose ?
L'autre jour, je me promenais dans le bois quand tout à coup mes yeux sont
tombés sur une belle fleur sauvage. Alors que je regardais cette fleur en
particulier, j'ai remarqué d'autres fleurs juste à côté - peut-être beaucoup
moins belles, mais chacune avec une couleur différente, chacune avec une forme
différente. Je sortais une fois d'une école où je donnais des cours du soir
lorsqu'une élève de 17 ans m'a fait un signe de la main et m'a dit d'une voix
remplie d'admiration : « Professeur, regardez là-bas ! » Elle montra d'une main
presque tremblante une voiture garée en face de l'école. J'ai vu la voiture :
elle était juste merveilleuse. J'ai donc compris pourquoi la fille la regardait
avec révérence. Eh bien, moi aussi je me promenais ce jour-là dans ce bois,
marchant lentement, allant de sentier en sentier, regardant avec tant
d'émerveillement toutes ces fleurs sauvages, examinant, comme un botaniste
passionné, la forme, la couleur, les particularités de chaque fleur. Quand on
est dans un tel endroit, à regarder avec le cœur plutôt qu'avec les yeux, on ne
peut s'empêcher de se demander : Mais pourquoi Dieu a-t-il fait pousser cette
fleur ici, à cet endroit particulier, où personne ne la verrait ou ne s'en
soucierait ? Combien de personnes viendraient passer une demi-heure à
contempler des fleurs et à regarder leurs couleurs et leurs formes ? Eh bien,
le nombre est-il vraiment si important ? Allah dit dans le Coran : « Et la
plupart des gens ne sont pas croyants malgré ton désir ardent. » (12.103) « Et
la plupart d'entre eux ne croient en Dieu, qu'en lui donnant des associés. »
(12.106) « Combien y a-t-il de présages dans les cieux et sur la terre auprès
desquels ils passent le visage détourné ! » (12.105) « Nul n'y prête attention,
sauf celui qui se tourne (vers lui) repentant. » (40.13)
Imaginez que nous n'étions pas là. Imaginez qu'il n'y avait que des chiens, des
cochons et des ânes errants là où nous étudions, travaillons, jouons, vivons
maintenant. Imaginez que la télé, le Smartphone, la voiture, la chaise, le lit,
le verre, la marmite, le vélo, le couteau, le livre, le jardin, la route
goudronnée, le quartier, les gens n'existaient pas. De même pour la nation, le
pays, et tout. Imaginez que les yeux, les oreilles, la bouche, le nez, les mains,
les pieds, le cerveau, le cœur et tout le reste n'existaient pas. Bref, toutes
les choses que nous tenons pour acquises. Imaginez qu'il n'y avait que des
chiens, des cochons et des ânes dans ce monde magnifique Les gens en quête de
sens, en quête de sécurité spirituelle, pensent à ça à un moment ou à un autre.
Maintenant, en quoi la sécurité spirituelle serait-elle si essentielle ? Au
moins, les rois, les dignitaires et les riches qui vivaient il y a 3 000 ans
avaient plus de richesse et de confort que de nombreux diplômés universitaires
intelligents du 21e siècle. Nous, les gens du 21e siècle, avons des avions
rapides, des navires gigantesques, des systèmes de communication et de
transport de conte de fées. L'intelligence artificielle se développe chaque
jour. La 5G n'est plus une curiosité. Notre présent est certainement sans
aucune mesure avec l'avenir. Mais les Babyloniens, qui vivaient il y a 4000
ans, n'étaient pas moins intelligents que nous, vu les moyens dont ils
disposaient. Les mathématiques d'aujourd'hui doivent beaucoup aux gens qui ont
vécu il y a des milliers d'années. Et puis vous avez les Pyramides en Egypte,
Petra en Jordanie ; vous avez Pythagore, Aristote, Avicenne, Galilée et ainsi
de suite. Et pourtant, même aujourd'hui, nous nous posons encore des questions
que les gens se posaient il y a 6 000 ans.
Certains oiseaux ont de très belles plumes, de très belles couleurs, de très
beaux gazouillements, que d'autres n'ont pas. Pourquoi ? Certaines personnes
ont toutes les bonnes et belles choses que d'autres n'ont pas. Pourquoi ?
Une fois on commence le questionnement, eh bien, on ne s’arrête plus ! Où
dois-je me situer entre la quête de sens et la quête du plaisir ? Dois-je être
content, satisfait ou heureux ? Le bonheur est-il légitime ? Le plaisir est-il
légitime ? Puis-je être heureux seul, indépendamment des autres ? Puis-je être
heureux au milieu de gens malheureux ? Puis-je être heureux en l'absence d'un
certain minimum de choses mondaines ? Puis-je être heureux en souffrant d'une
perte ou d'un manque ? Puis-je être heureux quand et où je veux sans attendre
l'intervention divine tout le temps ?
En posant de telles questions, je pourrais donner l'impression de « juger »
quelqu'un, de juger Dieu, en l’occurrence, comme s'il était un « candidat à la
présidentielle ». Et pourtant, le Coran, par exemple, me donne, en tant que
personne curieuse, la possibilité de demander, de penser - tant que je le fais
de bonne foi. Mais le Coran a aussi des questions pour moi. Le Coran m'invite à
réfléchir. Allah a dit au Prophète (psl) : « Et tu ne leur demandes aucun
salaire pour cela. Ce n'est là qu'un rappel adressé à l'univers. » (12.104) «
Ton devoir n'est que la transmission (du message). À nous le compte. » (13.40)
Le Coran est maintenant disponible en ligne gratuitement. Qui va le lire ?
Combien de personnes le lisent en ligne ou sur papier ? Allah seul le sait. «
Le Tout Miséricordieux a fait connaître le Coran. » (55.1-2) Pour un croyant,
cela ne vient pas de n'importe qui, de n'importe quel créateur de contenu ;
cela vient du Seigneur des mondes. « Ce n'est pas une plaisanterie. » (86.14) «
Non, mais c'est plutôt un glorieux Coran. » (85.21) Allah dit : « Si Nous
avions fait descendre ce Coran sur une montagne, tu l'aurais vu s'humilier et se
fendre, déchiré par la crainte d'Allah. Et ces paraboles Nous les citons aux
gens afin qu'ils réfléchissent. » (59.21) « En vérité c'est Nous qui avons fait
descendre le Coran, et c'est Nous qui en sommes gardien. » (15.9) « En effet,
Nous avons rendu le Coran facile pour la médiation. Y a-t- il quelqu'un pour
réfléchir ? » (54.7) Le Coran est maintenant là, et alors chacun est libre de
lire ou de ne pas lire. Noé (psl) a dit à son peuple : « Ô mon peuple !
Pensez-vous, si je m'appuie sur une preuve claire de mon Seigneur et qu'il
m'est venu une miséricorde de sa part, et qu'elle vous soit obscurcie,
devrons-nous vous l'imposer alors que vous la répugnez ? » (11.28)
Ce qui est certain, cependant, c'est que des millions et des millions de
personnes ont lu le Coran au cours des 1400 dernières années dans diverses
parties du monde, dans un certain nombre de langues différentes.
Alors pourquoi certaines personnes s'intéressent-elles et d'autres nullement au
Coran ? Ne parlons pas de ceux qui n'en ont jamais entendu parler. Allah ne les
tiendra pas pour responsables de ne pas l'avoir lu. « Allah n'impose à aucune
âme une charge au-delà de sa portée. » (2.286) Mais qu'en est-il de ceux qui
ont la possibilité intellectuelle de lire le Coran ? C'est à ces gens-là qu'Allah
dit : « Ô gens ! Maintenant, une preuve évidente de votre Seigneur vous est
parvenue, et Nous vous avons fait descendre une claire lumière. » (4.174) «
Nous leurs avons, certes, apporté un Livre que Nous avons détaillé, en toute
connaissance, à titre de guide et de miséricorde pour les gens qui croient. »
(7.52) « Or, si Nous avions voulu, Nous aurions certes envoyé dans chaque cité
un avertisseur. » (25.51) « Ne leur suffit-il donc point que Nous ayons fait
descendre le Livre et qu'il leur est récité ? Il y a assurément là une
miséricorde et un rappel pour des gens qui croient. » (29.51)
On pourrait naturellement remettre en question la véracité du Coran en tant que
Parole de Dieu. Mais seul un ignorant jetterait des doutes sur le fait que les
gens qui croient au Coran en tant que tel ont mis en œuvre ses enseignements
sous la forme d'une civilisation indéniable, la civilisation islamique, à
laquelle ont contribué diverses nations au cours de plusieurs siècles. Les
grands empires islamiques ont été construits sur la base des enseignements
coraniques. En d'autres termes, le Coran n'est pas que des mots. C'est une
source de pouvoir et d'inspiration. S'il y a un problème, ce n'est pas avec le
Coran ; cela doit être avec la façon dont les gens le traitent. C'est un fait,
par exemple, que de nombreux musulmans ont vendu leur âme à des envahisseurs
non musulmans, y compris les Mongols et les Croisés, en échange d'or et de
pouvoir.
Maintenant, comment doit-on traiter le Coran ? Allah dit : « Ne méditent-ils
pas alors sur le Coran ? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ? » (47.24) «
Nous avons, dans ce Coran, cité pour les gens des exemples de toutes sortes
afin qu'ils se souviennent. » (39.27) « Ne méditent-ils donc pas sur le Coran ?
S'il provenait d'un autre qu'Allah, ils y auraient trouvé certes maintes
contradictions ! » (4.82) « Le faux ne l'atteint [d'aucune part], ni par devant
ni par derrière : c'est une révélation émanant du Sage, Digne de louange. »
(41.42)
Le Coran ne prend pas le lecteur pour un idiot. Le Coran respecte mon
intelligence en tant que lecteur, que je sois croyant ou non. Tout ce que j'ai
à faire est d'être à la fois intelligent et honnête, ce qui veut dire que je
dois d’abord lire et réfléchir avant de disputer. Allah dit : « Et assurément,
Nous avons montré pour l'humanité, dans ce Coran, toutes sortes d'exemples.
L'homme cependant, est de tous les êtres le plus grand disputeur. » (18.54) « …
la plupart des gens s'obstinent à être mécréants. » (17.89) « En quelle
déclaration, après cela, croiront-ils ? » (77.50) « Voici un avertissement,
afin que quiconque le désire puisse choisir un chemin vers son Seigneur. »
(76.29)
Ceci est une affaire sérieuse. Croire signifie un engagement. Comment puis-je
faire des sacrifices pour quelque chose dont je ne suis pas sûr ? Je dois avoir
le yaqine (la foi qui est sûre). C’est dans ce sens qu’Allah dit dans le Coran
: « Ceci [le Coran] constitue pour les hommes une source de clarté, un guide et
une miséricorde pour les gens qui croient avec certitude. » (45.20) « Il
détaille les révélations, afin que vous soyez certains de la rencontre de votre
Seigneur. » (13.2) Le Coran parle de « science certaine » (102.5), de « l'oeil
de certitude » (102.7) et de « pleine certitude » (56. 95). C'est seulement
quand j'ai ce yaqine que je peux moralement prétendre à récolter le fruit de ma
croyance. C'est pourquoi les prophètes ont été soumis à épreuve après épreuve
jusqu'à ce qu'ils acquièrent un yaqine absolu (foi inébranlable). Allah dit : «
Et Nous avons désigné parmi eux des dirigeants qui guidaient (les gens) par
Notre commandement aussi longtemps qu'ils enduraient et croyaient fermement en
Nos révélations. » (32.24) Si vous n'êtes pas sûr vous-même, comment
pouvez-vous guider les autres ?
Que les scientifiques musulmans des premiers siècles de l'Islam aient inventé
des choses par eux-mêmes ou simplement copié les Grecs et d'autres nations, ils
étaient en tout état de cause conscients des limites de la science des hommes.
Ils ont fait de leur mieux ; ils ont contribué autant qu'ils ont pu au
développement de la science tout en restant humbles dans leur relation avec
Allah. Ils avaient la ferme conviction que leur science était une provision
d'Allah et pas seulement le fruit objectif de leur cerveau et de leur sueur.
S'ils vivaient aujourd'hui, ils ne seraient guère bluffés par quelque chose
comme Metaverse ou une station spatiale habitée sur Mars ou même la meilleure
application de traduction instantanée. Les gens qui croient au Coran croient
qu'il y avait au moins deux peuples qui ont atteint les plus hauts niveaux en
science et à la fin leur science ne leur a servi à rien quand Allah a voulu les
anéantir. Aad et Thamoud sont peut-être trop éloignés de notre époque, mais qui
nierait l'histoire des Pharaons ou l'existence même des anciens Egyptiens, par
exemple ? Même les scientifiques d'aujourd'hui n'ont pas encore réussi à percer
le mystère des tunnels de Saqqarah en Égypte.
Maintenant que j'en suis convaincu, en quoi le Coran peut-il m'être utile ?
Allah dit : « Certes, ce Coran guide vers ce qui est le plus droit, et annonce
aux croyants qui font de bonnes œuvres que la leur sera une grande récompense.
» (17.9) « Voilà une déclaration pour l'humanité, un guide, et une exhortation
pour les pieux. » (3.38) « C'est un guide et une miséricorde pour les croyants.
» (27.77) « Et Nous révélons du Coran ce qui est une guérison et une
miséricorde pour les croyants. » (17. 82)
Donc, si je ne suis pas croyant, je ne peux pas espérer obtenir "une
guérison et une miséricorde" de la part d'Allah. Mais est-ce que cela me
suffirait comme récompense si je crois ? En d'autres termes, n'aurais-je pas
vraiment besoin d'une guérison et d'une miséricorde ne serait-ce qu’en temps de
crise ? Quelqu'un d'autre qu'Allah peut-il m'accorder une guérison et une
miséricorde à une époque où personne ne se sent vraiment en sécurité ?
Mais comment puis-je croire ? Que dois-je croire ? La première chose que je
devrais croire est que le Coran est la Parole d'Allah. Ensuite, je crois
qu'Allah est Dieu. Ensuite, je crois aux promesses et aux avertissements
d'Allah.
Le Coran dit que c'est Allah qui a créé le monde. Il se peut qu’une personne
scientifique puisse demander des preuves matérielles que c'est bien réellement
Allah qui a créé le monde. C’est dans cet esprit qu’Allah parle dans le Coran
de la terre, du ciel, des montagnes, de la mer, de la pluie, des vents, etc.
Mais pourquoi une personne non scientifique devrait-elle croire à tout cela ?
Allah a créé le monde, et c'est tout. Non, nous ne sommes pas faits comme cela.
Nous sommes oublieux. Lorsque nous allons au marché pour acheter des fruits et
légumes, nous pensons aux prix, pas à Allah qui les a créés. Nous regardons à
l'intérieur de notre réfrigérateur avec notre estomac, pas avec notre cœur et
notre âme. Lorsque nous ouvrons notre armoire, nous ne pensons pas à (Allah qui
a créé) la laine, le coton, la soie, etc. Nous ne pensons pas à notre vue et à
notre ouïe jusqu'à ce que nos yeux et nos oreilles nous fassent mal. Nous ne
pensons pas à notre cœur jusqu'à ce que nous soyons malades. Nous devons donc
être rappelés encore et encore. Nous devons nous rappeler sans cesse qu'Allah a
quelque chose à voir avec notre vie et notre mort. Les feux de forêt ont besoin
d'eau pour être éteints. Seul Allah peut nous aider avec les précipitations -
même si certains feux de forêt sont déclenchés par des humains. La sécheresse,
qui peut aussi être causée par les activités humaines, tue les humains, les
animaux et les récoltes. Seul Allah peut donner ou retenir la pluie. Allah est
présent dans tous les aspects de notre vie individuelle et collective. Notre
gagne-pain dépend d'Allah. Nous devons donc écouter ce qu'Allah a à nous dire
sur notre monde et sur nous-mêmes. Et tout cela est dans le Coran.
En fin de compte, c'est une question de choix personnel. Allah dit : « La
vérité émane de votre Seigneur. Alors, quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque
le veut, qu'il ne croie pas. » (18.29) « Ceci est un rappel. Que celui qui veut
prenne donc le chemin vers son Seigneur ! Cependant, vous ne saurez vouloir, à
moins que Dieu veuille. » (76.29-31) « S'est-il écoulé pour l'homme un laps de
temps durant lequel il n'était même pas une chose mentionable ? En effet, Nous
avons créé l'homme à partir d'une goutte de sperme mélangé [aux composantes
diverses] pour le mettre à l'épreuve. Nous l'avons fait entendant et voyant.
Nous lui avons montré le chemin, qu'il soit reconnaissant ou ingrat. » (76.1-3)
« Dis : Croyez-y ou n'y croyez pas. Ceux à qui la connaissance a été donnée
avant cela, lorsqu'on le leur récite, tombent, prosternés, le menton contre la
terre, et disent : "Gloire à notre Seigneur ! La promesse de notre
Seigneur est assurément accomplie". Et ils se prosternent face contre
terre en pleurant, et cela augmente leur humilité. Dis : Invoquez Allah ou
invoquez le Tout Miséricordieux. Quel que soit le nom par lequel vous
l'appelez, il a les plus beaux noms. (17.107-111)
Si je dois choisir, je choisis quoi au juste ? Eh bien, je dois choisir entre
la voie d'Allah qui consiste à dire qu'il y a deux vies, en fait : celle-ci sur
terre et une autre après la mort. Je dois trancher, car seuls celles et ceux
qui croient et suivent la voie d'Allah seront admis au paradis, les autres
iront en enfer. Il n'y a pas d'autre possibilité.
Pour qu'il y ait un paradis, logiquement, il devrait y avoir une vie après la
mort. Dans le Coran on lit : « Ou (pensez à) à celui qui, passant par une
commune qui était tombée en ruine totale, s'écria : Comment Allah donnera-t-il
vie à cette commune après sa mort ? Et Allah le fit mourir cent ans, puis le
ramena à la vie en disant : Combien de temps as-tu demeuré ainsi ? (L'homme)
dit : je suis resté un jour ou une partie de jour. (Il) dit : Non, mais tu es
resté cent ans. Regarde ta nourriture et ta boisson qui n'ont pas pourri !
Regarde ton âne ! Et pour faire de toi un signe pour l'humanité, regarde ces
ossements, comment Nous les assemblons et les revêtons de chair ! Et devant
l'évidence, il dit : Je sais maintenant qu'Allah est capable de faire toutes
choses. Et quand Abraham dit : Seigneur ! Montre-moi comment Tu ressuscites les
morts, Allah dit : Ne crois-tu pas encore ? "Si ! dit Abraham ; mais que
mon coeur soit rassuré. (Son Seigneur) dit : Prends donc quatre oiseaux et
fais-les pencher vers toi, puis place une partie d'eux sur chaque colline, puis
appelle-les, ils viendront à toi en toute hâte, Et sache que Dieu est Puissant
et Sage. » (2. 259-260)
Un bon croyant croirait à ceci Mais un non-croyant ne se contenterait pas de
telles paroles. Il demanderait quelque chose de concret. Il voudrait voir pour
croire. C’est ainsi que le Prophète (psl) a tenu à nous éclairer tous, croyants
et non-croyants, là-dessus, en disant clairement : « Tout le corps humain
périra sauf le dernier os du coccyx (partie terminale de la moelle épinière),
et à partir de cet os, Allah reconstruira tout le corps. Alors Allah enverra de
l'eau du ciel et les gens pousseront comme des légumes verts ».
Nous devons donc être rappelés afin de calmer nos nerfs dans des moments
difficiles comme ceux-ci. Dans le Coran, nous lisons : « Ceux qui ne croient
pas disent : Si seulement un présage était envoyé sur lui de la part de son
Seigneur ! Dis : En vérité, Allah égare qui Il veut et Il guide vers Lui celui
qui se repent, ceux qui ont cru, et dont les coeurs se tranquillisent à
l'évocation d'Allah. En vérité, c'est dans l'évocation d'Allah que les cœurs
trouvent le repos ! » (13.27-28)
11
Divinité et humanité
Que
pensons-nous savoir d'Allah ? Pas autant qu'Il en sait sur nous, en tout cas.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Allah est au-delà de toute comparaison.
Il ne change point : la même puissance que jamais, la même connaissance
infinie, la même vigilance, la même disponibilité, la même divinité. Allah est
Dieu. L'homme est l'homme. Allah est un. L'homme est nombreux. L'homme ne peut
même pas être maître de la planète terre. Et quand il oublie ce fait, et se
comporte comme s’il était Dieu, Allah n’hésiterait pas à le lui rappeler par
toutes sortes de malheur et de souffrances. Et pourtant Allah demeure «
Miséricordieux, Aimant. » (11.90) « N'est-ce pas Lui qui répond à l'angoissé
quand il L'invoque, et qui enlève le mal ? » (27.62) « Et si Allah s'en prit
aux gens pour ce qu'ils acquièrent, Il ne laisserait à la surface [de la terre]
aucun être vivant. Mais Il leur donne un délai jusqu'à un terme fixé. Puis
quand leur terme viendra... (Il se saisira d'eux) car Allah est Très
Clairvoyant sur Ses créatures. » (35.45) « Allah est plein de pitié,
Miséricordieux envers l'humanité. » (2.143) C’est ça la règle. Allah pense même
à nos sentiments, indépendamment de nos croyances religieuses. Dans le Coran,
nous lisons : « Ô vous qui croyez ! Qu'un groupe ne se raille pas d'un autre
groupe : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu'eux. Et que des femmes ne se
raillent pas d'autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu'elles. Ne
vous dénigrez pas ni insultez-vous les uns les autres par des surnoms. Mauvais
est le nom de l'obscénité après la foi. Et quiconque ne se repent pas...
Ceux-là sont les injustes. » (49.11)
Il est donc normal qu'Allah n'aime pas que nous Lui soyons indifférents. Quoi
que nous fassions, notre croyance en Allah restera limitée, tout comme notre
gratitude envers Lui. Nous ne pourrons jamais remercier nos parents de leur
bienveillance, qu'en est-il d'Allah ? Mais si nous ne faisons pas de notre
mieux pour remercier Allah, qui devons-nous remercier ?
Allah est grand et veut que l'Homme soit grand lui aussi : en ayant plus de
vertus que de vices, en ayant de grandes valeurs, en étant à la hauteur de ses
valeurs, en se purifiant. Allah a dit au Prophète Mohammed (psl) : « Et tu es
certes d'une nature formidable. » (68.4) La gratitude est une grande valeur,
n’est-ce pas ? La prosternation devant Allah, par exemple, est un honneur pour
l'homme, pas une dépréciation ou une humiliation. La prosternation est la
glorification d'Allah et la sublimation de la conduite et de l'âme des fidèles.
Quand je crois en Allah, je ne fais, en fait, qu’apporter mon témoignage quant
à un fait existant. Je reconnais cela en tant qu’un fait objectif - que
j'existe ou non, que je croie ou non. Avant Galilée (1564 - 1642), la plupart
des gens croyaient que la terre était plate. Avant Hubble (1889 - 1953), la
plupart des scientifiques croyaient qu'il n'y avait qu'une seule galaxie dans
le monde. Ce qui devrait être étonnant pour nous, c'est que ce petit cerveau
qu'Allah a créé dans nos (petites) têtes en sait déjà tant sur le monde. Ce que
nous ne pouvons pas savoir, par contre, eh bien, nous devons le croire. Nous
devons admettre que « Et de la connaissance, vous n'avez été que peu doués ».
(17.85) Et pourtant, Allah ne veut pas que nous croyions aveuglément en Lui.
Comme nous l'avons vu dans les versets ci-dessus, Allah nous appelle à
réfléchir, à méditer, à contempler le monde qui nous entoure.
Même quand on est paresseux ou n'avons pas le temps ou les moyens, nous n'avons
pas forcément besoin de voyager dans des endroits lointains pour méditer. Juste
dans le marché le plus proche, nous trouvons d'innombrables variétés de fruits
locaux et importés de toutes les couleurs, formes et goûts. Mais nous tenons
souvent cela pour acquis. Un bon croyant de notre temps peut ne pas être
capable de plonger dans la mer et de voir par lui-même la vie incroyable des
poissons et des plantes marines. Il ne pourra peut-être pas explorer la forêt
amazonienne et d'autres jungles ou marcher et faire de la randonnée dans les
hautes montagnes ou les glaciers et voir comment les gens, les animaux et les
plantes y vivent. Il n'est peut-être pas un neurologue, un cardiologue ou un botaniste,
mais lorsqu'il est devant son écran de télévision et autres et qu'il regarde
des films documentaires ou lit des livres, il ne peut tout simplement pas
s'empêcher de chanter subhanallah (Gloire à Allah) avec son cœur et sa
langue. De son petit coin sûr à la maison, il peut méditer sur le vaste espace
au-dessus et sur ces faibles créatures vivant dans la nature sauvage parmi les
prédateurs et sur ces personnes isolées vivant, dans des conditions
météorologiques extrêmes, dans des territoires lointains à l’écart du monde, ou
encore sur les cellules de son propre corps… Les leçons apprises de ces
méditations ne peuvent que remonter le moral de « quiconque a un coeur, ou
prête l'oreille avec une pleine intelligence. » (50.37) Un croyant qui médite
ainsi sur la puissance et la connaissance infinies d'Allah ne peut que devenir
de plus en plus fort. Et quand les circonstances sont plus fortes que lui
(drame personnel, guerre, chômage aigu, maladie, inflation soudaine …), et que
le diable et les démons l’entourent de tous côtés, eh bien, cette précieuse
connaissance d’Allah le sauve, ne serait-ce que pour dépasser une crise le
temps de recouvrer sa force mentale. Et c'est ce que l'on entend par « une
guérison et une miséricorde ». Allah dit : « Et Nous révélons du Coran ce qui
est une guérison et une miséricorde pour les croyants. » (17.82) Allah « guide
vers Lui ceux qui se repentent, ceux qui ont cru et dont les coeurs se
tranquillisent à l'évocation d'Allah. En vérité, c'est dans l'évocation d'Allah
que les cœurs trouvent le repos ! » (13.27-28)
Réfléchissez-y bien. Combien de fois vous êtes-vous senti fatigué, malade,
démoralisé ou déprimé ? Peut-être quelques ou plusieurs fois. Mais combien de
fois avez-vous déjà réussi à empêcher que vos jours et vos nuits ne soient
rongés comme l'épargne d'un chômeur par le Temps qui passe et nous dépasse ?
Jamais. Nous sommes faibles. Nous sommes mortels. Allah est Dieu. Allah n'est
pas comme nous. Cela semble évident, pour un croyant du moins, mais nous avons
souvent tendance à l'oublier lorsque nous sommes aisés.
Supposons que je me lève au milieu de la nuit et que je pense à l'ensemble du
tableau, pas seulement à mes soucis quotidiens et à ma routine, que
ressentirais-je ? Eh bien, première chose, même si j'adore Allah pendant les
veilles de la nuit, Il est toujours occupé par le reste du monde – tout le
temps. « Ni somnolence ni sommeil ne Le saisissent. » (2.255) Pour Allah, la
JOURNÉE n’est qu’une – ni soleil ni lune. Même si je faisais ce genre d'effort
que beaucoup d'autres ne voudraient pas faire, qu'est-ce que cela ajouterait à
Allah ? Tout est symbolique, et Allah aime ça. "Il est indulgent,
reconnaissant." (35.30) C'est juste un signe d'amour. C’est Allah « le
Pardonneur, l'Aimant. » (85.14) Même la meilleure expression de gratitude ne
peut vraiment rendre grâce à Allah pour la moindre de Ses faveurs. Je dois tout
à Allah, ma vie plus. Si je suis beau, c'est Allah qui m'a donné ma beauté. Si
je suis fort, c'est Lui qui m'a donné ma force. Si je suis intelligent, c'est
Lui qui m'a donné mon intelligence. Si je suis riche, c'est Lui qui m'a pourvu.
Si je deviens célèbre, c'est Allah qui me le rend. Si j'appartiens à un État
riche, démocratique et puissant, c'est aussi une faveur d'Allah. Quoi que je
sois, quel que soit l'état dans lequel je me trouve, c'est par la grâce
d'Allah. Quel que soit le bien que je fasse, c'est grâce à Lui, c'est par la
permission d'Allah. Dans le Coran, nous lisons : « Et tout ce que vous avez
comme bienfait provient d'Allah. » (16.53) Et cela inclut l'adoration d'Allah !
« ... et parmi eux il y en a qui devancent [tous les autres] par de bonnes
actions, par la permission d'Allah. Telle est la grande faveur ! » (35.32)
C'est à Allah que je dois la vie, c'est pourquoi je le loue, et devant Lui je
me prosterne. A Lui et de Lui je dis : Gloire à Allah, louange est à Allah. Il
n'y a de divinité digne d'adoration qu'Allah. Allah est Grand. Il n'y a de
force et de puissance que par la permission d'Allah, l'Exalté, le Puissant.
QUESTION : si tout en moi appartient à Allah, que me reste-t-il pour
m'enorgueillir ? Qu'est-ce que je fais dans ce monde ? Que vaux-je en tant
qu'être sur cette terre ? Eh bien, je suis enseignant. Je ne suis pas
propriétaire de l'école où je travaille. Mais je peux faire mon travail
correctement ; je peux profiter de ma vie d'enseignant ; je reçois mon salaire
et j'achète les choses dont j'ai besoin. Et je peux très bien m'en réjouir.
Beaucoup de gens ne sont pas propriétaires de leur habitation et pourtant cela
ne leur pose aucun problème. Voyez-vous ce que je veux dire ?
Est-ce que je « possède » ma vue et mon ouïe, par exemple ? Allah dit : « A qui
appartient l'ouïe et la vue, et qui fait sortir le vivant du mort et fait
sortir le mort du vivant ? » (10.31) « Dis : Voyez-vous ? Si Allah vous
enlevait l'ouïe et la vue et scellait vos cœurs, quelle divinité autre qu’Allah
vous les rendrait ? » (6.46)
Suis-je « propriétaire » de mon corps ? M’appartient-il vraiment ? Allah dit :
« Celui que nous amenons à la vieillesse, Nous le renversons dans la création
(le faisant revenir à la faiblesse après la force). Ne comprendront-ils donc
pas ? » (36.68) « Allah est Celui qui vous a créés faibles ; puis après la
faiblesse, Il vous donne la force ; puis après la force, Il vous réduit à la
faiblesse et à la vieillesse : Il crée ce qu'Il veut. Il est le Connaisseur, le
Puissant. » (30.54) « Et Allah vous crée, puis vous fait mourir, et parmi vous
est celui qui est ramené à l'étape la plus abjecte de la vie, de sorte qu'il ne
sait rien après (avoir eu) la connaissance. Allah est, certes, Connaisseur,
Puissant. » (16.70) « Allah reçoit les âmes au moment de leur mort et cette
(âme) qui ne meurt pas (encore) dans son sommeil. Il retient celles à qui Il a
décrété la mort, tandis qu'Il renvoie les autres jusqu'à un terme fixé. Il y a
certainement là des preuves pour les gens qui réfléchissent. » (39.42)
« Possédons-nous » « notre » eau ? Allah dit : « Que vous en semble ? Si votre
eau venait à être absorbée au plus profond de la terre, qui pourrait alors vous
apporter de l'eau jaillissante ? » (67.30)
Sommes-nous « les maîtres » de nos récoltes ? Et si Allah envoyait contre celles-ci
le déluge et les sauterelles et la vermine ou juste quelques mois de sécheresse
? Lisez, si vous voulez : « Et Nous avons alors envoyé contre eux le déluge,
les sauterelles, les poux, les grenouilles et le sang - une succession de
signes clairs. Mais ils s'enflèrent d'orgueil et demeurèrent un peuple
criminel. » (7.133)
« Dis : Avez-vous pensé, si Allah a fait pour vous la nuit éternelle jusqu'au
Jour de la Résurrection, quelle divinité à part Allah qui pourrait vous
apporter la lumière ? N'entendrez-vous pas alors ? Dis : Avez-vous pensé, si
Allah a fait pour vous le jour éternel jusqu'au Jour de la Résurrection, quelle
divinité autre qu'Allah qui pourrait vous apporter une nuit où vous vous
reposeriez ? N'observez-vous donc pas ? » (28.71-72) « Dis : Qui donc peut vous
servir quelque chose contre Allah, s'Il veut vous faire du mal ou s'Il veut
vous faire du bien ? Non, mais Allah est toujours Conscient de ce que vous
faites. » (48.11) « Quel est celui qui constituerait pour vous une armée [capable]
de vous secourir, en dehors du Tout Miséricordieux ? Les mécréants ne sont que
dans l'illusion. » (67.20)
« Et souvenez-vous de la faveur d'Allah envers vous. » (3.103) « Eh bien,
rappelez-vous les bienfaits de votre Seigneur, afin que vous réussissiez. »
(7.69)
Oui, pour beaucoup de gens, Allah n'a rien à voir avec notre vie ni notre
succès. Mais celles et ceux qui croient en Allah et en l'au-delà veulent savoir
comment ils peuvent exprimer au mieux leur gratitude envers Lui.
Eh bien, si je ne peux pas rendre grâce à Allah pour ses innombrables faveurs,
je pourrais quand même faire de mon mieux. Le coran est plein d’exemples de ce
que je pourrais faire comme adoration. Dans le même temps, je pourrais
compléter ceci par rendre service aux gens - à l'humanité. Allah nous dit : «
Ne savent-ils pas que Allah est Celui qui accepte le repentir de Ses créatures
et prend l'aumône ? » (9.104) Allah prend l'aumône, non pas pour Lui-même, mais
pour Ses créatures - croyants et non-croyants. « Allah est Plein de Pitié,
Miséricordieux envers l'humanité. » (2.143) « Allah donne des bénédictions sans
réserve à qui Il veut. » (24.38), c'est-à-dire aux croyants comme aux
non-croyants. « Chacun d’eux Nous fournissons, ceux-ci et ceux-là, de la
générosité de ton Seigneur. Et la générosité de ton Seigneur ne peut jamais
être murée. » (17.20) Et pourtant Allah me donne, en tant que croyant, la
chance (et l'honneur) de faire le bien, de faire la charité, si je le peux, à
Ses créatures, par amour pour Lui, en signe de gratitude envers Lui, et je ne
dis pas, comme les non-croyants, qui, « quand on leur dit : Dépensez de ce
qu'Allah vous a pourvu, ceux qui ne croient pas disent à ceux qui croient :
Nourrirons-nous quelqu'un qu’Allah aurait nourri s'Il avait voulu ? Vous n'êtes
que dans un égarement évident. » (36.47)
De plus, il se pourrait que je fasse des études supérieures très poussées et
accumuler une expérience intéressante, puis obtenir un emploi bien rémunéré et
en être fier. Si je perds cet emploi en période de ralentissement économique,
que pourrais-je faire alors ? J'ai peut-être un grave problème social ou de
santé qui m'empêche de terminer mes études et d'obtenir l'emploi de mes rêves :
quelle serait donc la solution ? Certes, la foi ne va pas m’apporter une
solution concrète à un problème concret, du moins pas tout de suite, sauf dans
le cas de « l'angoissé » quand il invoque Le Seigneur (verset (27.62)). Ce
n’est pas parce que je suis « un saint » que je vais marcher sur l’eau ou
passer par un trou de sourie. Mais le fait que je crois que mes moyens de
subsistance (rizq) et mon âge ('omr) et tout ce qui me concerne
sont entre les mains d'Allah, de Dieu, le Seigneur des mondes, cela me procure
une certaine sérénité. Quand quelqu'un refuse de m'embaucher ou me licencie, je
sais que ce n'est qu'une épreuve pour moi, et que cette personne ou cette
entreprise ne peut pas m'empêcher d'obtenir ce que je veux ailleurs, si et
quand Allah le veut. Nous avons tous besoin d'une sorte de protection. Les
syndicats ont été créés à cet effet. Les soins de santé et toutes sortes
d'aides sociales ont été conçus à cette fin. Or il se trouve que le plan de
sauvetage le plus généreux, l'aide de l'État la plus aimable, est limité dans
le temps. Mais quand on a du mal avec des loyers à payer, avec de la nourriture
à acheter à ses enfants..., c'est normal, c'est tout à fait humain, de demander
de l'aide aux humains. Nous avons tous besoin de protection. Mais quel est le
problème si Allah est mon, notre, votre Protecteur ? Au contraire, c'est notre
meilleure assurance ! Allah dit dans le Coran : « Vous n'adorez que des idoles,
en dehors d'Allah, et vous forgez un mensonge. Ceux que vous adorez en dehors
d'Allah ne possèdent aucune provision pour vous. Cherchez donc votre provision
auprès d'Allah, et servez-Le, et rendez-Lui grâce, (car) à Lui vous serez
ramenés. » (29.17) « Dis (leur) : Si vous possédiez les trésors de la
miséricorde de mon Seigneur, vous les retiendriez sûrement par peur de
dépenser, car l'homme est très avare ! » (17.100) « Ou ont-ils même une part
dans la Souveraineté ? Alors dans ce cas, ils ne donneraient aux gens même pas
le creux d'un noyau de datte. » (4.53) Donc tout ce qui m'arrive, de bon ou de
mauvais, est censé être une sorte d'éducation, une bonne éducation, un gentil
rappel pour moi. Je devrais donc penser aux autres autant qu'à moi-même. Si
j’arrive à juguler ma cupidité, mon avarice et mon égoïsme, cela ne me fera que
du bien. Allah dit : « Et quiconque se prémunit contre sa propre avarice, tels
sont ceux qui réussissent. » (59.9)
Avez-vous déjà vu un nid ? Y avez-vous pensé ? Si un homme et une femme
prennent soin de leur progéniture, ils peuvent espérer en bénéficier dans leur
vieillesse. Mais lorsqu'un couple d'hirondelles se donne beaucoup de mal pour
faire un nid, puis se donne la peine de nourrir et de protéger leurs petits,
ceux-ci vont grandir, devenir matures et s'envoler. Qui peut vraiment remercier
ses parents de toute leur gentillesse ? Ceci n'est qu'une miséricorde d'Allah.
Dans le Hadith on apprend que : « Allah a réparti la miséricorde en cent
parties. Il en conserva quatre-vingt-dix-neuf auprès de Lui et en fit descendre
une seule sur terre. C'est grâce à cette partie que les créatures font preuve
de miséricorde les unes envers les autres, au point que la bête soulève sa
patte de peur d'écraser son petit. »
Je pourrais me dire cela lorsque je suis en mesure de donner ; et quand c’est
moi qui ai besoin d'aide ? Eh bien, quand vous voyez un troupeau d'hirondelles,
pouvez-vous les différencier, pouvez-vous dire qui est qui ? Allah dit : «
Nulle bête marchent sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne soit
comme vous en communauté. Nous n'avons rien négligé dans le Livre (de Nos
décrets). Puis, c'est vers leur Seigneur qu'ils seront ramenés. » (6.38) Nous
ne pouvons probablement pas le dire, à moins que nous n’utilisions des caméras
spéciales, mais ces hirondelles se connaissent, d'une manière ou d'une autre,
et chacune connaît son Dieu. « N'as-tu pas vu qu'Allah est glorifié par tous
ceux qui sont dans les cieux et sur la terre ; ainsi que par les oiseaux
déployant leurs ailes ? Chacun, certes, a appris sa façon de L'adorer et de Le
glorifier. Dieu sait parfaitement ce qu'ils font. » (24.41) De même, quand je
me lève au milieu de la nuit et que je vais dans la cuisine pour prendre un
verre d'eau, qui s'en rend compte ? Si je rends culte à Allah au milieu de la
nuit, qui le sait ? Personne d'autre qu'Allah, qui dit : « Votre Seigneur est
le plus conscient de ce qui est dans vos pensées. Si vous êtes bons, alors Il a
toujours pardonné à ceux qui se tournent (vers Lui). » (17.25) « Ceux qui
évitent les énormités du péché et des abominations, sauf les offenses
involontaires - (pour eux) ton Seigneur est d'une grande miséricorde. C'est Lui
qui vous connaît le mieux quand Il vous a produits de terre, et aussi quand
vous étiez des embryons dans les ventres de vos mères. Ne vantez pas vous-mêmes
votre pureté ; c'est Lui qui connaît mieux ceux qui [Le] craignent. » (53.32) «
Et toi (Mohammad) n'es occupé d'aucune affaire et tu ne récites pas un passage
du Coran, et vous (l'humanité) n'accomplissez aucun acte, sans que Nous soyons
témoin au moment où vous y êtes engagé. Et pas le poids d'un atome sur la terre
ou dans le ciel n'échappe à ton Seigneur, ni ce qui est plus petit ou plus
grand que cela, mais c'est (écrit) dans un Livre clair. » (10.61) « Demandez
pardon à votre Seigneur et tournez-vous vers lui repentant. Il vous assurera
une vie heureuse ici-bas jusqu’au terme fixé, et Il accordera Sa grâce à tout
homme de mérite. » (11.3) Oui, dirait-on, ça se comprend, mais, quand même,
cela ne répond pas à la question ! Et quand j'ai besoin d'aide, je fais quoi ?
Eh bien, quand je fais quelque chose de bien, j'établis une connexion directe
avec mon Seigneur, avec Allah le Tout-Puissant. Je fais part de mon intérêt à
la parole d’Allah et Il se soucie de mes moindres souffrances - même quand, à
cause de mes malheurs apparemment sans fin, j'ai le sentiment qu'Allah m'a
complètement oublié. La vérité est que personne ne sait quand le salut viendra
ni à quoi il ressemblera. Même les prophètes ne peuvent pas savoir. Allah dit :
« Quand les messagers faillirent perdre espoir (et que leurs adeptes) eurent
pensé qu'ils étaient dupés voilà que vint à eux Notre secours. Et furent sauvés
ceux que Nous voulûmes. Et Notre colère ne peut être épargnée par les
coupables. » (12.10) « Et (mentionne) Dhu'n-Nun (Jonas), lorsqu'il s'en alla en
colère, Il pensa que Nous N'allions pas l'éprouver. Puis il fit, dans les
ténèbres, l'appel que voici : Il n'y a pas d'autre divinité que Toi. Pureté à
Toi. J'ai été un malfaiteur. Alors Nous l'exauçâmes et le sauvâmes de son
angoisse. C'est ainsi que nous sauvons les croyants. » (21.87-88) Allah a dit
cela à Son dernier Prophète ! Quid de nous qui souvent désespérons si vite. ?
L’épreuve n'est pas facile. Ce n'est pas facile de voir les gens vous mépriser
parce que vous êtes sans emploi, célibataire, malade ou autre. Ce n'est pas
facile de voir les gens vous abandonner à l'heure du besoin. Ce n'est pas
facile de vous voir fermer toutes les portes au nez. C'est douloureux de se
sentir seul, de se voir comme un oiseau sans ailes et sans queue. Mais
l'épreuve n'est pas la même pour tous. Comme dans le Hadith, un homme a dit : «
O Messager d'Allah ! Laquelle des personnes est la plus sévèrement éprouvée ?
Il dit : Les prophètes, puis ceux qui sont les plus proches d'eux, puis ceux
qui sont les plus proches d'eux. Un homme est éprouvé selon sa religion ; s'il
est ferme dans sa religion, alors ses épreuves sont plus sévères, et s'il est
faible dans sa religion, alors il est mis à l'épreuve selon la force de sa
religion. Le serviteur continuera à être mis à l'épreuve jusqu'à ce qu'il soit
laissé marcher sur la terre sans aucun péché. » Également dans le Hadith : « Le
croyant n'est pas touché par une épine ou par quelque chose de plus grave sans
qu'Allah ne l'élève d'un degré et ne lui enlève un péché » Ibn Mas'oud, un
compagnon du Prophète (psl), a rapporté : « J'ai rendu visite au Prophète (psl)
alors qu'il souffrait de fièvre. J'ai dit : ‘Vous semblez souffrir énormément,
ô Messager d'Allah.’ Le Prophète (psl) a répondu : ‘Oui, je souffre autant que
deux personnes.’ J'ai dit : ‘Est-ce parce que vous avez une double récompense
?’ Il a répondu qu'il en était ainsi et a ensuite dit : ‘Aucun musulman n'est
affligé par un mal, que ce soit la piqûre d'une épine ou quelque chose de plus
(douloureux que cela), mais Allah fait ainsi tomber ses péchés tout comme un
arbre perd ses feuilles’. » Aïcha a déclaré que le Prophète (psl), (son mari),
a dit : « Si une épine pique un croyant ou qu'il est blessé plus que cela,
alors c'est une expiation pour ses péchés. » Quoi de plus clair que les Hadiths
ci-dessus ?
Allah n'éprouve personne sauf dans un but que Lui seul connaît. Le par
l'affliction signifie la perte et la souffrance. Dans le Hadith on apprend que
« Le croyant fort est meilleur et plus aimé d'Allah que le croyant faible, et
en chacun d'eux il y a du bien. » Mais est-ce que le malheur n'arrive qu'aux
croyants forts ? Qu'en est-il des gens ordinaires, croyants ou non-croyants,
qui sont durement frappés par les inondations, la sécheresse, les incendies, la
guerre, l'épidémie, le chômage, l’inflation… ? Allah dit : « Il lance la foudre
et frappe qui Il veut pendant qu'ils se disputent (dans le doute) au sujet
d'Allah, alors qu'il est redoutable en Sa force. » (13.13)
À l'heure actuelle, des millions d'âmes ont trouvé la mort à cause de la
Covid-19. Combien de personnes en ont tiré une leçon ? Combien de personnes ont
perdu non seulement un revenu ou un être cher, mais leur vie ? Dans le Coran,
nous lisons : « Si vous souffrez, eh bien ! ils souffrent comme vous souffrez
et vous espérez d'Allah ce qu'ils ne peuvent espérer. Allah est Omniscient,
Sage. » (4.104) « Les hommes s'imaginent-ils qu'ils seront laissés (à l'aise)
parce qu'ils disent : Nous croyons, et ne seront pas testés par l'affliction ?
Certes, Nous avons testé ceux qui ont vécu avant vous. Ainsi Allah connaît ceux
qui sont sincères, et connaît ceux qui feignent. » (29.2-3) « Si vous avez reçu
un coup, le peuple (incrédule) a reçu un coup semblable. Ainsi faisons-Nous
alterner les jours (bons et mauvais) parmi les gens, et ce afin qu'Allah
reconnaisse ceux qui croient et puisse choisir parmi vous des témoins, et Allah
n'aime pas les injustes. » (3.140) « Pourquoi Allah vous infligerait-il un
châtiment si vous êtes reconnaissants et croyants ? Allah a toujours été
Reconnaissant et Omniscient. » (4.147)
C'est cet espoir (d'obtenir l'amour et l'agrément d'Allah) qu'il faut chérir.
Allah rappelle aux fidèles que « ... La miséricorde de ton Seigneur vaut mieux,
que ce qu’ils amassent. » (43.32) « Cette vie d'ici-bas n'est qu'amusement et
jeu. La Demeure de l'au- delà est assurément la vraie vie. S'ils le savaient. »
(29.64) Cela est pour les croyants uniquement. Même si j'avais tout ce que je
voulais, mon bonheur ne serait ni devrait être total dans un monde où je ne
suis pas seul, où il y a des millions de sans-abris, d'orphelins, de mères
seules sans revenus...
De plus, l’épreuve a un prix. Lorsque vous réussissez une épreuve, vous gagnez -
à terme - à la fois la vie du monde et celle de l'au-delà. Si je ne me soucie
pas de l'au-delà, si je veux uniquement la réussite sociale, le bonheur, la
joie et le plaisir éternel ici et maintenant, pourquoi Allah devrait-il se
soucier de moi ?
Allah dit : « Dis : Qui a interdit l'ornement d'Allah qu'Il a produit pour Ses
serviteurs, et les bonnes choses de Sa provision ? Dis : Tel, au Jour de la
Résurrection, ne sera que pour ceux qui ont cru pendant la vie du monde. Ainsi
détaillons-nous Nos révélations pour les gens qui ont la connaissance. » (7.32)
« Alors Allah leur a donné la récompense du monde et la bonne récompense de
l'au-delà. Allah aime ceux dont les actions sont bonnes. » (3.148)
Allah dit encore : « Qu'ont-ils (à craindre) s'ils croient en Allah et au Jour
dernier et dépensent (correctement) de ce qu'Allah leur a accordé, alors
qu'Allah est toujours au courant d'eux (et de tout ce qu'ils font). Allah ne
fait de tort même pas au poids d'une fourmi ; et s'il y a une bonne action, Il
la doublera et donnera (à l'auteur) de Sa présence une immense récompense. »
(4.39-40) « C'est parce qu'ils ont choisi la vie du monde plutôt que l'au-delà,
et parce qu'Allah ne guide pas les gens mécréants. » (16.107)
Si nous sommes vexés à cause de nos conditions de vie matérielles, dans le
Coran on lit : « Que de jardins et de sources d'eau ils ont laissés derrière
eux, Et que de champs de maïs et de superbes résidences, Et que de choses
agréables où ils se sont délectés ! Il en fut ainsi, et Nous en avons fait un
héritage pour les autres. » (44.25-28) Ces personnes, qui vivaient il y a des
milliers d'années, avaient tous les signes du succès et de réussite. Ils
avaient tout le confort matériel qu'ils escomptaient. Quand ils sont décédés,
eh bien, ils ont tout laissé derrière eux. Allah dit : « Mangez de ce qu'Allah
vous a accordé comme nourriture licite et bonne, et observez votre devoir
envers Allah en qui vous croyez. » (5.88) « O vous qui croyez ! Observez votre
devoir envers Allah. Et que chaque âme regarde ce qu'elle envoie avant pour
demain. Et observez votre devoir envers Allah, car Allah est Informé de ce que
vous faites. » (59.18) « Cette vie d'ici-bas n'est qu'amusement et jeu. La
Demeure de l'au- delà est assurément la vraie vie. S'ils le savaient. » (29.64)
« Le jour où chaque âme se trouvera confrontée à tout ce qu'elle aura fait de
bien et tout ce qu'elle aura fait de mal ; elle souhaitera qu'il y ait entre
elle et ce mal une longue distance ! Allah vous met en garde à l'égard de
Lui-même. Et Allah est plein de pitié pour (Ses) serviteurs. » (3.30)
C'est de la prédication, oui. Mais le fait est que même ceux qui ne croient pas
en l'au-delà ne sont pas vraiment sûrs de ce qu'il va advenir d’eux après la
mort. Allah dit : « Si tu obéis à la plupart de ceux qui sont sur terre, ils
t'égareraient loin du chemin d'Allah. Ils ne suivent rien d'autre qu'une
opinion, et ils ne font que deviner. » (6.116) « La plupart d'entre eux ne suivent
que des conjectures. Assurément, les conjectures ne peuvent en aucun cas
prendre la place de la vérité. Allah est Conscient de ce qu'ils font. » (10.36)
Même si le marchand de glaces ne vous voit pas, vous ne pouvez pas simplement
prendre la glace et partir. Il vous donne ce que vous voulez, alors vous le
payez. Même si Allah ne nous avait rien demandé du tout, nous devrions
cependant Lui être reconnaissants pour tout ce qu'Il nous donne -d'autant plus
que « Ceux qui sont dans les cieux et la terre L'implorent. Chaque jour, Il
accomplit une oeuvre nouvelle. » (55.29) « Ne voyez-vous pas comment Allah vous
a rendu utile tout ce qui est dans les cieux et tout ce qui est sur la terre et
vous a comblés de Ses bienfaits apparents et cachés ? » (31.20)
Combien de personnes connaissent le fleuve Mississipi ? Combien de personnes
connaissent les affluents qui se jettent dans le Mississipi, l'Amazone ou le
Nil ? La plupart des gens soit ne savent pas soit ne s'en soucient guère. Mais
Allah sait et s'en soucie. « Pas une feuille ne tombe sans qu'Il le sache, pas
un grain au milieu des ténèbres de la terre, rien de frais ou de sec, qui ne
soit noté dans un dossier clair. » (6.59) Eh bien, dites cela aux experts qui
disent qu'ils craignent que le stockage de données ne devienne de plus en plus
difficile en raison de l'expansion mondiale d'Internet.
Beaucoup peuvent imaginer le passé et l'avenir, mais l'imagination ne vaut pas
la vérité. Allah dit par exemple : « Assurément, les conjectures ne peuvent en
aucun cas remplacer la vérité. » (10.36) Allah non seulement « imagine », Il
sait. En écrivant un roman, par exemple, il se peut qu’un romancier oublie un
détail. Il peut oublier qu'un personnage avait un cheval, un chapeau ou qu’il
avait reçu un coup de fil. Mais Allah n'oublie rien. « ... et ton Seigneur
n'oublie jamais. » (19.64) « Mon Seigneur ne s'égare ni n'oublie. » (20.52) «
Et pas le poids d'un atome sur la terre ou dans le ciel n'échappe à ton
Seigneur, ni ce qui est inférieur ou supérieur, mais c'est (écrit) dans un
Livre clair. » (10.61)
Les humains ne connaîtront peut-être jamais le gars qui a déclenché cet
incendie de forêt dévastateur ou les gars cupides qui ont contribué à la
sécheresse dans un endroit à cause de la déforestation sauvage et de l'exploitation
forestière illégale. Allah les connaît tous. « Ne croyez pas qu'Allah ignore ce
que font les méchants. » (14.42) L'État peut ne pas connaître tous les citoyens
qui ont besoin d'une aide urgente. Allah les connaît tous. Il dit : « (L'aumône
est) pour les pauvres qui sont à l'étroit pour la cause d'Allah, qui ne peuvent
pas voyager dans le pays (pour le commerce). L'homme irréfléchi les considère
riches à cause de leur retenue. Ils ne mendient pas les hommes avec
importunité. Et tout ce que vous dépensez de bien, eh bien ! Allah le sait. »
(2.273) « Et que ta main ne soit pas enchaînée à ton cou, ni ne l'ouvre avec
une ouverture complète, de peur que tu ne t'assieds, réprimandé, dénudé. En
vérité ton Seigneur étend Ses dons largement à qui Il veut ou les accorde avec
parcimonie. Il a toujours été connaisseur, voyant de Ses créatures. »
(17.29-30)
Avant de demander pourquoi Allah ne vient pas au secours de ceux qui en ont un
besoin urgent (ce qui n’est pas toujours vrai), il faut plutôt se demander :
pourquoi Allah prend-il la peine de compter chaque feuille qui tombe, chaque
grain au milieu des ténèbres de la terre, chaque frais ou sec dans un endroit
où personne ne va, où la vie est impossible ? Nous pouvons comprendre pourquoi
Allah tient compte de nos moindres pensées et actions. Il dit : « … chaque âme
sera rétribuée selon ce qu'elle aura acquis. Ce jour-là, pas d'injustice, car
Allah est prompt dans [Ses] comptes. » (40.17) « Et Il pardonne beaucoup »
(42.30) Mais quel livre peut contenir toute cette quantité inimaginable
d'informations sur les personnes, les animaux, les plantes, les rivières, les
montagnes, les déserts, les glaciers, les nuages, les cultures, les moyens de
subsistance - pour ne parler que de notre terre... ? Quelle intelligence peut
traiter toutes ces données ? « Allah est prompt dans Ses comptes. » (14.51) «
Ne sais-tu pas qu'Allah connaît tout ce qui est dans le ciel et sur la terre ?
Tout ceci est dans un Livre, et cela est bien facile pour Allah. » (22.70)
Et pourquoi tout ça ? Une raison probable est que l’intérêt et l’attention
accordés à ces données font partie de la bonté d'Allah. Allah « a créé les
cieux et la terre et qui, du ciel, a fait descendre l'eau grâce à laquelle Il a
produit des fruits pour vous nourrir. Il a soumis à votre service les vaisseaux
qui, par Son ordre, voguent sur la mer. Et Il a soumis à votre service les
rivières. Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle
révolution. Et Il vous donne tout ce que vous Lui demandez, et si vous voulez
compter la bonté d'Allah, vous ne pouvez pas la compter. » (14.32-34)
Quand je pense à tout cela, je me dis : hé, si Allah se soucie tellement de
tant de choses, de tant de personnes, mon humble personne incluse, comment ne
puis-je pas me soucier de Lui ? Avec quel visage retournerai-je à Allah s'Il
n'est pas satisfait de moi ? Sera-t-Il content que je sois revenu vers Lui ?
Sera-t-Il heureux de me revoir ? Dans le Coran, je lis : « Ce sont ceux-là qui
mécroient aux révélations de leur Seigneur et à la rencontre avec Lui. C'est
pourquoi leurs œuvres sont vaines et, au Jour de la Résurrection, Nous ne leur
accordons aucun poids. » (18.105) « Allah ne leur parlera ni ne les regardera
le Jour de la Résurrection, et Il ne les fera pas grandir... » (3.77) Ne
devrais-je donc pas respecter Allah MAINTENANT afin qu'Il me respecte ALORS ?
Allah dit : « Ils ont oublié Allah, alors Il les a oubliés. » (9.67) « [Allah
lui] dira : "De même que Nos révélations te sont parvenues mais tu les as
oubliées, ainsi aujourd'hui tu es oublié. » (20.126) Si j'aime une chanson, par
exemple, je pourrais être tenté de la chanter à longueur de journée, mais qu'en
est-il d'Allah, qui dit : « Souvenez-vous donc de Moi, Je me souviendrai de
vous. Remerciez- Moi et ne soyez pas ingrats envers Moi. » (2.152) « Et ne
soyez pas comme ceux qui ont oublié Allah, c'est pourquoi Il leur a fait
oublier leurs âmes. » (59.19) « Et quand vous aurez achevé vos rites, alors
invoquez Allah comme vous invoquez vos pères, et plus ardemment encore. »
(2.200) « … qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allah et
méditent sur la création des cieux et de la terre (disant) : Notre Seigneur !
Tu n'as pas créé cela en vain. Gloire à Toi ! » (3.191)
Quand j'ai tout ce que je veux, je pourrais être complaisant dans ma relation
avec le Seigneur ; et quand tout sera fini, quand je ne pourrai plus jamais
revenir dans ce monde, je dirais probablement : « Oh, si seulement j’avais
préparé ma vie (éternelle) ! » (89.24) « Hélas pour moi ! Comme j'aurais aimé
n'être que poussière ! » (78.40) Et il me serait dit : « Tu étais dans
l'insouciance de cela. Eh bien, Nous ôtons ton voile ; ta vue est perçante
aujourd'hui. » (50.22) « Lis ton livre. Aujourd'hui, tu te suffis d'être ton
propre comptable. » (17.14) « Vous avez gaspillé vos biens dans la vie du monde
et y avez cherché du réconfort. Aujourd'hui, vous êtes récompensés par le
châtiment avilissant, pour l'orgueil dont vous vous enfliez injustement sur
terre, et pour votre perversité. » (46.20) « Ne vous ai-Je pas chargé, ô fils
d'Adam, de ne pas adorer le diable - Il est votre ennemi déclaré ! - Mais que
vous m'adoriez ? Voilà un chemin bien droit. Et il a très certainement égaré un
grand nombre d'entre vous. Ne raisonniez-vous donc pas ? » (36.60-62)
Lorsque nous sommes mis à l'épreuve par l'affliction, nous pensons tout de
suite à la délivrance. Mais l’épreuve est, paradoxalement, dans le meilleur
intérêt de l'homme. Cela a pour but d'ouvrir nos yeux à la vérité de notre
existence dans ce monde. C'est pourquoi Allah dit : « Et si Allah élargissait
la provision pour [tous] Ses serviteurs, ils se rebelleraient sûrement sur la
terre, mais Il fait descendre avec mesure ce qu'Il veut. » (42.27) En d'autres
termes, Allah veut nous sauver de nos convoitises et de nos illusions. Il dit :
« Est-ce que celui qui s'appuie sur une preuve claire venant de son Seigneur
est comparable à ceux pour qui le mal qu'ils font est embelli tandis qu'ils
suivent leurs propres convoitises ? » (47.14)
Beaucoup de choses ont changé dans le monde au fil du temps, mais beaucoup de
choses chez l'homme sont restées plus ou moins les mêmes. L'homme tue toujours
l'homme et c’est toujours l'homme qui sauve l'homme de la mort. Pensez à ce
verset : « Allah (lui-même) est témoin qu'il n'y a de Dieu que Lui. Et les
anges et les hommes de science (aussi sont témoins). Il est le Mainteneur de la
justice. Point de divinité à part Lui, le Puissant, le Sage ! » (3.18) Il y a
donc justice humaine (justice des hommes) et justice divine. Un aspect de cette
justice divine dans ce monde d’ici-bas est que nous voyons tous qu'Allah ne
pourvoit pas les croyants uniquement. Dans le Coran, nous lisons : « Et il n'y
a pas une bête sur terre mais sa subsistance dépend d'Allah, Il connaît sa
demeure et son dépositaire ; tout est dans un Livre explicite. » (11.6) (...
Cela concerne aussi bien les croyants que les non-croyants !) « Quiconque
désire [la vie] immédiate Nous nous hâtons de donner ce que Nous voulons à qui
Nous voulons. Puis, Nous lui assignons l'Enfer où il brûlera méprisé et
repoussé. Et ceux qui cherchent l'au-delà et fournissent les efforts qui y
mènent, tout en étant croyants... alors l'effort de ceux-là sera reconnu. Nous
accordons abondamment à tous, ceux-ci comme ceux- là, de la bonté de ton Seigneur.
Et la bonté de ton Seigneur ne peut jamais être murée. » (17.18-20) C'est ce
que signifie le mot « justice » (en arabe al-quist) dans le verset « Il
est le Mainteneur de la justice » (3.18) C’est la justice divine. En d’autres
termes, c’est un exemple pour l’Homme ; c'est ce qu'Allah voudrait que l'homme
fasse sur terre. Allah dit : « Allah aime les équitables » (49.9) « Nous avions
proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les
charges de faire le bien et d'éviter le mal). Ils ont hésité à la porter et en
ont eu peur, alors que l'homme s'en est chargé. » Dit autrement : « Nous avons
offert la confiance aux cieux, à la terre et aux collines, mais ils ont hésité
à la porter et en ont eu peur. Et l'homme l'a assumée. » (33.72) Quelle est
donc cette « confiance » (en arabe amana) ? C'est le fait « que les gens
établissent la justice » (57.25) Expliqué dans le Coran : « Et Il a établit la
balance, afin que vous ne transgressiez pas dans la pesée. » (55.7-8) « Et
donnez la pleine mesure quand vous mesurez ; et pesez avec une balance exacte.
C'est mieux [pour vous] et le résultat en sera meilleur. » (17.35) « Observez
[toujours] strictement la mesure, et ne faussez pas la pesée. » (55.9) « Donnez
la pleine mesure, et ne soyez pas de ceux qui donnent moins (que ce qui est
dû). Et pesez avec la vraie balance. N'abusez pas les gens dans leurs biens, et
ne commettez pas de désordre et de corruption sur terre. » (26.181-183) «
Malheur aux fraudeurs qui, lorsqu'ils font mesurer pour eux-mêmes exigent la
pleine mesure, et qui lorsqu'eux-mêmes mesurent ou pèsent pour les autres,
[leur] causent perte. Ceux-là ne pensent-ils pas qu'ils seront ressuscités, en
un jour terrible, le jour où (toute) l'humanité se tiendra devant le Seigneur des
mondes ? » (83.1-6) « O vous qui croyez ! (...) aidez-vous les uns les autres à
la justice et au devoir pieux. Ne vous aidez pas les uns les autres au péché et
à la transgression, mais gardez votre devoir envers Allah. » (5.2) « Ô vous qui
croyez ! Soyez fidèles à la justice, témoins d'Allah, même si cela est contre
vous-mêmes ou contre (vos) parents ou (votre) parenté, qu'il s'agisse d'un
homme riche ou d'un pauvre homme, car Allah a priorité sur eux deux (et Il est
plus connaisseur de leur intérêt que vous). Ne suivez donc pas la passion, afin
de ne pas dévier de la justice. Si vous portez un faux témoignage ou si vous le
refusez, alors Allah est toujours informé de ce que vous faites. » (4.135) « O
vous qui croyez ! Soyez des témoins inébranlables d'Allah dans l'équité, et ne
laissez pas la haine de qui que ce soit vous séduire par le fait que vous
n'agissez pas avec justice. Pratiquez l'équité : cela est plus proche de la
piété. Observez votre devoir envers Allah. Car Allah est certes Informé de ce que
vous faites. » (5.8) « ... Et si tu juges, alors juge entre eux en équité. Car
Allah aime ceux qui jugent équitablement. » (5.42) « Allah vous ordonne de
restituer les dépôts à leurs propriétaires, et, si vous jugez entre les hommes,
que vous jugez avec justice. » (4.58) « Et si deux groupes de croyants se
battent, alors faites la paix entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre
l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à
l'ordre d’Allah. Réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah
aime les équitables. » (49.9)
« O vous qui croyez ! Lorsque vous contractez une dette à terme fixe, notez-la
par écrit. et qu'un scribe l'écrive, entre vous, en toute justice; un scribe
n'a pas à refuser d'écrire selon ce qu’Allah lui a enseigné; qu'il écrive donc,
et que celui qui contracte la dette dicte, et qu'il observe son devoir envers
Allah son Seigneur, et n'en diminue rien. Si celui qui doit la dette est peu
intelligent, ou faible, ou incapable lui-même de dicter, alors que le gardien
de ses intérêts dicte en toute justice. Et appelez à témoin, parmi vos hommes,
deux témoins. Et si deux hommes ne sont pas (à portée de main) alors un homme
et deux femmes, de ceux que vous approuvez comme témoins, de sorte que si l'une
se trompe (par oubli), l'autre se souviendra. Et les témoins ne doivent pas
refuser lorsqu'ils sont convoqués Ne vous lassez pas d'écrire la dette, ainsi
que son terme, qu'elle soit petite ou grande : c'est plus équitable aux yeux
d'Allah et plus sûr pour le témoignage, et plus susceptible de dissiper le
doute entre vous ; sauf dans le cas où il s'agit de marchandises réelles que
vous transférez entre vous de main en main. Dans ce cas, ce n'est pas un péché
pour vous si vous ne l'écrivez pas. Et ayez des témoins lorsque vous faites une
transaction entre vous ; et qu'il ne soit fait aucun mal au scribe ou au
témoin. Si vous le faisiez, cela serait une perversité en vous. Observez votre
devoir envers Allah. Allah vous enseigne. Et Allah est connaisseur de toutes
choses. » (2.282)
« Prouvez les orphelins jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge nubile ; puis, si
vous les trouvez de bon jugement, livrez-leur leur fortune ; et ne la dévorez
pas en gaspillant et en hâte de peur qu'ils ne grandissent. Quiconque (des
gardiens) est riche, qu'il s'abstienne généreusement (de prendre les biens des
orphelins) ; et quiconque est pauvre, alors qu'il y puise une quantité
convenable, à titre de rémunération de tuteur.) Et quand vous livrez leur
fortune à des orphelins, prenez des témoins à leur encontre. Allah suffit comme
Juge. » (4.6) « Et donnez aux orphelins leurs biens ; n'y substituez pas le
mauvais au bon ni n'absorbez leur richesse dans votre propre richesse. Ce
serait un grand péché. » (4.2)
« Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le
convenable, et interdit l'indécence. Car ce seront eux qui réussiront. »
(3.104) « C'est beau ce qu'Allah vous exhorte. Allah est toujours Auditeur,
Voyant. » (4.58)
D'où l'importance de la loi et de l'ordre (d'ÉTAT). Le calife Othman Ibn Affan
(576/573 - 656) a dit : « Allah enlève avec le souverain ce qui n'est pas
atteint grâce au seul Coran » (C'est parce que certaines personnes obéissent
aux règles par crainte du souverain plutôt que du Coran.) L'ordre est d’une
importance capitale. Si les gens ne peuvent pas vivre en paix et en sérénité,
la plupart d’entre eux ne peuvent pas accomplir leurs deux missions principales
sur terre : la gratitude envers le Créateur et la solidarité entre les humains.
Et cela l’homme l'a toujours fait, aussi bien dans les systèmes tribaux qu’étatiques.
Allah dit : « Et si Allah n'avait pas repoussé certains hommes par d'autres, la
terre aurait été corrompue. Mais Allah est un Seigneur de bonté envers (Ses)
créatures. » (2.251) C’est ainsi que nous avons eu des lois ; nous avons un
pouvoir judiciaire (justice formelle) et nous avons, en principe au moins, une
justice sociale.
On peut se demander : si Allah est si « catégorique » sur la justice, pourquoi
rend-Il les gens si différents les uns des autres en termes de couleur, de
santé physique et de forme, de conditions de vie matérielles, etc., etc. ? Oui,
effectivement, c'est bien Allah qui est derrière ces différences. Il dit : «
Regarde comment Nous favorisons certains sur d’autres. Et dans l’au-delà, il y
a des rangs plus élevés et plus privilégiés. » (17.21) Les différences sont
bien là - si ce n’est pas ici et maintenant, dans la vie du monde d’ici-bas,
elles seront en tout cas là et visibles dans l'Au-delà. Alors toléreriez-vous
ces différences dans ce monde (qui ne sont d’ailleurs que temporaires) ou
celles de l'Au-delà (qui seront éternelles) ? Si vous y réfléchissez un peu
plus objectivement, vous vous demanderez si ces différences mondaines ne sont
pas en réalité la meilleure preuve, la preuve la plus claire, qu'il y a bel et
bien une vie après la mort et que toutes nos différences ici ne sont qu'une
épreuve pour chacun d'entre nous.
Plus concrètement, Allah ne m'a pas rendu pauvre ou faible pour que les autres
se délectent de ma misère et de mes souffrances, mais pour que vous, quand Allah
vous en donne les moyens, m'aidiez d'une manière digne en tant qu'être humain
ayant une âme humaine comme vous. Ce faisant, vous exprimez votre gratitude
envers Allah et, en même temps, votre solidarité envers l'humanité. Bien sûr,
Allah pourrait m'aider directement, Il aurait pu vous mettre à ma place, mais
qu'est-ce qui fait de vous un humain si vous ne m'aidez pas ? Qu'est-ce qui
fait de moi un humain si je ne vous aide pas ? Dirais-je alors : « Devons-nous
nourrir ceux qu'Allah, s'Il le voulait, nourrirait ? » (36.47)
Cependant, on n'est pas censé être « angélique ». Un individu a sa part de
responsabilité, l'État/la communauté a la sienne. Même si vous avez les moyens
d'aider tout le monde autour de vous, vous n'êtes pas censé donner tout votre
argent aux gens, ce n'est pas votre devoir ; et votre argent n'est pas
entièrement à vous. Le Prophète (pssl) a dit à quelqu'un qui voulait léguer
tous ses biens : « Un tiers (c'est bien), mais c'est encore trop, car vous
feriez mieux de laisser vos héritiers riches que de les laisser pauvres,
mendiant les autres. Tout ce que vous dépensez sera considéré comme une sadaqa
(une charité) pour vous, même la bouchée de nourriture que vous mettez dans la
bouche de votre femme. » Alors faites simplement ce que vous pouvez, manifestez
votre humanité. Allah dit : « Et que ta main ne soit pas enchaînée à ton cou,
et ne l'étend pas non plus trop largement, sinon tu te trouveras blâmé et
chagriné. Il a toujours été connaisseur, voyant de Ses serviteurs. » (17.29-30)
« Et ceux qui, quand ils dépensent, ne sont ni prodigues ni avares ; mais se
tiennent au juste milieu. » (25.67) Soyez juste un humain, traitant les
nécessiteux avec humanité.
La pandémie de la Covid a fait que des États européens riches ont demandé de
l'aide, et personne, moi d'abord, n'y voit une quelconque honte. « Ô hommes !
Vous êtes les pauvres dans votre relation avec Allah. Et Allah ! Il est
l'Absolu, Le Digne de louange. » (35.15)
La solidarité humaine, tant au niveau individuel que collectif, rend les humains
beaux ; il répand l'amour parmi les Hommes honnêtes. En Argentine, par exemple,
de nombreuses personnes ont échangé des biens ou des services pendant la crise
économique. La crise peut disparaître, mais les bons souvenirs restent avec soi
pour toute la vie. A Gruissan, village français, les pêcheurs ont établi une
sorte de tribunal pour partager équitablement les zones de pêche et ils
enregistrent tout ce qui concerne leurs activités de pêche dans des registres
spéciaux, certains vieux de plusieurs siècles. C'est incroyable, et tout est
humain. Au Maroc, aussi, on a eu un système un peu similaire pour le partage de
l’eau dans les anciennes médinas. Certaines personnes bienveillantes récupèrent
la nourriture inutilisée dans les restaurants et les hôtels, au lieu de la
laisser jeter, et l'utilisent pour nourrir les personnes dans le besoin.
D'autres font de gros efforts pour réduire la pollution plastique et autre des
océans et des rivières... Bref, je ne peux pas énumérer tout le bon travail
accompli par tant de personnes à travers le monde. Tout cela est humain et tout
cela est merveilleux ! Même en temps de guerre, vous avez des personnels de
santé qui risquent leur vie pour sauver les gens du danger. Vous avez aussi
beaucoup de gens qui donnent de l'argent ou quoi que ce soit pour s'occuper des
animaux. Comme je l'ai dit, Allah est grand et veut que l'homme soit grand
aussi. Tout au long de l'histoire islamique, de nombreux musulmans l'ont
parfaitement compris. Il y a toujours eu l'institution des Waqf, qui
collecte les dons des donateurs et les dépense, selon les souhaits de chaque
donateur, pour la scolarité, pour des projets de pont/route/puits d'eau, etc.
L'État lui-même est une forme de solidarité dans le sens où il perçoit des
impôts et ainsi de suite et les utilise pour les dépenses publiques sur les
questions d’intérêt général. Lorsqu'une ville est rasée par un tremblement de
terre ou une tornade, pauvres et riches sont touchés. Tous les riches n'ont pas
de jets privés. Beaucoup ont besoin de routes, de ponts et d'écoles pour leurs
enfants, et l'État est là pour les servir. Mais l'État ne peut pas tout faire.
Il se peut que les calamités soient un moyen de rappeler ce fait à l'homme.
Bien sûr, mon état peut me donner des bons d'alimentation, des allocations de
chômage ou toute sorte d'aide en compensation de la perte d'emploi, etc. Et si
je perdais la vie à cause de la Covid-19 ou d’un ouragan ou des crues-éclair,
etc. ? Allan peut me donner une autre vie après la mort. Aucun État ne peut
faire cela. Beaucoup de gens sont reconnaissants pour le simple fait qu'ils ont
survécu à une catastrophe. Dans le Coran nous lisons : « N'as-tu pas su
(l'histoire de) celui qui, parce qu’Allah l'avait fait roi, argumenta contre
Abraham au sujet de son Seigneur ? Abraham a dit : Mon Seigneur est Celui qui
donne la vie et cause la mort. L'autre dit : Moi aussi, je donne la vie et la
mort. Abraham dit : Allah fait lever le soleil à l'Est, fais-le donc lever à
l'Ouest. » (2.258) Nous lisons aussi ceci : « Est-ce eux qui répartissent la
miséricorde de ton Seigneur ? C'est Nous qui avons réparti entre eux leur
subsistance dans la vie présente et qui les avons élevés en grades les uns sur
les autres, afin que les uns prennent les autres à leur service. La miséricorde
de ton Seigneur vaut mieux, cependant, que ce qu'ils amassent. » (43.32) «
Cette vie d'ici-bas n'est qu'amusement et jeu. La Demeure de l'au- delà est
assurément la vraie vie. S'ils savaient ! » (29.64) « Tout ce que vous possédez
s'épuisera, tandis que ce qui est auprès d’Allah durera. Et Nous récompenserons
ceux qui ont été constants en fonction du meilleur de ce qu'ils faisaient. »
(16.96) « Ne sais-tu pas que c'est à Allah qu'appartient la souveraineté des
cieux et de la terre ; et qu'en dehors d'Allah vous n'avez ni protecteur ni
secoureur ? » (2.107) « Allah est capable de faire toutes choses. » (18.45) «
... et Il n'associe personne à Son commandement. » (18.26) « Telles sont les
similitudes que Nous citons pour l'humanité, mais nul n'en saisira le sens sauf
le sage. » (29.43)
Pourquoi lit-on des choses comme ceci ? La meilleure explication ne peut pas
convaincre tout le monde. L'esprit peut être fort, le cœur peut être fort, mais
le psychisme, lui, perd de sa force, brutalement ou progressivement, en l'absence
de soutien matériel ou moral ; ainsi la nafs ammara se révolte contre la
nafs lawama, et cela peut prendre un certain temps avant que l'âme soit
apaisée. Parfois, il en faut très peu pour que l'âme se calme si l'esprit est
déjà préparé. D'où l'importance de la lecture du Coran. Tôt ou tard, le Coran,
s'il est lu correctement, aide à apaiser les craintes du chômage, de la
maladie, de la perte... Dans le Coran, nous lisons : « ... et leur donnera en
échange la sécurité après leur peur. » (24.55) « Ton Seigneur étend Ses dons
largement à qui Il veut, et accorde avec parcimonie Il a toujours été
Connaisseur, Voyant de Ses créatures. » (17.30)
Alors sur qui
dois-je m'appuyer ? Soit dit en passant, pendant le règne du calife Omar (584 -
644) et de certains autres dirigeants musulmans, aussi bien les musulmans que
les non-musulmans avaient droit à l'aide de l'État. Ceci était basé sur de
véritables principes islamiques et ne dépendait nullement du bon vouloir des
dirigeants. C'est seulement une question de disponibilité des fonds publics.
C'est de l'argent public qu’il s’agit. C'est le devoir de l'État, quand il peut
se le permettre, d'aider les nécessiteux, pas une faveur de ceux qui sont au
pouvoir. Très peu de dirigeants donneraient de leur poche. Ce peut être un
geste injuste envers les générations futures que mon État emprunte
excessivement pour m'aider sans s'assurer qu'il peut rembourser dans un avenir
prévisible. Des statistiques récentes montrent que les niveaux d'endettement
public n'ont jamais été aussi élevés depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans de
nombreux États du monde, de nombreuses personnes ne peuvent même pas toucher
leur salaire mensuel ou leur pension de retraite à temps et de nombreuses
entreprises font faillite parce qu'elles sont submergées par les retards de
paiement de l'État. De même, si Allah exhorte les fidèles à s'entraider
dignement par la zakat et l'aumône, même en temps normal et lorsque les caisses
de l'État sont pleines, c'est parce que, philosophiquement parlant, la seule différence
entre les nantis et les démunis est qu'Allah pourvoit les nantis directement et
les démunis indirectement, par l'intermédiaire des nantis. Allah me donne mon
salaire par l'intermédiaire de mon patron. Donc, pour cette raison, je remercie
Allah, plutôt que mon patron ou qui que ce soit d'autre. Je remercie les
humains quand ils me font du bien pour le bien qu'ils me font « par la
permission d'Allah », mais, au fond de moi, je crois que tout vient d'Allah.
C’est dans cet esprit que je vote pour la personne qui a fait du bien à ma
communauté, car il est naturel d'aimer et d'encourager les gens qui font du
bien. Le problème se pose quand, à chaque fois que j'ai un problème, je me
tourne vers le gouvernement / l'État pour obtenir de l'aide. Je pourrais obtenir
l'aide que je veux, mais le risque est que mon Iman pourrait s'affaiblir avec
le temps du fait de cette dépendance de l’Etat. Et puis, tout état a des moyens
tout sauf illimités. Si chaque gouvernement qui vient commence à dépenser à
tour de bras, pour assurer la paix sociale ou pour toute autre raison, cela
pourrait mener à des catastrophes socio-économiques, voire politiques.
L'hyperinflation, le défaut de paiement… ça vient de ça. Et puis j'aurais
peut-être besoin de l'aide d'Allah, dans le cas d'une maladie, d’une perte,
etc. Après tout, la vie est un sentiment, ou un ressenti ; ce n'est pas qu'une
question d'argent. « Allah ! C'est lui qui donne la subsistance, le Seigneur de
la puissance inébranlable. » (51.58)
C'est pour ces raisons-là que l'Islam a été accepté, au moins au début, comme
mode de vie par les nations non arabes et est devenu la Foi de grands empires
sur une longue période de temps. Si nous, musulmans d'aujourd'hui, ne sommes
peut-être pas si grands, c'est très vraisemblablement parce que nous ne voulons
pas de l'islam comme mode de vie, mais seulement comme religion, comme rituels.
Le problème n'est donc pas avec l'Islam. Le problème, c'est nous les musulmans,
moi d'abord. Pensez à ce Hadith : « Nul d'entre vous ne croit (vraiment)
jusqu'à ce qu'il aime pour son frère" - ou il a dit "pour son
prochain" - "ce qu'il aime pour lui-même ». Dans le Coran, nous
lisons : « Si vous publiez votre aumône, c'est bien, mais si vous la cachez et
la donnez aux pauvres, ce sera mieux pour vous et expiera certains de vos
méfaits. Allah est Informé de ce que vous faites. » (2.271) « O vous qui croyez
! Ne rendez pas vain votre aumône par l'opprobre et l'injure, comme celui qui
ne dépense ses biens que pour être vu des hommes et qui ne croit pas en Allah
et au Jour dernier. Sa ressemblance est comme la ressemblance d’un rocher sur
lequel est de la poussière de terre ; une tempête de pluie le frappe, le
laissant lisse et nu. Ils n'ont aucun contrôle sur ce qu'ils ont acquis. Allah
ne guide pas les gens mécréants. » (2.264) « Une parole gentille avec pardon
vaut mieux qu'une aumône suivie d'une blessure. Allah est Absolu, Clément. »
(2.263) « Ne savent-ils pas qu'Allah est Celui qui accepte le repentir de Ses
serviteurs et reçoit l'aumône, et qu'Allah est Celui qui Persévère, le
Miséricordieux. » (9.104) Nous sommes tous pauvres, d’une manière ou d’une
autre. Vous êtes peut-être riche, mais vous regarderiez votre médecin d'un air
suppliant lorsque vous êtes malade. Aimeriez-vous alors qu'une personne nécessiteuse
vous regarde d'un air suppliant ? Si nous croyons au Coran, nous devrions
croire que l'argent est l'argent d'Allah. Encore une fois dans le Coran, nous
lisons : « ... et donnez-leur des biens d'Allah qu'Il vous a accordées. »
(24.33) « Et que ceux qui amassent ce qu'Allah leur a accordé de Sa générosité
ne pensent pas que c'est mieux pour eux. Au contraire, c'est pire pour eux. »
(3.180) « ... Si vous craignez la pauvreté (à cause de la perte de leur
marchandise) Allah vous préservera de Sa générosité s'Il le veut. Allah est
Savant, Sage. » (9.28) « Et tout ce que vous avez de confort, cela vient
d'Allah. Puis, quand le malheur vous atteint, c'est Lui que vous implorez a
haute voix. » (16.53) « C'est lui qui vous a placés vice-rois sur terre et a élevé
certains d'entre vous au-dessus des autres, afin de vous éprouver en ce qu'Il
vous a donné. Le Seigneur est prompt en punition, Il est aussi Pardonneur et
Miséricordieux. » (6.165) « Ton Seigneur agrandit la provision pour qui il
veut, et resserre (ce qu'il veut). Il a toujours été connaisseur, voyant de ses
créatures. » (17.30) « Et ne convoitez pas la chose dans laquelle Allah a fait
que certains d'entre vous surpassent les autres. Aux hommes une fortune de ce
qu'ils ont gagné, et aux femmes une fortune de ce qu'elles ont gagné. (Ne vous
enviez pas les uns les autres) mais demandez à Allah de Sa bonté. Allah est
toujours Connaisseur de toutes choses. » (4.32)
La plupart des gens ne semblent pas comprendre cela. Allah dit : « En vérité
Allah a entendu la parole de ceux qui ont dit : Allah est pauvre, et nous
sommes riches ! » (3.181) « Et lorsqu'il leur est dit : Dépensez de ce que
Allah vous a attribué, ceux qui ont mécru disent à ceux qui ont cru :
Allons-nous nourrir ceux qu'Allah, s'Il le voulait, nourrirait ? Vous n'êtes en
rien d'autre que l'erreur manifeste. » (36.47)
« En vérité,
les bien-aimés d'Allah sont à l'abri de toute crainte, et ils ne seront point
affligés. » (10.62) « La puissance appartient entièrement à Allah. Il est
l'Audient, l'Omniscient. » (10. 65) « Ils n'ont pas estimé Allah à sa juste
valeur. Allah est Fort, Tout-Puissant. » (22.74) « Et il n'est rien dont Nous
n'ayons les réserves et Nous ne le faisons descendre que dans une mesure
déterminée. » (15.21) « Et il n'y a pas une bête sur la terre dont la
subsistance n'incombe à Allah. Il connaît son habitation et son dépôt. Tout est
dans un registre clair. » (11.6) « Et combien y a-t-il d'animaux qui ne portent
pas leurs propres provisions ! Allah pourvoit à eux et à vous. Il est l'Audient,
l'Omniscient. » (29.60) « En Allah, que les croyants placent leur confiance. »
(58.10) « Et quiconque garde son devoir envers Allah, Allah lui assignera une
issue, Et lui pourvoira d'où il ne s'était jamais attendu. Et quiconque place
sa confiance en Allah, Il lui suffira. Allah fait accomplir Son commandement.
Allah a assigné une mesure pour toutes choses. » (65.2-3) « Et Allah était
prédominant dans Sa carrière, mais la plupart des hommes ne le savent pas. »
(12.21) « Et Allah est souverain en Son Commandement: mais la plupart des gens
ne savent pas. » (12.21) « Vos biens et vos enfants ne sont qu'une tentation,
alors qu'auprès d’Allah est une énorme récompense. » (64.14)
« Quiconque désire la récompense du monde, (qu'il sache que) auprès d'Allah est
la récompense du monde et de l'au-delà. Allah est toujours auditeur, voyant. »
(4.134) « Aucune âme ne peut jamais mourir sans la permission d'Allah et à un
terme fixé. Quiconque désire la récompense du monde, Nous lui en accordons; et
quiconque désire la récompense de l'au-delà, Nous lui en accordons. Et nous
récompenserons les reconnaissants. » (3.145)